Vous êtes-vous déjà retrouvé à 19 h 30, après une journée de boulot, planté devant un point relais avec l’envie furieuse de tout envoyer balader ? Moi oui, la semaine dernière. Et je n’étais clairement pas seul.
À La Défense, le plus grand quartier d’affaires d’Europe, il y a un endroit où l’on mesure concrètement l’explosion du shopping en ligne : la zone Mandarine du centre commercial Westfield Les Quatre-Temps. Là, le point relais principal ressemble ces jours-ci à une fourmilière en pleine panique. Des files qui n’en finissent pas, des soupirs, des regards qui tuent et parfois même des éclats de voix. Bienvenue dans le Noël 2025 version logistique.
Quand récupérer un colis devient une épreuve sportive
Il est à peine 18 heures un mardi soir et déjà plus de cent cinquante personnes s’agglutinent devant le comptoir. Le temps d’attente moyen ? Une heure trente. Les jours de pointe, on frôle les trois heures trente, voire quatre heures. Oui, vous avez bien lu : quatre heures pour récupérer un paquet qui fait parfois la taille d’une boîte de chaussures.
Les visages parlent d’eux-mêmes. Il y a la jeune femme en tailleur qui tape frénétiquement sur son téléphone, sûrement en train d’annuler son dîner. Le papa avec la poussette qui tente de calmer un enfant qui hurle. L’étudiant qui rit jaune avec ses copains parce que « de toute façon, on n’a plus de vie sociale en décembre ». Et puis ceux qui abandonnent purement et simplement, repartent les mains vides en marmonnant que « tant pis, ce sera pour une autre fois ».
« On ne va quand même pas rester ici deux heures pour un pull commandé à 12 euros… »
– Une cliente excédée, croisée sur place
Noël, Black Friday… et surtout 6 000 points relais en moins
On pourrait mettre ça sur le dos du traditionnel rush de fin d’année. Sauf que cette fois, c’est pire que d’habitude. Beaucoup pire.
Depuis quelques mois, des milliers de petits commerces de proximité qui faisaient office de points de retrait ont baissé le rideau ou ont tout simplement arrêté ce service. Résultat : tous les colis se concentrent désormais sur les rares gros points encore debout, souvent situés dans les centres commerciaux ou les supermarchés. À La Défense, c’est l’effet entonnoir puissance mille.
Les chiffres donnent le tournis. On parle de près de 6 000 points relais disparus rien qu’en France ces derniers mois. Conséquence directe : les sites d’e-commerce redirigent mécaniquement leurs flux vers les survivants. Et quand vous habitez ou travaillez dans un quartier aussi dense que La Défense, c’est la catastrophe assurée.
Un centre commercial conçu pour tout… sauf ça
Westfield Les Quatre-Temps, c’est 250 boutiques, des restaurants à tous les étages, des cinémas, une architecture impressionnante. Tout est pensé pour que vous passiez une bonne journée shopping. Tout, sauf l’idée qu’un jour, plusieurs centaines de personnes viendraient y faire la queue pour des colis.
Le point relais en question est coincé dans une zone un peu excentrée, au niveau 0. L’espace est clairement sous-dimensionné. À peine quelques mètres carrés pour stocker des milliers de paquets qui arrivent chaque jour par camions entiers. Quand la file déborde, elle bloque les accès aux boutiques voisines. Les vigiles finissent par intervenir pour canaliser le flux humain. On se croirait presque dans une gare en période de grands départs.
- 9 h du matin : déjà 40 personnes
- Midi : pause déjeuner, la file double
- 18 h : sortie des bureaux, c’est l’apocalypse
- 20 h 30 : dernier rush avant fermeture
Ce que ça dit de notre façon de consommer
Franchement, cette scène en dit long sur notre époque. On commande tout en deux clics, on veut tout, tout de suite, et au meilleur prix. Mais derrière l’écran, il y a une réalité bien moins glamour : des entrepôts débordés, des livreurs épuisés, et maintenant des points relais qui craquent sous la pression.
On adore détester les files d’attente, mais on continue de cliquer sur « ajouter au panier » comme si de rien n’était. Il y a une forme d’hypocrisie collective là-dedans, non ? On veut la magie de Noël sans voir la logistique qui va avec.
« On a beau embaucher du personnel supplémentaire, on ne suit plus. Les volumes ont explosé de 40 % par rapport à l’année dernière rien que sur décembre. »
– Un responsable de point relais, sous couvert d’anonymat
Et les solutions, elles arrivent quand ?
Certains gros acteurs du e-commerce commencent à réagir. On voit apparaître des casiers automatiques un peu partout (parkings, gares, résidences). D’autres testent la livraison le soir très tard ou le dimanche matin. Mais pour l’instant, à La Défense, on est encore loin du compte.
Il y a aussi ceux qui misent sur le « click & collect » en magasin directement. L’idée est séduisante : vous commandez en ligne, vous récupérez dans la boutique physique sans passer par la case relais. Sauf que beaucoup de marques n’ont pas encore déployé ça à grande échelle.
Pendant ce temps, les clients continuent de râler. Et on les comprend. Payer des frais de port pour ensuite poireauter des heures, ça commence à faire beaucoup.
Témoignages : ils ont vécu l’enfer du point relais
Marion, 32 ans, consultante : « J’ai mis deux heures quarante-cinq mercredi dernier. J’étais en colère, j’ai failli pleurer. Et le pire, c’est que c’était pour un cadeau de Noël que je voulais emballer le soir même. »
Ahmed, livreur indépendant : « On nous demande d’être rapides, mais après, les clients attendent des plombes au relais. On passe pour les mauvais partout. »
Sophie, maman de deux enfants : « Avec les enfants, c’est juste impossible. Je commande désormais uniquement en livraison à domicile, même si c’est plus cher. Tant pis. »
Et si c’était le début d’un mouvement de fond ?
Certains y voient le signe qu’on a peut-être atteint les limites du modèle actuel. Trop de commandes, pas assez d’infrastructures. Un peu comme quand les autoroutes sont saturées : on peut toujours construire plus de voies, mais à un moment, il faut aussi repenser la façon dont on circule.
Est-ce que ces files interminables vont pousser certains à revenir au magasin physique ? Peut-être. Est-ce que ça va accélérer le développement de nouvelles solutions de livraison ? Sûrement. En attendant, à La Défense, le point relais reste le théâtre quotidien d’une petite tragédie moderne.
Alors la prochaine fois que vous cliquerez sur « valider la commande », pensez-y deux secondes. Derrière le petit colis qui arrivera (peut-être) à temps pour Noël, il y a des centaines de personnes qui font la queue par moins dix degrés dans un centre commercial. Joyeuses fêtes, quand même.
Et vous, combien de temps avez-vous déjà attendu pour un colis cette année ? Racontez-nous en commentaire, on est nombreux à vivre la même galère.
