Vous est-ce déjà arrivé de vous réveiller en pleine nuit parce que l’eau glacée gouttait sur votre visage ? À Gaza, en ce moment, c’est le quotidien de centaines de milliers de personnes. L’hiver s’installe doucement sur la bande de Gaza et, franchement, il n’a jamais paru aussi menaçant.
Après plus d’un an de conflit intense et un cessez-le-feu encore fragile, on aurait pu espérer un peu de répit. Eh bien non. Les premières grosses pluies de novembre ont déjà tout balayé : tentes éventrées, matelas trempés, vêtements irrécupérables. Et ce n’est que le début.
Quand la pluie devient un cauchemar quotidien
Prenez Eyad, par exemple. Ce père de quatre enfants a pu rentrer dans son immeuble à Nuseirat après la trêve. Soulagement immense, vous imaginez ? Sauf que l’immeuble ressemble plus à une passoire qu’à un vrai logement. Les fenêtres ? Explosées. Le toit ? Percé de partout. À chaque averse, c’est la douche froide garantie pour toute la famille.
Et Eyad fait partie des « chanceux ». Parce que plus au sud, dans les camps improvisés de Khan Younès ou de Rafah, des dizaines de milliers de personnes dorment encore sous des bâches en plastique ou dans des tentes fournies par l’aide humanitaire. Quand il pleut – et ça pleut dru en ce moment –, l’eau monte parfois jusqu’aux chevilles à l’intérieur même des abris.
« On a l’impression de vivre dans la rue, mais sans même le luxe d’un trottoir pour s’abriter »
– Un habitant du camp d’Al-Mawasi, début décembre
Des abris qui ne protègent plus de rien
Il faut se rendre compte : plus de 80 % des habitations de la bande de Gaza sont endommagées ou complètement détruites. Les chiffres varient selon les sources, mais on tourne autour de ces ordres de grandeur effrayants. Résultat ? Des familles entières se serrent dans une seule pièce encore debout, ou pire, sous des structures en toile et en bois qui n’ont jamais été conçues pour résister à un hiver méditerranéen – oui, même ici, il peut faire très froid la nuit.
Les organisations humanitaires le répètent sans cesse : les tentes distribuées juste après le cessez-le-feu étaient des modèles d’été. Légers, aérés… parfaits pour la chaleur écrasante de juillet, totalement inadaptés dès que la température descend sous les 10 °C et que le vent s’en mêle.
- Toiles qui se déchirent au moindre coup de vent
- Sol en terre battue qui se transforme en boue
- Aucune isolation thermique
- Pas de système d’évacuation des eaux
- Et surtout : aucune intimité ni dignité
Je vous assure, quand on lit les témoignages, on a la gorge serrée. Des mamans qui passent la nuit debout pour vider l’eau avec des seaux. Des bébés qui pleurent de froid. Des personnes âgées qui développent des infections respiratoires parce qu’elles dorment dans l’humidité permanente.
Le froid, cet ennemi invisible
On parle beaucoup des bombardements, des pénuries de nourriture, de médicaments. Mais le froid ? Il tue en silence. Et cette année, il risque de faire des ravages.
Les températures nocturnes descendent parfois jusqu’à 6-7 °C. Dans une maison bien isolée avec chauffage, c’est désagréable mais supportable. Dans une tente trouée avec juste une couverture, c’est une tout autre histoire.
Les médecins sur place tirent déjà la sonnette d’alarme : augmentation brutale des cas d’hypothermie, surtout chez les enfants et les personnes âgées. Pneumonies, bronchites, infections urinaires… tout explose quand le corps est affaibli par le froid et l’humidité constantes.
« On voit arriver des enfants bleus de froid, avec 35 °C de température corporelle. C’est terrifiant. »
– Un pédiatre travaillant dans un hôpital de campagne à Rafah
Et l’aide humanitaire dans tout ça ?
La question qui brûle les lèvres : où est l’aide promise ? Parce qu’on a beau entendre parler de milliards annoncés, sur le terrain, c’est une autre réalité.
Oui, il y a des distributions de couvertures, de matelas en plastique, parfois de tentes d’hiver un peu plus robustes. Mais ça reste des gouttes d’eau dans un océan de besoins. Pour vous donner une idée : il faudrait remplacer ou renforcer plusieurs centaines de milliers d’abris avant la fin janvier. Mission quasi impossible avec les contraintes logistiques actuelles.
Et puis il y a le problème des matériaux de construction. Le ciment, les tôles, les profilés métalliques… tout est soit bloqué aux frontières, soit hors de prix au marché noir. Résultat : les familles bricolent avec ce qu’elles trouvent. Des panneaux publicitaires récupérés pour faire des murs. Des sacs de sable en guise de remblai contre les inondations. De l’ingéniosité à revendre, mais ça ne remplace pas une vraie maison.
Les enfants, premières victimes de cet hiver impitoyable
Si je devais pointer le aspect le plus révoltant de toute cette situation, ce serait l’impact sur les enfants. Près de la moitié de la population de Gaza a moins de 18 ans. Vous imaginez ce que ça fait de grandir dans ces conditions ?
- Ils vont à l’école (quand elle est ouverte) avec les chaussures trempées
- Ils dorment habillés parce qu’il fait trop froid pour se mettre en pyjama
- Beaucoup n’ont plus qu’un seul pull pour tout l’hiver
- Et la malnutrition de fond rend leurs petits corps encore plus fragiles face au froid
Les travailleurs humanitaires parlent d’une « génération perdue » si rien ne change rapidement. Perdue non seulement à cause du traumatisme de la guerre, mais aussi parce que le froid et les maladies risquent de laisser des séquelles irréversibles.
Et demain ?
La météo annonce de nouvelles perturbations sérieuses pour les prochains jours. Des orages, des rafales de vent, des températures qui vont encore baisser. Chaque bulletin météo est vécu comme une menace.
Dans les camps, on voit déjà les gens creuser des rigoles autour des tentes, empiler des sacs de sable, renforcer les toiles avec des cordes et des bâches supplémentaires. Une course contre la montre permanente.
Et pourtant, au milieu de tout ça, il y a cette résilience incroyable. Des voisins qui partagent la seule couverture sèche restante. Des adolescents qui aident les personnes âgées à surélever leurs matelas. Des mamans qui inventent des jeux pour faire oublier le froid à leurs enfants. C’est presque surnaturel.
Mais la résilience a ses limites. Et cet hiver risque de les atteindre.
On ne peut pas fermer les yeux sur ce qui se passe à Gaza en ce moment. Ce n’est pas « juste » une conséquence de la guerre. C’est une crise humanitaire majeure qui se déroule sous nos yeux, en direct, et qui mérite toute notre attention.
Parce qu’au fond, derrière les chiffres et les images choc, il y a des familles comme la vôtre ou la mienne. Qui veulent simplement passer l’hiver au sec et au chaud avec leurs enfants.
Est-ce vraiment trop demander ?
