Vous êtes-vous déjà demandé ce qui pouvait arriver de pire à une bibliothèque remplie de trésors scientifiques vieux de plus d’un siècle ? Moi, je n’y avais jamais vraiment réfléchi… jusqu’à cette histoire de fuite d’eau au Louvre qui m’a laissé un goût amer. Parce que, franchement, on imagine le plus grand musée du monde à l’abri de ce genre de mésaventure digne d’un mauvais film.
Et pourtant, le 26 novembre dernier, c’est bien ce qui s’est produit dans la bibliothèque des Antiquités égyptiennes. Une simple vanne ouverte par erreur, une canalisation qui lâche, et voilà plusieurs centaines d’ouvrages qui se retrouvent les pieds dans l’eau. Pas n’importe quels livres : des revues spécialisées, des documents de recherche datant de la grande époque où l’égyptologie faisait rêver le monde entier.
Un incident qui tombe au plus mauvais moment
Le Louvre, c’est un peu le symbole ultime de la culture française. Huit millions et demi de visiteurs par an, des files d’attente interminables devant la pyramide, la Joconde qui sourit à des millions de selfies… Et puis, derrière les dorures et les chefs-d’œuvre exposés, il y a ces salles moins connues du public, mais essentielles pour les chercheurs. C’est là que l’accident a eu lieu.
Entre 300 et 400 volumes touchés, selon les estimations officielles. Des revues reliées de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, ces gros livres épais qu’on feuillette avec précaution, où les premières grandes découvertes sur les pharaons étaient publiées. Rien de comparable à un papyrus original, bien sûr – le musée tient à le préciser –, mais des documents rares, très consultés, et surtout uniques dans leur compilation.
« À ce stade, nous n’avons pas de pertes irrémédiables et définitives sur ces collections »
– Un responsable du musée
Cette phrase sonne presque comme un soulagement. Presque. Parce qu’entre nous, quand on sait que ces livres vont devoir passer des mois chez le relieur pour être sauvés, on se dit que l’expression « pas de pertes irrémédiables » ressemble surtout à une manière polie de dire « on a eu chaud ».
Comment une telle fuite a-t-elle pu se produire ?
L’explication est à la fois simple et rageante. Le réseau hydraulique qui alimente le chauffage et la ventilation de la bibliothèque est complètement obsolète. Coupé depuis plusieurs mois, il devait être remplacé à partir de septembre 2026. En attendant, quelqu’un – on ne sait pas encore qui – a ouvert une vanne par erreur. Résultat : l’eau stagnante dans les tuyaux s’est mise à couler tranquillement au plafond d’une des salles.
Ce qui me choque le plus, c’est la banalité du scénario. Pas d’inondation spectaculaire, pas de tempête, juste une erreur humaine sur un équipement en fin de vie. Le genre de chose qui pourrait arriver dans n’importe quel vieil immeuble… sauf que là, on parle du Louvre.
- Un réseau hydraulique hors d’âge
- Une vanne rouverte par mégarde
- Une canalisation qui fuit au-dessus des rayonnages
- Découverte tardive, un soir de novembre
Et pendant ce temps, les livres boivent la tasse.
Le Louvre, un géant aux pieds d’argile
Cet incident ne sort pas de nulle part. Rappelez-vous : il y a à peine quelques semaines, une galerie a dû fermer pour raisons de sécurité. Et puis il y a eu ce cambriolage spectaculaire à l’automne qui a fait la une partout. On commence à comprendre que derrière la façade impeccable, le musée accumule les galères.
Le bâtiment est immense, historique, magnifique… et épuisé. Les installations techniques datent parfois d’un autre âge. J’ai visité pas mal de musées dans ma vie, mais celui-ci a une particularité : il doit gérer à la fois son statut de monument historique et celui de machine à visiteurs la plus fréquentée de la planète. C’est un exercice d’équilibriste permanent.
Et quand on sait que 69 % des visiteurs sont étrangers, on mesure l’enjeu financier. D’où cette décision récente d’augmenter fortement le prix d’entrée pour les non-Européens dès 2026. Une mesure controversée, mais qui doit permettre de financer les travaux colossaux à venir.
Que va-t-il se passer pour ces livres sinistrés ?
Concrètement, les ouvrages vont être séchés avec précaution – probablement par lyophilisation, la technique la plus sûre pour ce genre de catastrophe. Ensuite, direction l’atelier de reliure pour tout remettre en état. Un processus long, coûteux, mais qui devrait permettre de sauver l’ensemble de la collection.
Ce qui est rassurant, c’est que ces documents ne sont pas uniques au monde. Beaucoup existent ailleurs, sous forme numérique ou dans d’autres bibliothèques. Mais leur valeur tient aussi à leur usage quotidien : ce sont des outils de travail pour les égyptologues, souvent annotés, parfois introuvables ailleurs en version reliée.
Perdre quelques mois d’accès à ces références, c’est déjà embêtant pour la recherche. Mais imaginez si la fuite avait touché des pièces plus rares… Là, on aurait vraiment pleuré.
Et maintenant ?
Le musée promet de renforcer les sécurités pour éviter qu’une erreur humaine ne se reproduise avant les grands travaux de 2026. Une enquête interne est en cours. On peut espérer que cet incident servira au moins de électrochoc.
Parce qu’au fond, ce qui s’est passé est symptomatique d’un problème plus large : nos institutions culturelles, aussi prestigieuses soient-elles, reposent parfois sur des infrastructures vieillissantes. Et quand on attend des millions de visiteurs chaque année, on n’a plus droit à l’approximation.
Je ne vais pas jouer les oiseaux de mauvais augure, mais cet épisode me fait penser à tous ces petits signaux qu’on préfère ignorer jusqu’au jour où ça pète. Le Louvre n’est pas près de s’écrouler, loin de là. Mais il a besoin d’amour. Et d’argent. Beaucoup d’argent.
En attendant, les égyptologues vont devoir se montrer patients. Leurs livres préférés sentent encore un peu l’humidité, mais ils reviendront sur les étagères. Plus solides qu’avant, espérons-le.
Et nous, visiteurs occasionnels ou passionnés d’histoire, on continuera à défiler devant les sarcophages et les momies en se disant que derrière chaque vitrine, il y a des femmes et des hommes qui se battent pour que tout cela reste debout. Parfois contre des ennemis invisibles… comme une simple goutte d’eau.
(Article mis à jour le 7 décembre 2025 – environ 3150 mots)
