Vous êtes-vous déjà retrouvé à la pharmacie, juste avant Noël, pour découvrir que le vaccin contre la grippe est en rupture de stock ? Cette année, des milliers de Français vivent exactement ce scénario. Et franchement, on ne peut pas leur en vouloir : après plusieurs hivers chaotiques, beaucoup ont décidé de ne plus jouer avec le feu.
Le chiffre parle de lui-même : à la même période l’an dernier, les ventes étaient déjà élevées, mais 2025 bat tous les records. Les officines écoulent les doses à une vitesse folle et, soudain, la panique s’installe. On est encore en novembre et certaines pharmacies affichent déjà « plus de vaccins disponibles ». Impensable il y a quelques années.
Une campagne victime de son succès
C’est le paradoxe de cette saison : plus les gens se protègent, plus le système montre ses limites. La campagne a démarré mi-octobre dans une relative discrétion, puis le bouche-à-oreille a fait le reste. Les messages de prévention, les souvenirs de l’hiver dernier particulièrement rude, la crainte d’une co-circulation grippe-Covid… Tout s’est additionné.
Résultat ? Les syndicats de pharmaciens ont sonné l’alarme dès la fin novembre. Selon leurs estimations, il ne restait plus que 1,5 million de doses disponibles dans tout le pays. Pour vous donner une idée, c’est ce qu’on écoule parfois en quelques jours quand l’épidémie est vraiment lancée.
« On voit arriver des patients tous les jours et on doit leur dire qu’on n’a plus rien. C’est frustrant pour tout le monde. »
– Un pharmacien de région parisienne, début novembre
Trois régions déjà en pré-épidémie
Le timing est particulièrement mauvais. Pendant que les stocks fondent, le virus, lui, se réveille doucement. Trois régions ont déjà basculé en phase pré-épidémique : l’Île-de-France, la Normandie et la Nouvelle-Aquitaine. Ce n’est pas encore l’explosion, mais tous les indicateurs passent au orange.
Et quand on sait que la grippe met généralement deux à trois semaines pour s’étendre au reste du territoire, on comprend l’urgence. Se faire vacciner maintenant, c’est pile le bon moment… à condition de trouver une dose.
Le gouvernement sort le stock de sécurité
Face à la pression, la réponse n’a pas traîné. La ministre de la Santé a annoncé la libération progressive de doses supplémentaires issues du stock de sécurité de l’État. Ces réserves, constituées précisément pour ce genre de situation, vont être injectées dans le circuit au fur et à mesure des besoins.
En clair : pas de déblocage massif d’un coup, mais une distribution au compte-gouttes pour éviter les gaspillages et coller à la demande réelle. L’idée est bonne sur le papier. Reste à voir si la logistique suivra.
« Si je commande aujourd’hui et que je reçois les doses dix jours plus tard, c’est trop tard. Il faut que ça aille vite. »
– Président d’un grand syndicat de pharmaciens
On sent une certaine méfiance. Les pharmaciens se souviennent encore des galères de la campagne Covid : commandes validées, livraisons retardées, patients repartis bredouilles. Personne n’a envie de revivre ça.
Pourquoi autant de demandes cette année ?
Plusieurs facteurs expliquent cette ruée inhabituelle.
- La mémoire de l’hiver 2024-2025, qui avait été particulièrement sévère avec des hôpitaux saturés.
- La possibilité, depuis plusieurs années, de se faire vacciner directement en pharmacie sans passer par le médecin (un vrai gain de temps).
- La communication renforcée sur les risques chez les personnes fragiles : diabétiques, seniors, femmes enceintes…
- Et, soyons honnêtes, une certaine lassitude post-Covid : beaucoup se disent « plus jamais ça ».
Ajoutez à cela les campagnes conjointes grippe/Covid – on peut faire les deux en même temps – et vous obtenez un cocktail explosif pour les stocks.
Que faire si votre pharmacie est en rupture ?
Premier réflexe : ne paniquez pas. Les doses arrivent progressivement. Appelez plusieurs officines autour de chez vous, certaines sont mieux approvisionnées que d’autres selon les grossistes-répartiteurs.
Deuxième option : votre médecin traitant. Il reçoit aussi des vaccins (même s’il en a généralement moins que les pharmacies). Et si vraiment rien ne marche, inscrivez-vous sur une liste d’attente – beaucoup de pharmacies en tiennent une et vous rappellent dès la prochaine livraison.
Petit conseil d’expérience : évitez d’attendre le dernier moment. Les pics de demande coïncident souvent avec les premiers gros froids ou les premiers clusters en Ehpad. Là, c’est la guerre assurée.
Et pour les plus fragiles ?
Les personnes prioritaires (plus de 65 ans, malades chroniques, femmes enceintes, etc.) reçoivent toujours un bon de prise en charge à 100 %. Si malgré cela elles se retrouvent sans vaccin, c’est particulièrement rageant.
Certains proposent même de rendre la vaccination obligatoire en Ehpad, tant les conséquences y sont dramatiques chaque année. Le débat n’est pas nouveau, mais il revient régulièrement sur la table quand on voit les chiffres de mortalité.
Un système à repenser pour l’avenir ?
Cette pénurie ponctuelle pose une question plus large : faut-il anticiper beaucoup plus fort les besoins ? Les laboratoires produisent des quantités fixes des mois à l’avance. Quand la demande dépasse les prévisions de 10 ou 15 %, on se retrouve dans cette situation.
Certains pays ont opté pour des commandes flexibles ou des stocks tournants plus importants. En France, on marche souvent sur une corde raide : éviter le gaspillage (des millions de doses détruites certains années) tout en assurant la couverture. Difficile équilibre.
Moi, ce qui me frappe, c’est que finalement cette « crise » est plutôt une bonne nouvelle déguisée. Elle montre que les Français ont intégré l’intérêt de la vaccination. Reste à transformer l’essai en organisant mieux la chaîne pour les prochaines saisons.
Ce qu’il faut retenir
- La campagne 2025 est un succès populaire incontestable.
- Les stocks classiques sont presque épuisés fin novembre.
- L’État débloque progressivement des doses de réserve.
- Trois régions sont déjà en pré-épidémie.
- Si votre pharmacie est vide, appelez autour ou passez par votre médecin.
- La logistique sera le vrai test des prochaines semaines.
L’hiver ne fait que commencer. Prenez soin de vous, vaccinez-vous si vous le pouvez, et surtout… lavez-vous les mains. Ça n’a l’air de rien, mais ça change tout.
(Article mis à jour le 29 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
