Il y a des nouvelles qui tombent comme un coup de massue. On suit le rugby, on vibre pour les exploits sur le terrain, et puis un jour, on apprend qu’un joueur qu’on a applaudi vient de franchir la ligne rouge, très loin du rectangle vert. George Tilsley, 33 ans, centre néo-zélandais évoluant à Soyaux-Angoulême en Pro D2, vient d’être condamné à un an de prison ferme. Oui, vous avez bien lu : ferme. Pas de sursis cette fois.
Je me souviens encore l’avoir vu jouer sous les couleurs de Perpignan ou de Bordeaux-Bègles. Un gabarit solide, une pointe de vitesse intéressante, le profil classique du trois-quart centre océanien capable de faire basculer un match. Et pourtant, derrière les projecteurs, une tout autre réalité.
Une peine lourde qui marque un tournant
Ce jeudi, au tribunal d’Auch, le verdict est tombé : deux ans de prison dont un an ferme, aménageable. Le procureur avait requis exactement cette peine, et le juge l’a suivie. George Tilsley, qui clamait son innocence et demandait la relaxe, a vu ses arguments balayés. Deux anciennes compagnes ont témoigné, et leurs récits font froid dans le dos.
On parle d’insultes, de coups, d’étranglements. Le tout, systématiquement, quand l’alcool coulait à flots. Un schéma malheureusement trop classique, mais qui prend une dimension particulière quand il touche un sportif professionnel censé incarner des valeurs de respect et de maîtrise de soi.
Un passé judiciaire déjà chargé
Ce n’est pas la première fois que le Néo-Zélandais se retrouve sur le banc des accusés. À l’été 2023, il avait déjà écopé de six mois de prison… avec sursis intégral. À l’époque, le Stade Toulousain, qui venait de le recruter comme joker Coupe du monde, l’avait immédiatement écarté. Un signal fort. Mais visiblement pas suffisant.
Après Toulouse, direction Agen, puis Soyaux-Angoulême. Cette saison, il avait même disputé sept matchs, dont quatre comme titulaire. Sur le terrain, tout semblait rentré dans l’ordre. En dehors, manifestement non.
« Quand il buvait, il changeait complètement. Il devenait agressif, insultant, violent. J’ai eu peur pour ma vie. »
– Témoignage d’une des victimes au procès
Ce genre de phrase, on préférerait ne jamais l’entendre dans le milieu du rugby. Et pourtant.
L’alcool, ce fléau trop souvent minimisé
Il y a un mot qui revient sans cesse dans cette affaire : alcool. Les deux ex-compagnes, mais aussi d’autres témoins, décrivent toutes le même mécanisme. Sobre, George Tilsley serait un homme calme, voire charmant. Après quelques verres, il se transformerait.
Je ne vais pas jouer les moralistes de service, mais franchement : combien de fois va-t-on encore entendre cette excuse ? L’alcool ne transforme personne en monstre si le monstre n’est pas déjà là, quelque part, prêt à surgir. C’est une béquille commode pour éviter de regarder le problème en face.
- Insultes dégradantes
- Coups portés au visage et au corps
- Tentatives d’étranglement
- Menaces répétées
- Comportement dangereux en voiture sous emprise
La liste des faits reprochés est longue. Et glaçante.
Le rugby face à ses démons
On aime se gargariser des « valeurs du rugby » : respect, solidarité, courage. Et puis il y a la réalité. Ces dernières années, les affaires de violences conjugales ou sexuelles impliquant des joueurs se multiplient. On pense à certains internationaux, à des affaires en Top 14, en Pro D2… Le constat est amer : le rugby n’est pas épargné.
Est-ce que le milieu professionnel, avec sa culture de la virilité, du troisième mi-temps, de la tolérance parfois excessive à l’alcool, favorise ces dérives ? La question mérite d’être posée. Sans tomber dans les généralités faciles, bien sûr. La grande majorité des joueurs sont des gens respectueux. Mais quand ça dérape, ça dérape fort.
Les clubs entre soutien et responsabilité
Que va faire Soyaux-Angoulême maintenant ? Le club n’a pas encore communiqué officiellement, mais la situation est intenable. Un joueur condamné à de la prison ferme, même aménageable, ne peut pas continuer à porter le maillot comme si de rien n’était.
En 2023, Toulouse avait montré l’exemple en le virant immédiatement. D’autres clubs avaient suivi le mouvement. Aujourd’hui, la question de la licence, de la radiation, va forcément se poser. La Fédération française de rugby a mis en place des commissions disciplinaires pour ce genre de cas. On verra.
Et après ? Réinsertion ou fin de carrière ?
À 33 ans, George Tilsley n’est plus tout jeune dans le rugby professionnel. Un an de prison ferme, même sous bracelet électronique ou en semi-liberté, ça laisse des traces. Sur le CV, sur le corps, sur la tête.
Certains joueurs ont su rebondir après des condamnations. D’autres ont disparu des radars. Lui, où se situera-t-il ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que sa carrière en France risque de prendre fin brutalement. Retour en Nouvelle-Zélande ? Peut-être. Mais même là-bas, l’information circulera.
Un signal fort de la justice
Il y a un aspect positif dans cette affaire, si on peut dire : la justice ne lâche plus. Fini le temps où un sportif bénéficiait d’une clémence particulière parce qu’il « rapporte » à la société ou au club. Deux ex-compagnes ont osé témoigner. Elles ont été entendues. La peine est lourde. C’est un message clair : personne n’est au-dessus des lois.
On peut regretter qu’il ait fallu une récidive pour en arriver là. Le sursis de 2023 aurait dû être un électrochoc. Il ne l’a manifestement pas été.
Et nous, supporters, on fait quoi ?
C’est peut-être la question la plus dure. On admire des joueurs, on porte leur maillot, on crie leur nom dans les tribunes. Et quand on apprend ça… Que fait-on ? On continue à supporter l’équipe en faisant abstraction ? On boycotte ? On demande des comptes au club ?
Personnellement, j’ai du mal. Le rugby, c’est mon sport de cœur depuis toujours. Mais il y a des lignes rouges. Les violences faites aux femmes en font partie. Point.
Cette affaire Tilsley, comme d’autres avant elle, nous oblige à regarder notre passion en face. Avec ses grandeurs, oui. Mais aussi avec ses zones d’ombre. Peut-être que c’est le prix à payer pour que le rugby devienne, vraiment, un sport exemplaire.
En attendant, une pensée pour les deux femmes qui ont eu le courage de parler. Elles, au moins, ont gagné une forme de justice. Même si on sait que les cicatrices, elles, ne partiront jamais complètement.
(Article mis à jour le 4 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
