Franchement, quand on suit le FC Nantes depuis quelques années, on finit par se demander si le club n’a pas un abonnement illimité aux crises existentielles. Mercredi soir, le couperet est tombé : Luis Castro n’est plus l’entraîneur des Canaris. Quelques mois à peine après son arrivée, le Portugais paye cash une première partie de saison catastrophique. À sa place ? Ahmed Kantari, l’ancien adjoint d’Antoine Kombouaré, qui revient en pompier de service. Mission : sauver un bateau qui prend l’eau de partout.
Je ne vais pas vous refaire le match des émotions nantaises – on les connaît par cœur –, mais avouez que le timing a quelque chose de surréaliste. Le matin même, Castro tenait encore sa conférence de presse d’avant-match à la Jonelière, tranquille, comme si de rien n’était. Quelques heures plus tard, c’était fini. Dans le football moderne, la confiance dure parfois moins longtemps qu’un café.
Un début de saison historiquement mauvais
Regardons les chiffres en face, ils sont impitoyables. Après quinze journées, Nantes pointe à la 17ᵉ place, premier non-relégable… pour l’instant. Deux victoires, cinq nuls, huit défaites. Douze petits points. C’est tout simplement le pire départ de l’ère Kita depuis 2007. Oui, vous avez bien lu : pire que toutes les saisons galères qu’on a connues ces dernières années.
Et le problème n’est pas seulement comptable. Sur le terrain, l’équipe ne propose presque rien. Peu de mouvements collectifs, des individualités éteintes, une défense friable et une attaque qui peine à se créer des occasions franches. On a beau chercher, on ne retrouve ni l’enthousiasme ni l’identité promise à l’arrivée de Castro.
Pourtant, rappelons-le, le Portugais n’était pas n’importe qui au moment de sa signature. À Dunkerque la saison dernière, il avait réalisé une petite merveille : 4ᵉ de Ligue 2, demi-finale de Coupe de France, jeu léché, jeunes qui explosent. Beaucoup voyaient en lui le profil idéal pour redonner du lustre à un club englué dans le bas de tableau depuis trop longtemps.
Pourquoi ça n’a pas pris ?
Plusieurs facteurs se sont combinés, et pas vraiment en faveur du coach.
- Un recrutement estival très limité – pour ne pas dire raté – dans un contexte de rigueur budgétaire extrême.
- Des blessures à répétition sur des joueurs cadres (Douglas Augusto, Mostafa Mohamed à certains moments, etc.).
- Une incapacité évidente à transmettre son idée de jeu dans l’urgence de la Ligue 1.
- Et peut-être, aussi, un vestiaire qui n’a jamais totalement accroché à la méthode.
On peut toujours pointer la responsabilité des joueurs, bien sûr. Mais quand une équipe tourne aussi peu, c’est rarement seulement leur faute. Le coach est le premier fusible, c’est la loi du genre.
Ahmed Kantari, le choix de la continuité… et de l’urgence
Alors pourquoi lui ? Déjà parce qu’il connaît la maison. Adjoint d’Antoine Kombouaré lors du maintien héroïque il y a deux saisons, Kantari a laissé une excellente impression. Rigoureux, proche des joueurs, bon communicant. Et surtout, il a déjà prouvé qu’il savait gérer la pression du bas de tableau.
Son expérience à Valenciennes, où il a pris l’équipe en cours de saison dernière dans une situation désespérée, joue aussi. Même s’il n’a pas réussi le miracle, il a montré qu’il pouvait remettre de l’ordre et de la solidarité rapidement. C’est exactement ce dont Nantes a besoin aujourd’hui.
« Il connaît le club, les joueurs, la ville. C’est quelqu’un de calme, qui sait parler aux garçons. Dans l’urgence, c’est un choix cohérent. »
Un proche du vestiaire, ces dernières heures
Son contrat court jusqu’à la fin de la saison, avec une option en cas de maintien. Traduction : on ne joue plus, on survit. Kantari n’aura pas le temps de construire. Il devra remettre les bases, simplifier le jeu, redonner confiance. Et vite.
Le calendrier : un enfer immédiat
Première sortie ? Vendredi soir à Angers, un concurrent direct. Ensuite, Monaco, Saint-Étienne, Lens, Brest… Pas vraiment le programme idéal pour se refaire la cerise. Si Nantes ne prend pas rapidement des points, la zone rouge va devenir une réalité très concrète.
Et derrière, il y a le mercato d’hiver. On parle déjà d’un ou deux renforts défensifs, peut-être un milieu récupérateur. Mais avec les finances actuelles, difficile d’imaginer de gros coups. Kantari devra faire avec les moyens du bord.
La famille Kita dans le viseur, encore et toujours
On ne peut pas parler de la situation sans évoquer les dirigeants. Depuis des années, le duo Waldemar – Franck Kita cristallise les critiques. Gestion sportive chaotique, choix d’entraîneurs discutables, communication désastreuse… La liste est longue.
Au-delà du cas Castro, c’est tout un projet sportif qui semble à la dérive. Le centre de formation produit, certes, mais les meilleurs partent trop vite ou ne sont pas assez intégrés. Le recrutement manque de cohérence. Et l’ambiance autour du club est plombée.
Les supporters, eux, oscillent entre résignation et colère. La Brigade Loire continue de pousser, mais l’envie de croire s’émousse saison après saison. On a connu Nantes plus joyeux.
Et maintenant ?
Ahmed Kantari a six mois pour inverser la tendance. Six mois pour redonner de la solidité, de la hargne, un peu d’espoir. Ce n’est pas impossible – on a vu des remontées folles par le passé –, mais ça va demander un électrochoc collectif.
Les joueurs doivent se regarder dans la glace. Les cadres doivent se réveiller. Et le nouvel entraîneur doit réussir là où plusieurs avant lui ont échoué : fédérer un groupe en perdition.
Le football, parfois, tient à peu de choses. Un match référence, une série positive, et tout peut basculer. Mais pour l’instant, Nantes marche sur un fil. Espérons que Kantari saura jouer les funambules.
Allez les Jaunes. On n’a plus vraiment le choix.
PS : si vous êtes supporter nantais, respirez un grand coup. On a déjà vécu pire. Et on s’en est toujours sortis. Enfin… presque toujours.
