Vous vous souvenez quand on pensait que certaines horreurs n’arrivaient qu’aux autres ? Moi aussi. Et puis on apprend qu’à Montbéliard, dans le Doubs, deux gamins de 14 ans viennent d’être arrêtés pour tentative de meurtre, probablement commanditée par des narcotrafiquants. Quatorze ans. L’âge où, normalement, on stress pour le brevet ou on découvre ses premiers émois amoureux. Pas l’âge où on manie une arme pour régler des comptes.
Cette affaire, survenue fin novembre, glace le sang. Et elle n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une tendance de plus en plus visible : les réseaux de drogue, à court de main-d’œuvre « fiable », se tournent vers les plus jeunes. Plus malléables, moins chers, et surtout moins sévèrement punis par la justice. Cynique, mais efficace pour eux.
Le narcotrafic n’a plus de frontières géographiques ni d’âge
Il y a encore quelques années, on associait ce genre de recrutement de mineurs aux grandes cités chaudes du sud ou de la banlieue parisienne. Aujourd’hui, le phénomène s’étend partout, même dans des départements qu’on imaginait préservés. Le Doubs, la Franche-Comté… des régions où l’on parle plus volontiers de fromages et de forêts que de kalachnikovs. Et pourtant.
Ce qui frappe, c’est la banalisation de la violence chez certains ados. Un enquêteur que je connais me confiait récemment : « Ils n’ont plus peur de rien. Ils savent qu’en tant que mineurs, ils risquent peu. Alors ils acceptent des missions qu’un adulte de 25 ans refuserait net. » Terrifiant, non ?
Comment on en arrive là ? Le rôle toxique des réseaux sociaux
Tout commence souvent par un message privé sur Snapchat ou Telegram. Une proposition alléchante : « Tu veux gagner 2 000 € en une soirée ? » Pour un jeune en galère, ou simplement attiré par l’argent facile, c’est tentant. Ensuite, on monte les enchères. Un « petit » guet, puis un transport, puis une intimidation, et enfin… une exécution.
Les recruteurs connaissent parfaitement la psychologie adolescente. Ils flattent, ils promettent, ils font miroiter un train de vie de star. Et surtout, ils effacent les traces : messages qui s’autodétruisent, pseudos, VPN. Résultat ? Les policiers ont un mal fou à remonter les filières.
« Les gamins pensent qu’ils sont intouchables sur Internet. Ils ne réalisent pas que derrière l’écran, il y a des adultes qui les manipulent comme des pions. »
Un éducateur spécialisé de quartier sensible
Des profils de plus en plus jeunes, des actes de plus en plus graves
On a vu récemment un garçon de 14 ans à Marseille abattre un innocent par erreur, pensant exécuter un contrat à 50 000 €. Ici, dans le Doubs, les deux ados interpellés faisaient partie d’un commando de cinq personnes. Cinq. Pour une seule tentative d’assassinat. Ça donne une idée de l’ampleur de l’organisation.
Et ce n’est pas un épiphénomène. Partout en France, les parquets signalent une explosion des mises en cause de mineurs dans des affaires liées au narcobanditisme. Certains centres éducatifs fermés sont saturés. Les juges des enfants avouent leur impuissance face à des gamins déjà « brûlés » par la violence.
- Âge moyen des exécutants en baisse constante depuis 2023
- Montant des « contrats » proposés parfois supérieurs à 100 000 €
- Armes de plus en plus lourdes confiées à des mains de plus en plus jeunes
- Recrutement quasi-industriel via les réseaux sociaux
Quand on regarde ces chiffres, on a envie de hurler. Comment a-t-on pu laisser les choses aller aussi loin ?
Les conséquences sur les territoires : une spirale infernale
L’arrivée de ces pratiques dans des villes moyennes change tout. Les habitants, qui vivaient jusqu’ici relativement tranquilles, découvrent la peur. Les règlements de comptes, les fusillades en pleine rue, les intimidations. À Montbéliard, après cette tentative de meurtre, beaucoup de parents m’ont dit qu’ils n’osaient plus laisser leurs enfants sortir seuls le soir.
L’aspect le plus inquiétant, c’est la contamination. Un jeune qui rapporte 5 000 € en un week-end devient une star dans son quartier. Du coup, il recrute à son tour ses copains. Et le cercle vicieux s’emballe.
Les écoles, les clubs de sport, les MJC perdent du terrain. Face à l’argent rapide et à l’adrénaline, leurs propositions font pâle figure. Et pendant ce temps, les trafiquants, eux, prospèrent.
Que fait l’État ? Entre répression et prévention, le grand flou
Évidemment, la réponse pénale s’est durcie. Création de cellules spécialisées, renforcement des groupes d’intervention, coopération européenne… Tout ça est nécessaire. Mais ça ne suffit pas.
Car le problème est aussi social. Beaucoup de ces jeunes viennent de familles désœuvrées, parfois dépassées, parfois absentes. L’école a lâché prise depuis longtemps pour certains. Alors quand un « grand » leur propose respect et argent, ils foncent.
Quelques initiatives locales fonctionnent pourtant. À Strasbourg ou à Lille, des associations et policiers ont monté des programmes de prévention directement dans les collèges, avec d’anciens délinquants qui viennent témoigner. Résultat ? Une vraie baisse du recrutement dans certains quartiers tests. Preuve que quand on s’y met vraiment, ça marche.
« On ne combattra pas ce fléau qu’avec des menottes. Il faut redonner de l’espoir à ces gamins, leur montrer qu’il y a d’autres chemins que celui de la kalach. »
Un maire de ville moyenne touché par le phénomène
Vers une génération sacrifiée ?
Le plus douloureux, c’est de réaliser que ces adolescents, même s’ils commettent l’irréparable, sont avant tout des victimes. Victimes d’un système qui les a laissés tomber bien avant que les trafiquants ne tendent la main.
Aujourd’hui, on arrête des gamins de 14 ans pour tentative de meurtre. Demain, ce sera 13 ans ? 12 ans ? La question n’est plus absurde. Et elle devrait nous terrifier tous.
Il est temps de se réveiller. Vraiment. Parce que si on continue à regarder ailleurs en se disant « ça n’arrive pas chez nous », un jour, ça arrivera chez tout le monde.
Et vous, qu’en pensez-vous ? A-t-on encore le temps de sauver cette génération, ou est-on déjà allés trop loin ? Les commentaires sont ouverts.
