Vous est-il déjà arrivé de tomber sur une histoire qui vous reste en travers de la gorge pendant des jours ? Moi, oui. Hier soir, en scrollant distraitement les actualités, je suis tombé sur ce fait divers qui m’a littéralement glacé le sang. Un gamin de huit ans, placé dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance à Paris, que des adultes censés le protéger ont décidé de raser à la tondeuse… parce qu’il avait désobéi. Et ils ont filmé la scène. Pire, ils se la sont partagée entre collègues comme un trophée. Franchement, j’ai eu besoin de poser le téléphone quelques minutes.
On parle beaucoup de maltraitance familiale, mais quand ça vient des institutions mêmes chargées de protéger les enfants, c’est une autre dimension de l’horreur. Alors j’ai creusé. Et plus je creuse, plus je me dis qu’on touche là à quelque chose de profondément pourri dans le système.
Une « sanction » filmée et partagée entre collègues
Reprenons depuis le début. Les faits remontent à février 2025. Un enfant de huit ans, déjà séparé de sa maman pour des raisons qu’on ignore (et qu’on n’a pas à juger ici), vit dans un foyer dépendant de l’aide sociale à l’enfance de la Ville de Paris. Un jour, il fait une bêtise – on ne sait pas exactement laquelle, peut-être une crise, un refus d’obéissance, rien qui justifie en tout cas ce qui va suivre.
Plusieurs éducateurs décident de le « punir ». Comment ? En lui rasant la tête à la tondeuse électrique. L’enfant est assis, recroquevillé, visiblement terrifié. Un adulte passe la tondeuse sans ménagement. Et pendant ce temps, un autre filme. La vidéo dure quelques dizaines de secondes, mais elle est insoutenable. On entend même des rires étouffés. Ensuite, la vidéo est envoyée sur un groupe WhatsApp réservé aux professionnels du foyer. Avec des commentaires moqueurs.
« Regardez le petit chauve, ça lui apprendra » – extrait supposé des messages qui accompagnaient la vidéo.
Quand je lis ça, j’ai envie de hurler. Ces gens sont payés, formés, contrôlés, pour protéger des gamins déjà fragilisés par la vie. Et eux, ils se comportent comme dans une cour de prison.
Une réaction tardive de la mairie
L’affaire éclate publiquement presque dix mois plus tard, début décembre 2025. La maman de l’enfant, alertée dès le mois de septembre par l’avocat de la famille, avait pourtant déjà signalé les faits. Mais il aura fallu une diffusion médiatique large pour que la Ville de Paris bouge enfin.
Le 9 décembre, communiqué officiel : la municipalité annonce saisir « sans délai » le procureur de la République. Traduction : on ouvre une enquête judiciaire. Mieux vaut tard que jamais, diriez-vous. Sauf que dix mois, pour un enfant de huit ans qui a vécu ça, c’est une éternité.
Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Mystère. Est-ce que l’information est restée coincée dans les méandres administratifs ? Y a-t-il eu tentative d’étouffement interne ? On ne le saura peut-être jamais complètement. Mais une chose est sûre : la lenteur de la réaction institutionnelle est presque aussi choquante que les faits eux-mêmes.
L’ASE sous le feu des critiques depuis des années
Cette histoire ne sort pas de nulle part. L’aide sociale à l’enfance traîne depuis longtemps une réputation contrastée. Entre héroïsme discret de certains professionnels et dysfonctionnements graves, le grand public oscille souvent entre gratitude et méfiance.
Moi je me souviens encore du scandale des foyers dans l’Aube il y a quelques années, ou des témoignages récurrents d’anciens placés qui racontent violences physiques, humiliations, abus sexuels parfois. À chaque fois, on promet des réformes, des contrôles renforcés, des formations. Et à chaque fois, un nouveau scandale vient nous rappeler que le système craque de partout.
- Manque criant de personnel qualifié
- Turn-over infernal dans les équipes
- Budgets toujours trop justes
- Formation initiale parfois indigente sur la gestion de la violence et des émotions
- Culture du secret et du non-signalement interne
Tous ces ingrédients font un cocktail explosif. Et l’enfant, au milieu, paie l’addition.
Raser un enfant : au-delà de l’humiliation, une violence symbolique puissante
On pourrait se dire : « Bon, ce ne sont que des cheveux, ça repousse ». Sauf que non. Quand vous raseez de force la tête d’un enfant de huit ans, vous ne lui faites pas juste une coupe à la tondeuse. Vous le marquez au fer rouge dans sa dignité.
Dans toutes les cultures, les cheveux ont une symbolique forte. On rase les collaborateurs après la guerre, les prisonniers, les malades mentaux autrefois. C’est une manière de déshumaniser, de mettre à nu, de montrer qui commande. Appliqué à un gosse qui n’a déjà plus sa famille, c’est d’une cruauté rare.
Et le pire, c’est la dimension collective : plusieurs adultes présents, personne n’intervient, certains rigolent, d’autres filment. C’est la banalité du mal en direct. Hannah Arendt aurait eu matière à écrire un chapitre supplémentaire.
Que risque réellement les éducateurs impliqués ?
Maintenant que la justice est saisie, on entre dans le vif. Les faits peuvent être qualifiés de plusieurs façons :
- Violences sur mineur par personnes ayant autorité (jusqu’à 5 ans de prison)
- Atteinte à la dignité (humiliation, dégradation)
- Enregistrement et diffusion d’images portant atteinte à la dignité d’un mineur
- Non-assistance à personne en danger (si d’autres éducateurs étaient présents sans intervenir)
En clair, ça peut aller d’un simple rappel à la loi… à plusieurs années de prison ferme. Tout dépendra de l’enquête, du profil des mis en cause, de l’existence ou non d’antécédents. Mais une chose est sûre : même sans condamnation pénale lourde, leur carrière dans l’éducation spécialisée est probablement terminée.
Et l’enfant dans tout ça ?
C’est la question qui me hante depuis hier. Où est-il aujourd’hui ? A-t-il été changé de foyer ? Revoit-il sa maman ? A-t-il pu parler à un psychologue ? Les cheveux repoussent, mais les souvenirs, eux, restent.
À huit ans, on comprend parfaitement l’humiliation. On sent la trahison. Ces images tournées par ceux qui étaient censés le protéger, il les portera toute sa vie. Et nous, société, on porte la responsabilité collective de ne pas avoir su le protéger assez tôt.
Vers un énième rapport qui ne changera rien ?
On nous promet déjà des enquêtes administratives internes, des audits, peut-être une mission parlementaire. On connaît la musique. Dans six mois, un rapport de 300 pages dormira sur un bureau, et dans deux ans un nouveau scandale refera surface.
Ce qu’il faudrait, c’est du concret. Maintenant.
- Caméras dans les parties communes des foyers (sans atteindre l’intimité, bien sûr)
- Signalement obligatoire et anonyme possible pour tout professionnel témoin de maltraitance
- Sanctions immédiates en cas de non-signalement
- Recrutement massif et meilleure rémunération des éducateurs
- Formation continue obligatoire sur la bientraitance et la gestion des émotions
Utopique ? Peut-être. Mais quand on voit ce que certains enfants subissent dans des structures censées les sauver, on se dit qu’on n’a plus le luxe d’attendre.
Cette histoire me laisse un goût amer. Parce qu’elle dit quelque chose de terrible sur nous tous : on est capables du pire, même quand on porte l’uniforme de la bienveillance. Et surtout, elle rappelle que derrière chaque « fait divers », il y a un gamin qui n’a rien demandé à personne.
J’espère de tout cœur que la justice fera son travail. Pas seulement pour punir – même si c’est nécessaire – mais surtout pour que plus jamais un enfant de huit ans n’ait à vivre ça dans un lieu qui porte le mot « protection » dans son nom.
Parce que franchement, on ne peut pas faire pire comme trahison.
