Vous est-il déjà arrivé de regarder le prix d’un homard au supermarché et de vous dire que, franchement, c’était du vol ? Moi, oui. Souvent. Alors quand j’ai entendu parler d’un endroit où l’on peut en manger autant qu’on veut pour un prix fixe, j’ai d’abord cru à une blague. Et puis j’ai réservé… six mois à l’avance.
Bienvenue dans le phénomène qui fait trembler les poissonneries de France : les Grands Buffets à Narbonne. Un restaurant qui affiche complet 365 jours par an et qui reçoit plus de 3,5 millions de demandes de réservation chaque année pour seulement 400 000 chanceux qui passent la porte. Le concept ? Un buffet gargantuesque à la gloire de la cuisine française traditionnelle, tout à volonté, homard compris.
Le jour où j’ai vu la cascade de homards
Il est 11 h 45. Je franchis l’entrée et là, premier choc : une véritable montagne de crustacés rouges trône au centre de la salle. Une centaine de homards entiers, parfaitement alignés sur plusieurs étages de glace pilée, avec, tout en haut, le « homard trophée » brandissant ses pinces comme un champion olympique. Les smartphones crépitent déjà. On se croirait à l’inauguration d’une expo d’art contemporain, mais comestible.
Une employée, sourire jusqu’aux oreilles, ajuste le spécimen star.
« C’est le trophée, il va être pris en photo par tout le monde avant qu’on l’attaque ! »
Elle n’a pas tort. En dix minutes, la pyramide perd déjà ses premiers étages. Les assiettes reviennent chargées de pinces et de queues. Certains clients en prennent six, sept, huit homards d’un coup. Sans aucune gêne. Ici, la seule règle, c’est qu’il n’y en a pas : vous payez une fois et vous mangez ce que vous voulez.
65,90 € le repas : arnaque ou affaire du siècle ?
Faisons les comptes, parce que c’est la question que tout le monde se pose.
Un homard canadien vivant de 500-600 g coûte environ 18 à 25 € au détail selon les périodes. Aux Grands Buffets, on vous le sert cuit, décortiqué partiellement, sur glace, prêt à être dégusté. Si vous en mangez trois (et croyez-moi, beaucoup en mangent plus), vous avez déjà amorti le repas avant même d’avoir touché au foie gras ou au plateau de fromages.
- 3 homards = environ 60-75 € en magasin
- + huîtres à volonté (comptez 2-3 € pièce ailleurs)
- + foie gras au torchon découpé devant vous
- + bloc de Roquefort de 9 kg à la coupe libre
- + desserts signés par des meilleurs ouvriers de France
Conclusion ? Même en étant raisonnable, vous rentabilisez largement. Et si vous êtes du genre « je viens pour la vie », c’est presque indécent.
J’ai discuté avec un couple de retraités venu de Lille. Ils ont fait 1 800 km aller-retour en deux jours juste pour ça.
« À la maison, un homard pour deux, c’est déjà un événement. Ici, on en a mangé cinq chacun. On reviendra l’an prochain ! »
Plus qu’un restaurant : un parc d’attractions gastronomique
Parce que réduire les Grands Buffets au homard serait une erreur. C’est tout un univers de la grande cuisine française qui est mis à l’honneur, dans l’esprit d’Auguste Escoffier : simplicité des produits, générosité absolue.
Vous avez par exemple :
- La rôtisserie avec canard à l’orange et magret flambé minute
- Le chariot de foie gras découpé à la demande (oui, vous pouvez en reprendre dix fois)
- Neuf sortes d’huîtres différentes, ouvertes sous vos yeux
- Un plateau de fromages qui fait 30 mètres de long (record de France)
- La fontaine de chocolat noir Valrhona et ses profiteroles à volonté
Et cette année, nouveauté qui fait jazzer : la truffe noire fait son entrée. Omelette truffée, brouillade, brisures sur les pâtes… Là encore, à volonté. Quand je vous dis que c’est presque immoral.
Comment font-ils pour que ça reste rentable ?
C’est la grande question. Le fondateur, Louis Privat, a une philosophie simple : acheter en gros, supprimer les intermédiaires, et proposer un prix unique toute l’année, sans menu enfant ni réduction. Résultat : les volumes sont énormes et les coûts maîtrisés.
Exemple concret : les homards viennent directement du Canada par conteneurs réfrigérés. Pas de détaillant, pas de marge superflue. Idem pour le Roquefort (un seul bloc de 9 kg par jour, mais acheté directement à la société Roquefort).
Et le personnel ? 220 employés en haute saison, formé pour que tout soit impeccable. Les écaillers ouvrent 10 000 huîtres par jour en moyenne. C’est une véritable usine… mais une usine du bonheur.
L’expérience client : entre émerveillement et excès
Ce qui frappe, c’est l’ambiance. Pas de chichi, pas de dress code, mais une joie communicative. Des familles, des couples, des groupes d’amis, des touristes étrangers ébahis. Tout le monde sourit. On sent que les gens réalisent la chance qu’ils ont.
Il y a ce moment magique où un enfant de 8 ans découvre le goût du homard pour la première fois. Ou ce grand-père qui dit à sa femme : « Tu te rends compte, en 1976 on avait économisé six mois pour en manger un seul… »
Moi qui suis plutôt du genre à manger lentement, j’ai fini avec trois assiettes de homard, deux de foie gras, une de fromages et quatre desserts. Et je n’étais même pas dans le haut du panier.
Faut-il réserver ? (Spoiler : oui, et loin)
Si vous voulez venir, préparez-vous mentalement : les réservations ouvrent généralement un an à l’avance. Pour un samedi soir en juillet ? Oubliez, c’est complet depuis longtemps. Même en semaine hors saison, trois à six mois d’attente sont fréquents.
Petit conseil de quelqu’un qui a testé : visez les services du midi en semaine, c’est un peu plus tranquille et la lumière naturelle sublime les buffets.
Alors, plus rentable qu’à la maison ?
Sans aucun doute. Entre le prix d’achat, la cuisson, le matériel, le temps passé… faire un repas équivalent chez soi coûterait facilement le double, sans parler du stress et de la vaisselle.
Mais au-delà des chiffres, ce qui rend l’expérience unique, c’est cette sensation de fête permanente. On sort de table avec le ventre plein et l’impression d’avoir vécu quelque chose d’exceptionnel. Un peu comme si la grande cuisine française s’était mise à nue, sans prétention, juste pour le plaisir de nos papilles.
Alors oui, les Grands Buffets de Narbonne, c’est cher pour un buffet. Mais c’est surtout une parenthèse de luxe populaire qui fait du bien en ces temps où tout augmente. Un endroit où, l’espace d’un repas, on oublie les factures et où le homard redevient ce qu’il devrait toujours être : un plaisir accessible.
Et vous, vous avez déjà testé ? Ou vous êtes en train d’ouvrir l’application pour réserver ? Dites-moi tout en commentaire, je suis curieux de savoir jusqu’où les gens sont prêts à aller pour un bon homard à volonté…
