Vous souvenez-vous de ce moment, il y a deux mois à peine, où l’on commençait enfin à croire que le pire était derrière nous ? Le 10 octobre, un cessez-le-feu entrait en vigueur à Gaza. Les armes se taisaient, les otages revenaient peu à peu, et même les plus pessimistes osaient parler d’un possible tournant. Et pourtant, aujourd’hui, on a l’impression de revenir à la case départ. La seconde phase, celle qui devait transformer cette trêve fragile en quelque chose de durable, est carrément gelée. Et chacun campe sur ses positions avec une fermeté qui laisse peu de place à l’optimisme.
Franchement, quand on suit ce conflit depuis des années, on finit par reconnaître le scénario : des avancées timidement saluées, puis un blocage, des accusations croisées, et la peur que tout reparte de plus belle. C’est exactement ce qui se passe en ce moment. Et le plus frustrant ? Chacun a des arguments qui, vus de son côté, paraissent parfaitement légitimes.
Une trêve qui vacille dès la première phase
Reprenons depuis le début pour ceux qui auraient décroché (et on les comprend). La première phase de l’accord, signée sous forte pression internationale, prévoyait plusieurs choses concrètes : libération progressive des otages encore détenus depuis le 7 octobre 2023, entrée d’une aide humanitaire nettement renforcée, et surtout un arrêt des hostilités. Sur le papier, c’était déjà énorme. Dans les faits… disons que la réalité a vite rattrapé la belle théorie.
D’un côté, presque tous les otages vivants ont été libérés – un immense soulagement, personne ne le nie. Mais il reste un cas douloureux : le corps du dernier otage israélien encore à Gaza. Des équipes égyptiennes et de la Croix-Rouge fouillent toujours les décombres pour le retrouver. Et là, les choses se corsent.
« Tant que ce corps n’aura pas été rendu, il est hors de question d’avancer », répètent les responsables israéliens avec une fermeté froide.
De l’autre côté, le Hamas pointe du doigt ce qu’il considère comme des violations quotidiennes : tirs isolés, survols de drones, restrictions sur l’aide humanitaire, et surtout le maintien fermé du point de passage de Rafah avec l’Égypte. Pour eux, ouvrir ce poste-frontière et laisser entrer davantage de camions était une promesse claire de la première phase. Promesse non tenue, selon eux.
Le nerf de la guerre : l’aide humanitaire et Rafah
Parlons chiffres, parce que derrière les déclarations politiques, il y a des réalités humaines brutales. Avant le cessez-le-feu, on parlait de 500 camions d’aide par jour nécessaires pour répondre aux besoins minimaux de la population. Pendant les premiers jours de trêve, on a atteint péniblement 200, puis c’est retombé à une centaine. Aujourd’hui, certains jours, c’est à peine 50.
Pour le Hamas, c’est la preuve flagrante qu’Israël ne respecte pas l’accord. Pour Israël, ces restrictions sont justifiées par la peur – fondée ou non – que du matériel à double usage entre dans la bande de Gaza et profite aux brigades encore armées.
- Augmentation promise de l’aide : non respectée selon les Palestiniens
- Ouverture du passage de Rafah : toujours fermé côté israélien
- Contrôles sécuritaires renforcés : vu comme une humiliation supplémentaire
- Retard dans la reconstruction : les matériaux de base bloqués
On pourrait croire que ce sont des détails techniques. En réalité, c’est le cœur du problème : la confiance, déjà inexistante, a complètement disparu.
La seconde phase : un rêve encore très lointain
Ce qui était censé arriver ensuite, c’était la fameuse « phase 2 ». Et là, on entrait dans le vif du sujet : retrait progressif des troupes israéliennes, déploiement d’une force internationale de stabilisation, et surtout… le désarmement du Hamas. Oui, vous avez bien lu. Le plan, porté à bout de bras par les États-Unis, prévoyait carrément que le mouvement islamiste remette ses armes.
Étonnamment – et c’est peut-être le seul point positif de ces dernières semaines –, le Hamas a laissé entendre qu’il pourrait accepter. À une condition, évidemment : la fin totale de l’occupation militaire israélienne et la prise en charge de Gaza par une autorité palestinienne légitime. Traduction : on rend les armes si vous partez vraiment et si on n’a plus besoin de se défendre.
« Nous sommes prêts à remettre nos armes à une autorité palestinienne qui gouvernera Gaza, à condition que l’occupation cesse », a déclaré un haut responsable du mouvement, phrase qui a fait l’effet d’une petite bombe dans les chancelleries.
De l’autre côté, on reste méfiant. Très méfiant. L’expérience des accords passés (Oslo, Camp David, etc.) a laissé des traces. Beaucoup en Israël estiment que désarmer le Hamas sans garanties solides reviendrait à signer un nouveau 7 octobre.
Les médiateurs au bord de l’épuisement
Entre les deux parties, il y a le Qatar et l’Égypte, qui jouent les pompiers depuis des mois. Leur dernière déclaration commune, il y a quelques jours, était presque désespérée : appel au retrait israélien, déploiement rapide d’une force internationale, consolidation de la trêve… Tout y était. Mais sans effet pour l’instant.
On sent que même les médiateurs les plus patients commencent à fatiguer. Combien de fois peut-on répéter les mêmes arguments avant de jeter l’éponge ? Et pourtant, ils n’ont pas le choix : s’ils lâchent, c’est tout l’édifice qui s’écroule.
Et maintenant ? Trois scénarios possibles (et aucun n’est joyeux)
Alors, où va-t-on ? Franchement, j’ai du mal à être optimiste, même si j’essaye toujours de garder une petite lueur. Voilà les trois chemins qui se dessinent :
- Le pourrissement : chacun reste sur ses positions, la trêve tient tant bien que mal, mais l’aide reste insuffisante et la reconstruction n’avance pas. Gaza continue de vivre sous perfusion.
- La rupture : un incident grave (tir sur un convoi, découverte d’un tunnel, nouvelle roquette) fait tout exploser. On repart dans une logique militaire, avec son cortège de victimes.
- L’impensable compromis : sous une pression internationale colossale (et peut-être un électrochoc venu de Washington), les deux parties finissent par céder sur l’essentiel. Scénario le moins probable, mais pas totalement impossible.
Personnellement, je penche pour le premier scénario. On l’a déjà vu tellement de fois : une trêve bancale qui dure des mois, voire des années, sans paix réelle ni guerre totale. C’est triste à dire, mais c’est souvent le « mieux » que l’on arrive à obtenir dans ce conflit.
Ce que personne n’ose dire tout haut
Et puis il y a cette question que l’on évite soigneusement dans les déclarations officielles : est-ce que tout le monde veut vraiment la paix ? Pas la paix des communiqués, non. La vraie. Celle où on accepte de vivre côte à côte, même en grinçant des dents.
Parce que, soyons honnêtes deux minutes : d’un côté, une partie de l’opinion israélienne ne croit plus du tout à une solution à deux États et veut purement et simplement annexer ou contrôler indéfiniment Gaza et la Cisjordanie. De l’autre, une partie du Hamas et de ses soutiens continue de rêver à la disparition d’Israël. Tant que ces deux extrémismes auront voix au chapitre, les compromis resteront lettre morte.
Le reste – les otages, l’aide humanitaire, le passage de Rafah – ce ne sont que des symptômes. Le mal est plus profond. Et c’est peut-être ça, le plus décourageant.
Alors oui, la trêve tient encore. Pour combien de temps ? Personne ne le sait. Mais une chose est sûre : chaque jour qui passe sans avancée réelle enterre un peu plus l’espoir d’une paix durable. Et ça, c’est une réalité qu’aucun communiqué lénifiant ne pourra masquer bien longtemps.
On continue de suivre ça de très près. Parce que, même si on finit par se lasser des mauvaises nouvelles, on ne peut pas détourner le regard indéfiniment. Pas quand des millions de vies dépendent de décisions prises dans des bureaux climatisés, loin des ruines et de la souffrance.
