Il y a quelques mois, j’ai croisé un vieil ami chef d’entreprise au détour d’un salon professionnel. Il avait le sourire éclatant de quelqu’un qui vient de gagner au loto. « Je viens de poser mes valises à Lisbonne », m’a-t-il lancé. « Ici, je respire enfin. » Ce n’était pas seulement le climat. C’était surtout le fait de ne plus voir 50, 60, parfois 70 % de ses bénéfices partir en fumée fiscale. Et il est loin d’être un cas isolé.
Aujourd’hui, l’exil fiscal n’est plus un gros mot réservé à quelques stars ou héritiers. Il concerne des milliers de patrons de PME, de start-uppeurs, de professions libérales qui, un jour, font le calcul et se disent : « Stop, ça suffit. » Et quand ils regardent la carte, quatre destinations reviennent invariablement en tête de liste : le Portugal, l’Espagne, l’Italie et Dubaï. Pourquoi eux ? Parce qu’est-ce qui les rend si irrésistibles ? Allons voir ça de plus près.
Pourquoi tant de patrons rêvent-ils de partir ?
Commençons par le commencement. La France reste l’un des pays où la pression fiscale sur les entreprises et les hauts revenus est parmi les plus élevées d’Europe. Entre l’impôt sur le revenu, l’ISF (même remplacé par l’IFI, il reste dans toutes les têtes), les cotisations sociales patronales et salariales, la CVAE, la taxe foncière quand on est propriétaire de ses locaux… la facture devient vite indigeste.
Ajoutez à ça une instabilité législative permanente – on change les règles tous les deux ans – et vous obtenez un cocktail qui pousse les entrepreneurs à regarder ailleurs. Et quand je dis « regarder », c’est souvent pour sauter le pas très vite. D’après les cabinets spécialisés en mobilité internationale que j’ai pu interroger, les demandes de renseignements ont littéralement explosé ces dernières années.
« On est passé de quelques dizaines de dossiers par an à plusieurs centaines. Et ce ne sont pas que des ultra-riches. Ce sont surtout des patrons qui gagnent entre 150 000 et 500 000 euros par an et qui n’en peuvent plus », m’a confié un conseiller en gestion de patrimoine basé à Paris.
Le Portugal, le grand favori : le régime NHR du Portugal
Si le Portugal caracole en tête, ce n’est pas un hasard. Le régime Non Habitual Resident (NHR), même légèrement modifié en 2024, reste ultra-attractif. Pendant 10 ans, la plupart des revenus de source étrangère (dividendes, plus-values, pensions, revenus immobiliers locatifs…) sont exonérés d’impôt au Portugal. Et quand ils sont imposés, c’est à un taux fixe de 20 % maximum.
En clair : un patron qui vend sa société en France et réalise une plus-value de plusieurs millions peut, s’il est bien accompagné, ne payer quasiment aucun impôt dessus au Portugal. Ajoutez à ça un coût de la vie raisonnable (surtout hors Lisbonne et Algarve), un climat doux toute l’année, une sécurité parmi les meilleures d’Europe et une communauté française déjà très implantée… et vous comprenez pourquoi Lisbonne, Porto ou Cascais sont devenus des petits Paris.
- Exonération totale sur les dividendes étrangers pendant 10 ans
- Taux fixe de 20 % sur les revenus professionnels
- Aucun impôt sur les successions pour les non-résidents fiscaux portugais
- Qualité de vie exceptionnelle
- Visa golden (investissement immobilier) toujours disponible
Petit bémol depuis 2024 : les pensions de retraite privées sont désormais imposées à 10 %. Mais pour un entrepreneur encore en activité, le régime reste imbattable.
L’Espagne et sa « Beckham Law » revisitée
Oui, vous avez bien lu. La loi Beckham (du nom du footballeur qui en a bénéficié le premier) existe toujours, et elle a même été étendue récemment. Le principe ? Pendant 6 ans, les nouveaux résidents fiscaux espagnols peuvent opter pour un régime forfaitaire : ils sont imposés à 24 % jusqu’à 600 000 € de revenus, puis 47 % au-delà, mais uniquement sur leurs revenus de source espagnole. Tout ce qui vient de l’étranger ? Exonéré.
Concrètement, un patron qui garde sa société en France mais vit à Madrid ou Barcelone ne paie presque rien en Espagne sur ses dividendes. Et depuis 2023, le seuil d’éligibilité a été abaissé : il suffit de ne pas avoir été résident fiscal espagnol les 5 dernières années (contre 10 auparavant). Résultat : les demandes ont explosé.
Et puis, franchement, qui dirait non à une vie entre Madrid, Valence ou Marbella ? Tapas à midi, plage l’après-midi, et impôts divisés par trois le soir…
L’Italie et sa flat tax à 100 000 €
L’Italie, c’est le joker de ces dernières années. Depuis 2017, elle propose un régime complètement fou : vous payez 100 000 € d’impôt forfaitaire par an, quel que soit le montant de vos revenus mondiaux. Et 25 000 € par personne à charge. Point final.
Autrement dit, si vous gagnez plus de 2 ou 3 millions par an, c’est l’aubaine absolue. Mais même pour quelqu’un qui gagne 1 million, ça reste hyper compétitif. Et l’Italie a ajouté une option encore plus souple en 2024 : une flat tax à 200 000 € pour ceux qui transfèrent leur résidence dans le Sud (Pouilles, Calabre, Sicile…) avec une exonération à 90 % sur les revenus étrangers. Résultat : la Calabre et la Sicile se remplissent de villas neuves achetées par des Français.
Et puis il y a le mode de vie. La dolce vita, ce n’est pas un slogan touristique. C’est une réalité quotidienne. Bons restaurants, patrimoine incroyable, mer à deux pas… Beaucoup me disent : « J’ai l’impression d’être en vacances toute l’année. »
Dubaï : le zéro impôt absolu
Et puis il y a Dubaï. Là, on change de dimension. Zéro impôt sur le revenu. Zéro. Nada. Que vous gagniez 100 000 € ou 100 millions. Zéro cotisation sociale (hormis une petite assurance santé obligatoire ridicule). Et une simplicité administrative qui fait rêver n’importe quel entrepreneur français.
Le visa long séjour est obtenu en quelques semaines si vous achetez un bien immobilier ou créez une société en zone franche. Les écoles françaises sont excellentes, la sécurité irréprochable, les vols directs depuis Paris quotidiens. Et surtout, une communauté d’affaires ultra-dynamique. À Dubaï, tout le monde est là pour faire du business. L’énergie est palpable.
Le seul vrai frein ? La chaleur l’été (mais la clim est partout) et le fait que ce ne soit pas l’Europe. Pas de nationalité possible, seulement des visas renouvelables. Mais pour beaucoup, le jeu en vaut largement la chandelle.
Alors, lequel choisir ?
Tout dépend de votre situation. Si vous voulez rester en Europe, avec les mêmes droits (sécurité sociale, succession…), le Portugal reste numéro 1 pour la plupart. L’Espagne convient parfaitement aux familles avec enfants (écoles françaises nombreuses). L’Italie est idéale pour les très hauts patrimoines ou ceux qui veulent investir dans l’immobilier méditerranéen. Et Dubaï, c’est le choix radical pour ceux qui veulent tout recommencer à zéro fiscal.
Ce qui est sûr, c’est que le mouvement s’accélère. Et il ne concerne plus seulement les « riches ». Un chirurgien-dentiste qui gagne 300 000 € par an, un patron de PME familiale, un consultant international… tous y pensent. Parce qu’à un moment, la question n’est plus « Est-ce que je peux partir ? » mais « Pourquoi je reste ? ».
Et vous, jusqu’où irez-vous pour garder ce que vous avez durement gagné ?
