Vous êtes déjà arrivé affamé à la fac, le ventre qui gargouille, et vous vous êtes dit « bon, un petit resto U et c’est réglé » ? À Orléans, en ce moment, c’est plutôt le genre de plan qui vous fait regretter d’être sorti du lit.
Depuis un an, le plus gros restaurant universitaire du campus, celui du Lac, a fermé ses portes. Officiellement pour travaux. En réalité, on a découvert que le bâtiment des années 60 était bourré d’amiante et qu’une partie de la structure menaçait de s’écrouler. Résultat : démolition totale et reconstruction… prévue pour la rentrée 2028-2029. Oui, vous avez bien lu : trois ans et demi minimum sans le RU principal.
Quand le resto U devient un luxe inaccessible
Avant, ce resto servait tranquillement ses 600 repas par jour. Aujourd’hui, tout ce petit monde s’est rabattu sur les deux autres structures restantes. Et là, c’est la foire d’empoigne.
Je vous plante le décor : il est 12 h 10, vous sortez de cours, vous avez exactement 1 h 15 avant l’amphi suivant. Vous arrivez devant le RU… et la file fait déjà le tour du bâtiment. Parfois même, elle déborde dehors, sous la pluie ou dans le froid de décembre. Certains étudiants préfèrent faire demi-tour direct.
« À 12 h 15, la queue est déjà tellement longue qu’on se demande si on va réussir à manger avant la reprise. »
Un étudiant en STAPS, dépité
Et il n’est pas le seul. Lina, en licence de géographie, a purement et simplement abandonné l’idée de manger au RU.
« Même en courant, je n’ai pas le temps de faire la queue et manger calmement. Du coup je grignote un truc entre deux cours. C’est pas une vie. »
Le coût caché de l’attente
Parce que oui, derrière le côté « bon, c’est chiant mais bon », il y a un vrai impact financier. Un repas au resto U coûte 1 € pour les boursiers et 3,30 € pour les autres. À côté, un sandwich triangle + boisson à la boulangerie du campus, c’est facilement 7-8 €.
Mathis, en informatique, a fait les comptes :
« Quand l’attente est trop longue, je finis au supermarché ou à la boulange. Sur un mois, ça me fait 60 € de plus. Pour un étudiant, c’est énorme. »
Soixante euros, c’est presque le montant d’une bourse d’un échelon. Autant dire que pour certains, c’est le budget courses du mois qui explose.
La solution « meal prep » ou l’épuisement garanti
D’autres, comme Soraya en master, ont opté pour la solution radicale : tout préparer la veille.
« Je passe mon dimanche à cuisiner pour la semaine. Ce n’est pas par plaisir, c’est par obligation. Je refuse de perdre quarante minutes dans une file pour finalement avaler mon plateau en cinq minutes chrono. »
Le problème ? Préparer des repas tous les soirs quand on rentre à 20 h des cours ou du boulot étudiant, c’est une charge mentale et physique supplémentaire. Et quand on cumule fatigue + manque de temps + budget serré, on finit souvent par craquer sur des pâtes au beurre ou des biscuits.
Les solutions provisoires du CROUS : sympathiques, mais insuffisantes
Évidemment, le CROUS n’est pas resté les bras croisés. Ils ont installé un bungalow de restauration à côté de l’ancien site, ouvert des espaces supplémentaires, renforcé les cafétéarias et même créé une page pour informer des horaires en temps réel.
Mais soyons honnêtes : un bungalow, aussi sympa soit-il, ça ne remplace pas un resto de 600 couverts. Et les cafétérias, déjà bondées avant, sont maintenant prises d’assaut dès 11 h 30.
- Arriver à 11 h 15 pour être sûr d’avoir une place → perdre sa pause du matin
- Attendre 12 h 30 et risquer de ne pas manger du tout
- Payer le prix fort à l’extérieur
- Préparer ses gamelles et prier pour que le micro-ondes soit libre
Voilà les quatre options qui s’offrent aujourd’hui aux étudiants d’Orléans. Aucune n’est vraiment satisfaisante.
Et la santé dans tout ça ?
Parce qu’on parle beaucoup d’argent et de temps, mais on oublie souvent l’impact sur la santé. Manger sur le pouce, sauter des repas, grignoter des trucs sucrés ou trop salés entre deux cours… Ça pèse.
La fatigue s’accumule plus vite. La concentration en cours baisse. Et quand on sait que les étudiants sont déjà une population à risque pour la santé mentale, rajouter du stress alimentaire, ce n’est vraiment pas un cadeau.
J’ai discuté avec une étudiante en psychologie qui m’a confié, hors micro : « On voit arriver de plus en plus de consultations pour fatigue chronique et troubles alimentaires légers. Les gens ne font pas forcément le lien, mais ne pas avoir de vraie pause repas, ça use. »
2028, vraiment ?
Le nouveau resto U est annoncé pour la rentrée 2028-2029. Autant dire que les étudiants actuels ne le verront jamais. Les première année d’aujourd’hui seront déjà sur le marché du travail quand les portes ouvriront.
Entre-temps, le CROUS promet une Unité Centrale de Production qui prépare les repas à l’avance et les livre sur les différents points du campus. Une bonne idée sur le papier. Mais pour l’instant, les étudiants attendent toujours de voir du concret.
Et franchement, quand on voit le planning des travaux publics en France, on est en droit de se demander si 2028 ne va pas glisser à 2029… ou 2030.
Ce que ça dit de la précarité étudiante en 2025
Cette situation à Orléans n’est pas isolée. Elle cristallise un problème plus large : la restauration universitaire est sous-dimensionnée par rapport aux besoins réels, surtout depuis l’explosion des effectifs post-Covid et l’inflation qui rend le repas à 1 € encore plus vital.
L’État a beau avoir maintenu le repas à 1 € pour les boursiers, si les étudiants n’ont tout simplement pas le temps ou la possibilité d’y accéder, ça ne sert à rien.
Et pendant ce temps, les associations étudiantes tirent la sonnette d’alarme : augmentation du grignotage compulsif, du surendettement alimentaire, de la fatigue chronique. Tout ça pour un bâtiment qui aurait dû être rénové depuis vingt ans.
Alors oui, on peut se dire « c’est que un resto U ». Mais quand votre journée tourne autour de cette pause repas qui n’existe plus, quand votre budget mensuel explose à cause de ça, quand votre santé commence à trinquer… ça devient bien plus qu’un simple désagrément.
À Orléans, ils sont plusieurs milliers à vivre ça tous les jours. Et ils vont devoir tenir encore trois ans.
Franchement, la prochaine fois qu’on me dira que « les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas ce que c’est que la galère », je leur raconterai l’histoire du RU du Lac.
Et vous, vous avez déjà dû choisir entre manger correctement et arriver à l’heure en cours ? Racontez-moi en commentaire, je suis curieux de savoir si c’est aussi la folie ailleurs en France.
