Dimanche soir, le football français a encore franchi une ligne qu’on espérait enterrée depuis longtemps. Après une énième défaite, cette fois sur la pelouse de Lorient (1-3), une partie des supporters niçois a décidé que les mots ne suffisaient plus. Coups, insultes, tentatives d’intimidation : joueurs et membres du staff ont été pris à partie à leur retour au centre d’entraînement. Et là, quelque chose a peut-être définitivement basculé dans la tête de Franck Haise.
Une soirée qui laisse des traces
Reprenons depuis le début. Le match est terminé, les Aiglons rentrent la tête basse. Ce n’est pas nouveau, la saison est compliquée, les résultats ne suivent pas les ambitions affichées en début d’exercice. Mais cette fois, la colère des supporters a dépassé le cadre des banderoles et des chants hostiles. Des joueurs ont reçu des coups, d’autres ont été crachés dessus. Le directeur sportif a même été victime d’une tentative de balayette et de gifles. On est loin du simple « on est déçus ».
Quand l’information est remontée jusqu’à l’entraîneur, le choc a été violent. Lui qui, quelques minutes plus tôt, disait encore comprendre la frustration du public, a changé de ton. Selon plusieurs sources proches du vestiaire, il aurait fait savoir à ses joueurs qu’il était prêt à prendre une décision drastique. Traduction : poser sa démission dès les prochains jours.
« Leur déception, je la comprends parfaitement. Après, il y a des choses qui leur appartiennent… » avait-il lâché juste après le match.
Franck Haise, quelques heures avant les incidents
Moins de vingt-quatre heures plus tard, comprendre n’était visiblement plus à l’ordre du jour.
Un vestiaire sous le choc
Dans le groupe, c’est la sidération. Deux joueurs directement visés ont été mis en arrêt maladie. D’autres cadres ont posé un ultimatum clair lors d’une réunion de crise avec la direction : soit le club prend des mesures fortes et visibles, soit ils ne remettront pas un pied à l’entraînement mercredi. On parle là de garçons qui, la veille encore, portaient le maillot avec fierté. Le climat est devenu irrespirable.
- Insultes et crachats en arrivant au centre d’entraînement
- Coups portés à plusieurs joueurs
- Tentative d’agression physique sur le directeur sportif
- Menaces directes envers certains membres du staff
Et pendant ce temps-là, le silence du club pendant de longues heures a achevé de tendre l’atmosphère. Un communiqué est finalement tombé, condamnant « avec la plus grande fermeté » les actes tout en… comprenant la frustration des supporters. Un grand classique qui, cette fois, a du mal à passer.
Franck Haise, l’homme qui voulait réveiller le groupe
Il faut se rappeler d’où vient Franck Haise. L’homme a débarqué l’été dernier avec une réputation solide, forgée à Lens où il avait réussi l’exploit de qualifier le club pour l’Europe avec des moyens limités. À Nice, le projet était ambitieux : jouer les trouble-fêtes en haut de tableau, développer un jeu offensif, profiter des moyens d’INEOS.
Mais très vite, la réalité a rattrapé tout le monde. Le mercato a été critiqué de toutes parts – trop de joueurs, pas assez de cohésion, des profils redondants. Haise, lui, n’a jamais ménagé ses efforts pour secouer son groupe. Parfois même un peu trop sèchement :
« Il faut arrêter de tomber au moindre duel et de rester au sol… Laissez votre ego de côté, il n’y a pas de champions du monde ici. »
Des phrases qui, sur le moment, pouvaient passer pour de la franchise salutaire. Aujourd’hui, certains supporters les ressortent pour justifier leur colère. Comme si l’entraîneur avait lui-même ouvert la boîte de Pandore.
Et maintenant ?
La question qui brûle toutes les lèvres : Franck Haise va-t-il vraiment partir ? Son contrat court jusqu’en 2029, il a encore le soutien d’une partie de la direction, et objectivement, le groupe n’est pas dénué de talent. Mais quand la confiance est rompue à ce point, quand tes joueurs se font agresser en rentrant chez eux, est-ce qu’on peut encore entraîner dans ces conditions ?
J’ai échangé avec plusieurs personnes du milieu ces dernières heures. Le sentiment qui domine, c’est que sans geste fort du club envers les supporters responsables, Haise risque de franchir le pas. Pas par caprice. Par principe. Parce qu’un entraîneur, aussi solide soit-il, ne peut pas travailler quand ses joueurs ont peur de venir s’entraîner.
Et puis il y a la question humaine. À 54 ans, Haise n’a pas besoin de s’infliger ça. Il a déjà prouvé ce qu’il valait. Rester dans un environnement toxique alors qu’on lui a craché dessus (littéralement ou presque) quelques mois après son arrivée, très peu pour lui.
Un club à la croisée des chemins
Nice n’est pas n’importe quel club. Depuis le rachat par INEOS, les ambitions sont affichées : jouer le podium, attirer des talents, remplir l’Allianz Riviera. Mais force est de constater que le projet patine sévère. Résultats en dent de scie, public qui se détourne, incidents à répétition… On est loin du rêve vendu.
Ce qui s’est passé dimanche n’est pas un accident isolé. C’est l’aboutissement d’une fracture qui couve depuis des mois entre une partie du public et la nouvelle direction. La Populaire Sud, jadis le cœur battant du stade, se sent dépossédée. Le club, lui, navigue entre communication lisse et fermeté de façade.
Le risque ? Que tout explose. Que Haise parte. Que plusieurs joueurs demandent à suivre. Que le club devienne, le temps d’une saison ou deux, une terre brûlée pour tout entraîneur un tant soit peu ambitieux.
À l’heure où j’écris ces lignes, les réunions se multiplient. Le président est sur le pont. Des discussions ont eu lieu avec les groupes de supporters. Mais le mal est fait. Et la décision de Franck Haise, quelle qu’elle soit, risque de marquer un tournant dans l’histoire récente de l’OGC Nice.
Une chose est sûre : le football français ne peut plus se permettre ce genre de dérives. On parle d’un sport, pas d’une arène romaine. Quand les acteurs du jeu eux-mêmes ne se sentent plus en sécurité, c’est tout un modèle qui vacille.
Attendons les prochaines heures. Elles seront décisives. Pour Haise. Pour le club. Et peut-être pour tout un pan du football français qui regarde Nice avec inquiétude.
À suivre, évidemment. De très près.
