Vous souvenez-vous de cette CAN 2024 qui a tenu tout le continent en haleine ? Cette équipe de Côte d’Ivoire qui frôlait l’élimination dès la phase de groupes, puis qui, comme dans un film hollywoodien, remontait tout pour soulever le trophée ? Au cœur de cette épopée improbable se trouve un homme : Émerse Faé. Passé d’adjoint discret à héros national en quelques jours, il incarne aujourd’hui le renouveau des Éléphants. Et à l’approche de la nouvelle édition au Maroc, ses mots résonnent plus que jamais.
Franchement, quand on repense à ce parcours, on se dit que le football africain sait encore écrire des histoires folles. Faé lui-même n’arrive toujours pas à y croire complètement. Et pourtant, il s’apprête à vivre sa première CAN en tant que numéro un, avec l’ambition chevillée au corps de conserver ce titre si durement acquis.
Un destin écrit dans les étoiles
Parfois, la vie prend des tournures qu’aucun scénario n’aurait osé imaginer. Pour Émerse Faé, tout a basculé le jour de son quarantième anniversaire. Le 24 janvier 2024, alors que la Côte d’Ivoire vacillait après une phase de groupes catastrophique, le président de la fédération lui propose le poste de sélectionneur. L’ancien coach part, et Faé se retrouve projeté sur le devant de la scène.
Ce qu’il y a de plus dingue, c’est la coïncidence temporelle. Il avait prévu de fêter ses 40 ans avec sa femme si l’équipe se qualifiait. Un gâteau était même commandé par un ami, prêt à être livré à l’hôtel. Au lieu de ça, il passe la soirée seul dans sa chambre, à réaliser l’énormité de la tâche. Pas de fête, pas de bougies, juste une immense responsabilité.
Tu ne peux pas t’imaginer ce destin… Commencer en adjoint et finir vainqueur, et ça tombe pile le jour de mon anniversaire.
Cette phrase résume tout. Faé parle d’un mélange de joie et de déception. Joie d’avoir l’opportunité, déception des circonstances. Mais surtout, une prise de conscience brutale : il jouait carrément sa carrière. En cas d’échec, retour à la case départ, peut-être même en divisions amateurs en France. Le risque était énorme.
La nomination qui change tout
Quand le président lui pose la question fatidique – « Te sens-tu capable ? » –, Faé répond oui sans hésiter. Mais une fois seul, la réalité le rattrape. Il passe d’un rôle confortable d’adjoint à celui où chaque décision est scrutée. Heure des entraînements, composition d’équipe, repas… Tout repose sur lui désormais.
Le staff se réduit comme peau de chagrin. Les proches de l’ancien coach partent, ne reste qu’une équipe squelette. Faé doit improviser, recruter en urgence des collaborateurs. Et surtout, écouter ce conseil précieux laissé par son prédécesseur : « Fais des choix forts. » Un message qui va guider toute la suite.
À ce moment-là, rien n’est joué. La Côte d’Ivoire n’est même pas certaine de passer les groupes en tant que meilleur troisième. Chaque match devient une finale avant l’heure. Et pourtant, quelque chose se met en place. Une dynamique, une énergie nouvelle.
Le tournant tactique et humain
Faé apporte rapidement sa patte. Il veut une équipe plus jeune, capable de répéter les efforts à haute intensité. Les matchs s’enchaînent tous les trois ou quatre jours en tournoi, il faut tenir la cadence. Exit certains cadres, place à une nouvelle génération prête à tout donner.
Mais au-delà du tactique, c’est l’aspect mental qui impressionne. Faé parvient à transformer la pression en carburant. Lui qui dit avoir besoin d’adrénaline pour performer transmet cette envie à ses joueurs. L’équipe devient solidaire, combative, presque insolente.
- Un jeu basé sur l’énergie et les transitions rapides
- Des joueurs plus jeunes et athlétiques
- Une mentalité de reconquête permanente
- La capacité à renverser des situations mal embarquées
Ces éléments vont devenir la marque de fabrique des Éléphants version Faé. Et ils vont payer jusqu’au bout, avec cette finale mémorable remportée face au Nigeria.
La vie après le sacre
Devenir champion d’Afrique du jour au lendemain, ça change une existence. En Côte d’Ivoire, où il réside, Faé est devenu une figure incontournable. Les gens l’arrêtent dans la rue, demandent des photos, donnent des conseils footballistiques. Sa femme lui reproche parfois de ne plus savoir poser des limites, mais lui assume pleinement cette proximité.
Il avoue aimer ces échanges simples. Aller acheter son pain le matin et discuter avec les supporters, ça le garde les pieds sur terre. Pas de star-system, juste une reconnaissance sincère et chaleureuse. C’est touchant, et ça montre à quel point le football unit dans ce pays.
Les gens me félicitent, me demandent des photos, me donnent des conseils… Mais c’est tranquille, bienveillant.
Émerse Faé
Malgré tout, il refuse de se reposer sur ses lauriers. La peur de redescendre ? Il la connaît, mais il la transforme en motivation. Avoir gagné sans être initialement prévu au poste lui a enlevé l’étiquette d’entraîneur inexpérimenté. Désormais, les portes s’ouvrent plus facilement.
Vers la défense du titre au Maroc
Aujourd’hui, l’horizon c’est la CAN 2025 au Maroc. Les Éléphants entrent en lice face au Mozambique, dans un groupe relevé avec le Cameroun et le Gabon. Faé aborde cette compétition avec une excitation particulière. C’est sa première en tant que patron dès le départ, et il sait que tout le monde les attend au tournant.
Il place son équipe parmi les favoris, aux côtés du Maroc et du Sénégal. Sans arrogance, mais avec réalisme. D’autres nations comme l’Algérie, le Nigeria ou le Cameroun auront aussi leur mot à dire. Ça promet une compétition ouverte et passionnante.
Quelques absences notables toutefois. Sébastien Haller, blessé à la dernière minute, manquera le tournoi. Nicolas Pépé, lui, paie des déclarations maladroites sur les binationaux. Des choix forts, encore une fois, qui montrent que Faé ne transige pas sur la discipline et l’engagement.
Un style de coaching instinctif
Ce qui frappe chez Faé, c’est son approche très humaine du métier. Pas de modèle unique, pas de protocole rigide. Il fonctionne beaucoup au feeling, adapte ses causeries en fonction du moment. Parfois, il monte dans le bus sans savoir exactement ce qu’il va dire, mais avec une idée claire de ce qu’il veut transmettre.
Il n’a pas d’inspiration particulière parmi les grands coaches. Il trace sa propre voie, match après match. Cette liberté créative semble lui réussir, et ses joueurs adhèrent visiblement à cette philosophie.
J’ai l’impression que c’est précisément cette authenticité qui fait la différence. Dans un football parfois trop formaté, Faé apporte une fraîcheur, une spontanéité qui transparaît sur le terrain.
Attention aux excès de confiance
Un point qu’il souligne souvent : la tendance ivoirienne à sous-estimer les adversaires supposés plus faibles. Contre le Mozambique pour commencer, il faudra être vigilant. Faé connaît cette mentalité, l’a vécue de l’intérieur. Son discours vise à garder tout le monde concentré, match après match.
Le groupe difficile est presque un avantage selon lui. Pas le temps de se relâcher, obligation de performer dès le début. C’est exactement l’état d’esprit qui avait permis la remontada l’an dernier.
Un homme de challenges
À 41 ans, Émerse Faé vit pleinement son rêve. Entraîner une sélection nationale à cet âge, après un titre dès la première tentative, c’est exceptionnel. Mais il reste pragmatique. Il sait que dans ce métier, rien n’est acquis. Chaque stage, chaque rassemblement est une nouvelle bataille.
Son objectif ? Prouver que le succès de 2024 n’était pas qu’une heureuse coïncidence. Qu’il y avait une stratégie, une vision, une compétence derrière. Et surtout, continuer à écrire cette histoire commencée de manière si improbable.
Quand on écoute Faé parler, on sent une détermination calme mais inébranlable. Pas de grandes déclarations tonitruantes, juste une envie profonde de réussir encore. Défendre un titre continental, c’est rare. Le faire après un tel scénario, ce serait entrer définitivement dans la légende.
Le football africain a besoin de ces parcours inspirants. Ils montrent que rien n’est impossible, que le destin peut basculer en un instant. Émerse Faé en est la preuve vivante. Rendez-vous au Maroc pour voir si les Éléphants sauront rugir à nouveau.
En attendant, une chose est sûre : l’histoire d’Émerse Faé nous rappelle pourquoi on aime tant ce sport. Pour ces moments où tout semble perdu, et où un homme, un groupe, décide de renverser la table. Magnifique, non ?
