Il y a des soirs où le foot écrit des histoires qu’on n’ose même pas imaginer à l’avance. Vendredi, dans le chaudron de la Décathlon Arena, sous un épais nuage de fumigènes, un gamin de 18 ans a fait taire tout le monde d’un geste aussi simple qu’imparable. Ethan Mbappé, oui, le petit frère de « celui dont on parle tout le temps », vient peut-être de vivre le match qui change une carrière.
Je ne vais pas vous refaire le film au ralenti, vous l’avez sûrement vu cent fois déjà. Dixième minute, ouverture millimétrée de Nabil Bentaleb, course fulgurante dans le dos de la défense marseillaise, contrôle orienté du gauche et frappe croisée dans le but vide. 1-0. Rideau. Lille bat l’OM et revient à hauteur de son adversaire du soir. Mais derrière ce but, il y a bien plus qu’un simple exploit personnel.
Le déclic tant attendu d’un talent trop souvent freiné
Revenons deux ans en arrière. Ethan quitte le PSG, son club formateur, pour rejoindre Lille avec l’étiquette lourde – très lourde – du « frère de ». Beaucoup pensaient qu’il allait galérer, se perdre dans l’ombre écrasante de Kylian. D’autres, plus optimistes, misaient sur un effet inverse : la liberté loin de Paris pour enfin montrer qui il est vraiment.
La première saison ? Dix petits matches, zéro but. La seconde démarre encore plus mal : deux grosses blessures musculaires qui le tiennent éloigné des terrains pendant des mois. On commence à se dire que le corps ne suit pas la tête. Et puis arrive ce match contre Marseille. Première titularisation de la saison, sur l’aile droite, face à des clients comme Emerson et Aguerd. Mission : presser haut et punir dans le dos. Il a fait les deux. Avec la manière.
Un profil qui change tout pour Bruno Genesio
Ce qui frappe quand on regarde Ethan jouer, c’est sa capacité à jouer dans les intervalles à 100 km/h. Là où beaucoup de jeunes de son âge cherchent la facilité, lui cherche la profondeur. Constamment. Et ça, Bruno Genesio l’a bien compris.
« On l’a mis titulaire parce qu’il a cette faculté à attaquer la profondeur avec de la vitesse. Il crée des occasions à chaque match, il fait marquer ou il marque lui-même. »
Bruno Genesio, après la victoire
En clair : Ethan n’est pas là pour faire de la figuration ou accumuler les passes latérales. Il est là pour faire mal. Très mal. Et vendredi, il a rappelé à tout le monde que quand son corps le laisse tranquille, il devient quasiment injouable.
Plus qu’un but : une prestation XXL sur toute la durée
Parce qu’on aurait tort de réduire sa soirée à ce seul but. Ethan a été partout. Sept ballons récupérés en seconde période – oui, sept – dans les pieds des Marseillais, des retours défensifs à 100 %, des appels incessants, une frappe détournée par Rulli sur un coup franc qu’il avait lui-même obtenu… Bref, le genre de match complet qui fait dire aux anciens : « Celui-là, il a quelque chose en plus. »
Et ce quelque chose, Aïssa Mandi l’a très bien résumé en conférence de presse :
« Il ose, il parle, il défend, il ne lâche rien. À l’entraînement, il est à 100 % sur chaque ballon. S’il continue à être titulaire sur des matchs comme ça, c’est qu’il le mérite. »
Venir d’un défenseur international expérimenté, ça pèse. Surtout quand on connaît la culture de travail exigée à Lille.
Le corps, ce traître qui commence (peut-être) à coopérer
On ne va pas se mentir : les blessures ont été le vrai poison de ses deux dernières années. Deux grosses alertes musculaires qui ont freiné net son éclosion. À 18 ans, quand on a la vitesse pour principal atout, c’est la double peine. Le staff lillois le sait et gère sa charge comme un trésor fragile.
- Renforcement musculaire ciblé
- Gestion minutieuse des temps de jeu
- Récupération optimisée
- Préparation physique individualisée
Mais le message est clair : si le corps suit enfin, Ethan peut devenir un titulaire indiscutable. Voire plus.
Trois buts cette saison… contre qui déjà ?
Petit détail qui fait sourire : ses trois réalisations de la saison, il les a mises contre Toulouse, le PSG (son club formateur) et maintenant l’OM. Autant dire qu’il a le chic pour marquer contre des gros, devant des stades pleins et des caméras du monde entier. Hasard ? Peut-être pas.
Il y a chez lui cette forme de coolitude under pressure qu’on retrouve chez les très grands. Il ne tremble pas. Il assume. Et quand on lui pose la question du poids du nom, il répond toujours la même chose, avec ce petit sourire en coin : « Je suis Ethan, pas le frère de quelqu’un. »
Et maintenant ? Le début d’une belle série ?
La question que tout le monde se pose : est-ce le match du déclic définitif ? Difficile à dire. Le foot est cruel avec les jeunes talents, surtout quand ils portent un nom aussi lourd. Mais une chose est sûre : Lille tient là un joueur différent. Un profil ultra-rapide capable de casser les lignes, de presser comme un mort de faim et de finir les actions.
Bruno Genesio l’a dit sans filtre : « C’est un joueur qui rend l’équipe meilleure. » Quand ton entraîneur balance ça après un match contre l’OM, tu sais que tu as passé un cap.
Alors oui, il reste du boulot. Sur le plan physique d’abord, pour encaisser enfin une saison pleine. Sur la régularité ensuite, parce qu’on attendra désormais ça de lui à chaque match. Mais à voir la façon dont il a marché sur l’OM, on se dit que le gamin a peut-être enfin trouvé son jardin.
Et quelque part, dans un coin de Madrid, un certain Kylian a dû avoir le sourire en voyant son petit frère faire parler la poudre sous le maillot lillois. Parce qu’au fond, c’est aussi ça la beauté du foot : une même famille, deux chemins différents, mais toujours cette même envie de marquer l’histoire.
Ethan Mbappé n’a plus 16 ans. Il n’est plus « le petit frère ». Il est devenu, en une soirée brumeuse de décembre, un joueur de Ligue 1 qui compte. Et quelque chose me dit que ce n’est que le début.
Le foot français a toujours aimé ses fratries. Les Nevilles, les Toure, les Hazard… Et maintenant, les Mbappé. Ethan vient d’allumer la mèche. Reste à voir si la flamme va durer toute la saison. Moi, j’ai envie d’y croire.
