Imaginez-vous en train de discuter avec vos voisins autour d’un café. La conversation dérive naturellement sur l’actualité, et soudain, quelqu’un lance : « Et si la guerre arrivait jusqu’ici ? » Ce n’est plus de la science-fiction pour beaucoup d’entre nous. Un sondage récent montre que plus de la moitié des Européens prennent très au sérieux la possibilité d’un conflit direct avec la Russie. C’est une réalité qui pèse sur les esprits, surtout depuis que le conflit en Ukraine a redessiné les cartes de la sécurité sur le continent.
Personnellement, quand j’ai pris connaissance de ces chiffres, ça m’a fait réfléchir. On vit dans une Europe qui semblait avoir tourné la page des grandes guerres après 1945, et pourtant, cette peur resurgit. Elle n’est pas uniforme, elle varie selon les pays, les histoires et la proximité géographique. Allons voir ça de plus près.
Une crainte partagée par plus d’un Européen sur deux
Le constat est clair : 51 % des personnes interrogées dans neuf pays de l’Union européenne estiment que le risque d’une guerre avec la Russie est élevé ou très élevé dans les années à venir. Ce n’est pas une petite minorité qui s’inquiète, c’est la majorité. Et quand on parle de près de 10 000 personnes interrogées, on ne peut pas balayer ça d’un revers de main.
Ce qui frappe, c’est que cette perception n’est pas née de nulle part. Le conflit en Ukraine dure depuis bientôt quatre ans, et les déclarations parfois musclées venant de Moscou n’aident pas à apaiser les esprits. Beaucoup se demandent si ce qui se passe là-bas pourrait déborder. Et franchement, on comprend pourquoi cette question trotte dans les têtes.
Des différences flagrantes selon les pays
Tous les Européens ne vivent pas cette angoisse de la même façon. La géographie joue un rôle énorme, c’est évident.
En Pologne, par exemple, pays frontalier avec la Russie et son allié biélorusse, 77 % des sondés voient ce risque comme important. C’est énorme. On sent là l’histoire récente, les souvenirs encore vivaces de l’influence soviétique, et la solidarité affichée envers l’Ukraine voisine.
À l’autre bout du spectre, en Italie, une majorité (65 %) pense que le danger est faible ou inexistant. Peut-être l’éloignement géographique, peut-être une certaine tradition de neutralité dans les esprits. Entre les deux, on trouve la France et l’Allemagne autour de 50-54 %. Pas de panique totale, mais une vigilance réelle.
- Pologne : 77 % craignent un risque élevé
- France : 54 %
- Allemagne : 51 %
- Italie : seulement 35 % voient un risque élevé (65 % le jugent faible)
- Autres pays comme la Belgique, les Pays-Bas ou l’Espagne se situent dans la moyenne européenne
Ces écarts montrent bien que l’Europe n’est pas un bloc monolithique. Ce qui effraie à l’Est peut sembler lointain au Sud. Pourtant, en cas de conflit, personne ne serait vraiment à l’abri.
La Russie, menace numéro un aux yeux des Européens
Ce qui ressort fortement de cette étude, c’est que la Russie apparaît comme la principale menace étatique pour la paix en Europe. À l’inverse, presque tout le monde (81 %) écarte l’idée d’une guerre avec la Chine. C’est net, presque brutal.
La Russie représente donc, de très loin, la menace de guerre étatique la plus structurante dans l’opinion européenne.
Observation tirée de l’analyse du sondage
Mais attention, la menace la plus immédiate n’est pas forcément un État. Pour 63 % des répondants, c’est le terrorisme qui arrive en tête des dangers concrets. On pense aux attentats passés, à la peur du quotidien. La guerre conventionnelle semble plus lointaine, mais quand même crédible.
J’ai trouvé ça intéressant : on distingue clairement deux niveaux de peur. Celle qui peut frapper n’importe quand (terrorisme) et celle qui plane comme une épée de Damoclès (conflit avec un grand pays).
Un doute massif sur nos capacités de défense
Et là, ça devient vraiment préoccupant. Près de 69 % des Européens pensent que leur pays ne serait pas capable de se défendre efficacement face à une agression russe. Deux tiers qui n’ont pas confiance en leurs propres armées. Ça fait réfléchir sur l’état de nos forces armées après des décennies de coupes budgétaires.
Quelques chiffres qui marquent :
| Pays | % estimant leur pays incapable de se défendre |
| Belgique | 87 % |
| Italie | 85 % |
| Portugal | 85 % |
| France | 56 % (le plus optimiste grâce à la dissuasion nucléaire) |
| Moyenne | 69 % |
La France fait figure d’exception, en partie grâce à son statut de puissance nucléaire. Mais même là, plus de la moitié reste sceptique. On se dit posséder la bombe, mais est-ce suffisant face à un conflit conventionnel de grande ampleur ? La question mérite d’être posée.
Dans d’autres pays, le pessimisme est écrasant. Quand 87 % des Belges doutent de leur armée, ça dit beaucoup sur le sentiment d’impréparation générale en Europe occidentale.
Pourquoi cette peur ressurgit maintenant ?
Remettons les choses en perspective. Depuis la fin de la Guerre froide, beaucoup pensaient que l’Europe vivait dans une paix durable. Les budgets défense ont fondu, les armées se sont professionnalisées mais réduites. Et puis 2022 est arrivé, avec l’invasion à grande échelle de l’Ukraine.
Du jour au lendemain, on a vu que oui, une guerre territoriale pouvait encore éclater aux portes de l’Union. Les discours sur la « fin de l’histoire » ont pris un sérieux coup. Et les Européens, qui suivaient ça de loin au début, ont commencé à se demander : « Et nous, on ferait comment ? »
Ajoutez à ça les exercices militaires russes près des frontières, les incidents en mer Baltique, les cyberattaques attribuées à Moscou… Tout ça nourrit l’inquiétude. Ce n’est pas de la paranoïa, c’est une réaction logique à une situation qui s’est dégradée.
L’Europe face aux deux grands : entre Amérique et Chine
Le sondage aborde aussi la place de l’Europe dans le monde. Une majorité (55 %) souhaite une position équilibrée entre les États-Unis et la Chine. Ni alignement total sur Washington, ni rapprochement excessif avec Pékin.
C’est la fameuse « autonomie stratégique » dont on parle beaucoup à Bruxelles. Les gens semblent prêts à ça, même si dans les faits, on reste très dépendants de l’OTAN et donc des Américains pour la défense.
Autre point qui fait débat : près d’une personne sur deux voit l’ancien (et peut-être futur) président américain Donald Trump comme un ennemi de l’Europe. Là encore, les avis divergent fortement selon les pays, mais ça montre une certaine méfiance envers une Amérique qui pourrait se désengager.
Et les autres préoccupations des Européens
Cette étude ne s’arrête pas à la sécurité extérieure. Elle révèle aussi d’autres angoisses collectives.
Par exemple, une majorité voit l’immigration comme une menace pour la cohésion nationale, surtout dans le nord et l’est du continent. Le sujet reste explosif, même des années après la crise de 2015.
On note aussi un désir de réduire la dépense publique et le nombre de fonctionnaires. Dans un contexte où il faudrait pourtant investir massivement dans la défense, il y a comme une contradiction. Comment renforcer nos armées si on veut couper dans les budgets ? C’est un débat qui va occuper les années à venir.
Que faire face à cette réalité ?
Ce sondage agit comme un électrochoc. Il montre que les Européens sont lucides : ils voient les dangers, mais ils doutent de notre capacité collective à y répondre.
Plusieurs pistes émergent. D’abord, renforcer la défense européenne, au-delà des discours. Augmenter les budgets (on parle de 2 % du PIB pour l’OTAN, mais beaucoup sont encore loin du compte). Développer une vraie industrie de défense commune, plutôt que d’acheter américain à chaque fois.
Ensuite, investir dans la résilience : énergie, cybersécurité, chaînes d’approvisionnement. Parce qu’une guerre moderne ne se gagne pas seulement sur le champ de bataille.
Et surtout, retrouver une forme d’unité. L’Europe a montré sa solidarité avec l’Ukraine, mais face à une menace directe, est-ce que tout le monde suivrait ? Les divergences entre Est et Ouest, Nord et Sud, restent profondes.
Une Europe qui doit grandir vite
Ce qui est sûr, c’est que nous n’avons plus le luxe du temps. L’après-Guerre froide est bel et bien terminé. Les Européens le sentent dans leur chair, et ce sondage le prouve chiffres à l’appui.
On peut trouver ça inquiétant, voire déprimant. Moi, j’y vois aussi une opportunité. Celle de construire enfin une Europe qui assure vraiment sa propre sécurité. Pas parfaite, pas demain matin, mais en route.
Parce qu’au fond, si plus de la moitié d’entre nous craignent le pire, c’est peut-être le signal qu’il est temps d’agir pour que ça reste de la crainte… et non une réalité.
La question maintenant est simple : allons-nous écouter cette sonnette d’alarme populaire, ou continuer comme si de rien n’était ? L’histoire jugera.
(Article basé sur un sondage réalisé fin novembre auprès de 9 553 personnes dans neuf pays européens. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et invitent à une réflexion collective sur notre avenir commun.)
