Imaginez-vous faire la queue pendant deux heures pour enfin entrer au Louvre, tout excité à l’idée de voir la Joconde… et tomber sur une grille fermée avec un simple panneau « grève ». Ce cauchemar pourrait devenir réalité dès la mi-décembre. Ce n’est pas une blague, ni un scénario catastrophe inventé pour faire le buzz. Les agents du plus grand musée du monde ont déposé un préavis de grève reconductible. Et quand ils parlent, croyez-moi, ils ne rigolent plus du tout.
Derrière les dorures et les chefs-d’œuvre millénaires, ça sent la poudre. Ou plutôt l’humidité et la fatigue. Parce que oui, le Louvre prend l’eau – littéralement – et ses gardiens n’en peuvent plus d’être considérés comme la cinquième roue du carrosse.
Un ras-le-bol qui ne date pas d’hier
Pour comprendre l’ampleur du malaise, il faut plonger dans le quotidien de ceux qui font vivre le musée. Pas les conservateurs en costume ou les conférenciers stars, non. Les agents d’accueil, de surveillance, de maintenance, ceux que vous croisez tous les jours sans vraiment les voir.
Ils sont un peu plus de 2 000 pour gérer 10 millions de visiteurs par an. Faites le calcul : c’est énorme. Et ça l’est encore plus quand on sait qu’une bonne partie d’entre eux sont en contrat précaire ou absents pour maladie – le fameux burn-out qui touche particulièrement le secteur culturel depuis la pandémie.
« On nous prend pour des cons depuis trop longtemps. »
Un délégué syndical, excédé
Cette phrase, je l’ai entendue plusieurs fois ces derniers jours. Elle résume tout. Le sentiment d’être les oubliés de la grandeur nationale. Pendant que les politiques se gargarisent du rayonnement culturel français, ceux qui sont sur le terrain courent derrière les groupes, gèrent les incivilités, ramassent les déchets et… essuient les fuites d’eau.
Quand le Louvre prend l’eau (au sens propre)
Le 26 novembre dernier, une nouvelle fuite a inondé la bibliothèque des Antiquités égyptiennes. Plus de 300 ouvrages précieux trempés. Il a fallu sortir les buvards, comme au Moyen Âge. Pathétique pour un musée qui se veut à la pointe.
Ce n’est pas un incident isolé. Toitures vétustes, climatisation défaillante, ascenseurs en panne régulière… Le Louvre est un géant magnifique, mais un géant fatigué. Construit au fil des siècles, agrandi, transformé, il craque de partout. Et quand il pleut, c’est parfois à l’intérieur que ça tombe.
- Fuites récurrentes dans plusieurs ailes
- Climatisation hors service dans certaines salles
- Ascenseurs en panne chronique
- Problèmes d’étanchéité à la pyramide
- Infiltrations dans les réserves
Chaque incident est un coup de plus porté à la crédibilité du musée. Et surtout à la santé des agents qui doivent gérer les conséquences en urgence, souvent sans moyens supplémentaires.
Des projets grandioses… mais pour qui ?
C’est peut-être là que le bât blesse le plus. Pendant que le musée tombe en ruine par endroits, on annonce des projets à plusieurs centaines de millions d’euros. Le plus emblématique ? Le fameux « Louvre Nouvelle Renaissance », cette extension pharaonique qui doit transformer encore le site.
Sur le papier, c’est magnifique. En réalité, les agents y voient surtout une aberration. Comment peut-on lancer des chantiers aussi coûteux alors que les besoins de base ne sont pas assurés ?
« Il faudrait d’abord réparer ce qui existe avant de vouloir construire la huitième merveille du monde. »
Et ils n’ont pas complètement tort. Quand vous avez des agents qui font des doubles vacations parce qu’il manque du monde, quand les toilettes publiques sont parfois dans un état lamentable, quand la sécurité des œuvres repose sur des effectifs en sous-nombre… on se demande où sont les priorités.
Le casse-tête des effectifs
Le nerf de la guerre, c’est l’emploi. Les syndicats demandent des créations de postes statutaires. Pas des CDD, pas des vacataires, pas des contrats aidés. Des vrais postes de fonctionnaires, stables, correctement rémunérés.
Parce que aujourd’hui, le turnover est infernal. Les agents partent, écœurés par les conditions de travail. Et ceux qui restent doivent absorber la charge. Résultat : des salles parfois fermées faute de surveillance suffisante, des files d’attente interminables, des visiteurs mécontents qui s’en prennent… aux agents.
J’ai discuté avec une gardienne qui m’a confié, les larmes aux yeux, qu’elle n’avait pas pris de week-end complet depuis trois mois. Trois mois. Dans le plus beau musée du monde. Il y a quelque chose qui cloche profondément.
Un musée victime de son succès
Le paradoxe est cruel : le Louvre est trop fréquenté pour son bien. 10 millions de visiteurs, c’est extraordinaire pour le rayonnement culturel. C’est aussi une usine à gaz pour ceux qui doivent gérer les flux.
Depuis la réouverture post-Covid, les chiffres ont explosé. Les touristes affluent du monde entier. Les influenceurs veulent leur photo parfaite devant la Victoire de Samothrace. Les groupes scolaires déboulent par dizaines. Et tout ce monde passe par les mêmes portes, les mêmes couloirs, les mêmes agents.
- 38 000 visiteurs certains jours de pointe
- Files d’attente de plus de 3 heures en été
- Plus de 500 salles à surveiller
- Une seule entrée principale pour le grand public
Le musée a essayé de réguler avec la réservation obligatoire, mais ça ne suffit pas. Et quand un agent est malade ou en formation, c’est la galère générale. On ferme des salles, on redirige les flux, on improvise. Tous les jours.
Une direction sous pression
La présidente du Louvre se retrouve en première ligne. Elle doit gérer un établissement public sous tutelle directe du ministère de la Culture, avec des objectifs chiffrés de fréquentation, des partenaires privés, des mécènes, des politiques qui veulent leur photo devant la Joconde.
Mais elle doit aussi gérer des agents à bout. Et là, le dialogue social semble avoir atteint ses limites. Les réunions se multiplient, les propositions de la direction sont jugées insuffisantes, les syndicats durcissent le ton.
La période est particulièrement mal choisie : juste avant les fêtes de Noël, moment où Paris brille de mille feux et où les touristes affluent encore plus. Une fermeture, même partielle, ferait tache. Très tache.
Et maintenant ?
Les jours qui viennent vont être décisifs. Soit la direction fait des gestes forts – créations de postes, plan d’urgence pour la maintenance, moratoire sur certains projets – soit le musée fermera. Peut-être partiellement au début, mais une grève reconductible, ça peut vite devenir total.
Et là, ce sera un symbole terrible. Le Louvre fermé pour cause de malaise social. Le joyau de la couronne française qui ne peut plus accueillir le monde parce qu’il n’a plus les moyens humains de le faire.
Personnellement, je trouve ça révoltant. On trouve des centaines de millions pour des extensions, pour des expositions temporaires grandioses, pour des partenariats internationaux… mais on laisse pourrir les conditions de travail de ceux qui font tourner la boutique au quotidien.
Le Louvre n’est pas seulement un musée. C’est un symbole. Et quand les symboles craquent, c’est tout un pays qui devrait s’interroger sur ses priorités.
Alors oui, les agents ont raison de dire stop. Ils ne demandent pas la lune. Ils demandent juste d’être respectés. D’avoir les moyens de faire correctement leur travail. De ne plus être les variables d’ajustement d’une politique culturelle qui regarde trop vers les étoiles et pas assez vers ceux qui sont au sol.
Le 15 décembre approche. Espérons que d’ici là, le dialogue aura repris. Parce qu’un Louvre fermé pour Noël, franchement… ce serait la pire des cartes postales que la France pourrait envoyer au monde.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le Louvre mérite-t-il mieux que ça ? Les agents ont-ils raison de durcir le ton ? N’hésitez pas à réagir en commentaire, votre avis m’intéresse vraiment.
