Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez cherché un appartement en ville ? Cette sensation oppressante quand les loyers affichés vous donnent presque le vertige ? Moi oui, très bien. Et pourtant, depuis quelques années, un outil tente de calmer le jeu : l’encadrement des loyers. Ce jeudi 11 décembre 2025, les députés remettent le sujet sur la table, avec une question simple mais explosive : faut-il graver ce dispositif dans le marbre ou le laisser mourir tranquillement en 2026 ?
Franchement, on dirait un feuilleton politique dont on ne voit pas la fin. D’un côté les locataires qui respirent un peu, de l’autre des propriétaires qui hurlent au vol organisé. Et au milieu, nous tous, qui essayons juste de nous loger sans y laisser un rein.
Un dispositif qui touche déjà des millions de Français
L’encadrement des loyers, ce n’est pas une lubie sortie de nulle part. Lancé expérimentalement il y a sept ans, il concerne aujourd’hui 72 collectivités – des grandes villes évidemment, mais aussi des agglomérations entières. L’idée de base ? Empêcher les propriétaires de fixer des loyers complètement déconnectés de la réalité du marché local.
Concrètement, chaque quartier se voit attribuer un loyer de référence, augmenté ou diminué selon les caractéristiques du logement. Le propriétaire peut dépasser ce plafond de 20 % maximum, mais pas plus. Et c’est là que ça coince souvent.
« Ce n’est pas fait pour faire baisser les loyers, mais pour éviter les abus les plus flagrants. »
– Un rapport parlementaire récent
Et pourtant, les effets sont bien réels. Dans la capitale, des études montrent que le loyer moyen est inférieur de plus de 8 % à ce qu’il serait sans encadrement. Traduisez : près de 1 700 euros économisés par an et par ménage. Quand on sait que le budget logement représente parfois 40 % des revenus, ce n’est pas anodin.
Ce qui change avec la proposition actuelle
Le texte examiné aujourd’hui ne se contente pas de prolonger l’expérimentation. Il veut la transformer en règle définitive et surtout la muscler.
- Toutes les communes en zone tendue (et leurs voisines dans la même intercommunalité) pourraient l’appliquer automatiquement si elles le souhaitent.
- Le très controversé complément de loyer serait plafonné à 20 % du loyer de référence, avec des règles précises pour les balcons, caves ou mezzanines.
- Les amendes pour les propriétaires hors-la-loi doubleraient, et les locataires auraient plus de temps pour contester.
Autrement dit, on passe d’un outil un peu timide à une vraie arme anti-abus. Et ça, ça ne plaît pas à tout le monde.
Le grand mythe de la raréfaction de l’offre
Depuis le début, les fédérations de propriétaires agitent le même épouvantail : « Encadrez les loyers et les investisseurs fuiront, il y aura encore moins de logements à louer ! » C’est devenu leur mantra.
Sauf que… les chiffres ne disent pas vraiment ça. Les villes sans encadrement connaissent aussi une baisse de l’offre locative. La crise du logement est nationale, voire européenne. Construire moins, taxer plus les résidences secondaires, hausse des taux d’intérêt : voilà les vrais coupables.
J’ai discuté récemment avec une propriétaire à Lille (ville encadrée depuis des années). Elle m’a confié qu’elle louait toujours, mais qu’elle sélectionnait plus soigneusement ses locataires. « Je gagne un peu moins, mais j’ai moins de vacances locatives et moins de dégradations. » Comme quoi, tout n’est pas blanc ou noir.
Le gouvernement freine des quatre fers
Le ministre du Logement a été clair : il ne soutiendra pas le texte. Motif ? Il attend les conclusions d’une étude en cours. Classique technique d’enlisement.
Entre nous, attendre une étude quand on a déjà sept ans de recul et des dizaines de rapports, c’est un peu comme commander une expertise sur l’effet de la pluie sur les parapluies. On connaît déjà la réponse.
« Le dispositif fonctionne et mérite d’être poursuivi. »
– Conclusion d’une mission parlementaire bipartisane
Et les locataires dans tout ça ?
Ils sont plutôt contents, merci pour eux. Les associations de défense des locataires poussent depuis des années pour renforcer le système. Pour une fois qu’une mesure protège concrètement le pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires, ils ne vont pas lâcher l’affaire.
Et ils ont un argument massue : dans les villes encadrées, les jeunes couples, les familles modestes, les étudiants restent. Sans ça, c’est l’exode vers la périphérie lointaine, les trajets interminables, la fatigue accumulée. Le logement, ce n’est pas qu’une ligne sur un budget, c’est la vie quotidienne.
Ce qui pourrait encore bloquer
Politiquement, c’est la niche socialiste. Autrement dit, le gouvernement n’est pas obligé de suivre. Et avec la situation budgétaire explosive, chaque voix compte. Certains députés de la majorité pourraient être tentés de voter le texte pour faire un geste vers l’électorat populaire… ou au contraire le torpiller pour ne pas froisser les propriétaires.
Et puis il y a la question des petites villes en zone tendue qui n’ont pas encore sauté le pas. Certaines maires craignent de se mettre à dos leurs administrés bailleurs. Le dispositif reste volontaire – pour l’instant.
Et demain ?
Imaginons que le texte passe. On aurait enfin un outil stable, connu de tous, que les locataires pourraient invoquer sans se demander si ça va disparaître dans un an. Les plateformes de location devraient s’adapter sérieusement. Finies les annonces à +50 % du plafond avec trois lignes de justification bidon.
Si ça échoue ? Retour à la case départ en novembre 2026. Les loyers repartiraient à la hausse dans les villes concernées, et on recommencerait à entendre que « le marché se régule tout seul ». On sait tous comment ça finit.
Personnellement, je trouve que l’aspect le plus intéressant, c’est qu’on est en train de redéfinir ce qu’est un loyer abusif. Pendant des décennies, on a laissé le marché tout décider. Aujourd’hui, on pose la question : est-ce normal qu’un studio de 20 m² coûte 1 200 euros parce qu’il a une « belle vue sur cour » ?
Ce jeudi, l’Assemblée a l’occasion de trancher. Pas juste sur un dispositif technique, mais sur une vision de la société : veut-on des centres-villes réservés à ceux qui gagnent trois fois le SMIC, ou des villes vivantes, mixtes, où un professeur, une infirmière, un artisan peuvent encore se loger ?
La réponse, on l’aura dans quelques heures. En attendant, si vous êtes locataire en zone tendue, croisez les doigts. Et si vous êtes propriétaire… ben, préparez peut-être vos arguments. Parce que le vent tourne.
(Article mis à jour après le vote si nécessaire – l’actualité ne dort jamais.)
