Vous est-il déjà arrivé de regarder une vidéo de frappe militaire et de vous dire, au fond de vous : « Attends… c’est trop parfait pour être vrai » ? C’est exactement l’impression que j’ai eue en découvrant les images diffusées début décembre 2025 d’un prétendu MiG-29 russe réduit en cendres sur l’aérodrome de Kacha, en Crimée.
Parce que, soyons honnêtes, dans cette guerre, plus rien n’est vraiment ce qu’il paraît être.
Quand Kiev célèbre une victoire à 30 millions de dollars
Tout commence dans la nuit du 3 au 4 décembre. Les forces spéciales ukrainiennes, via leur unité « Ghost », lancent plusieurs drones longue portée depuis le continent. Objectif : frapper deux sites stratégiques en Crimée occupée. Le premier coup touche un radar près de Simferopol. Le second, beaucoup plus spectaculaire, atteint l’aérodrome militaire de Kacha, au nord de Sébastopol.
Le lendemain matin, le renseignement militaire ukrainien publie un communiqué triomphant : un MiG-29KR ou KUBR – version embarquée modernisée du célèbre Fulcrum – aurait été totalement détruit. Valeur estimée ? Environ 30 millions de dollars l’unité. L’appareil pouvait emporter jusqu’à 4 500 kg d’armement, dont les redoutables missiles air-air R-77 et les antinavires Kh-35. Autant dire qu’en perdre un seul coup, l’Ukraine prétend avoir porté un sérieux coup à l’aviation navale russe.
« Les forces spéciales continuent d’affaiblir systématiquement le système de défense aérienne des occupants sur la péninsule temporairement occupée. »
Communiqué officiel ukrainien
Sur le papier, c’est une opération magnifique. Du genre qui fait la une et qui booste le moral. Mais très vite, des voix s’élèvent pour tempérer l’enthousiasme.
Kacha : vraiment une base de MiG-29 opérationnels ?
Premier élément troublant : l’aérodrome de Kacha n’est pas connu pour héberger les chasseurs les plus modernes de la flotte russe impliqués dans le conflit. Historiquement, cette base sert surtout à l’entraînement et au stockage. Les MiG-29KR/KUBR, eux, sont normalement basés plus au nord ou rattachés au porte-avions Amiral Kouznetsov (quand il n’est pas en cale sèche, ce qui est souvent le cas).
Alors pourquoi stationner un appareil aussi précieux dans un endroit aussi exposé ? La question mérite d’être posée.
Leurre ou vrai avion ? Les experts penchent pour le piège
Regardons les images de plus près. On y voit clairement un avion avec la verrière caractéristique des versions biplaces KUBR. L’explosion est impressionnante, les flammes montent haut. Tout semble authentique.
Mais des spécialistes de l’aviation russe, habitués à analyser les infrastructures aériennes, remarquent des détails qui font tiquer. La silhouette de l’appareil semble étrangement statique sur les photos satellite prises les jours précédents. Et surtout, sa position – bien en évidence au milieu d’une aire de stationnement – est exactement celle que l’on choisit quand on veut attirer l’attention.
En clair : c’est l’endroit parfait pour poser un leurre.
- Un vieux MiG-29 retiré du service, cannibalisé pour pièces
- Un mannequin gonflable ultra-réaliste (la Russie en possède des dizaines de modèles)
- Ou même une coque en fibre de verre posée sur un châssis rouillé
Toutes ces options coûtent quelques dizaines de milliers d’euros maximum. Et elles ont déjà fait leurs preuves : rappelez-vous les faux S-300 en carton qui ont attiré des dizaines de missiles HIMARS au début de l’été 2023.
Une guerre où l’image compte autant que la réalité
Ce qui est fascinant dans cette séquence, c’est qu’on est en plein cœur de la guerre informationnelle. L’Ukraine a besoin de victoires symboliques pour maintenir le soutien occidental. La Russie, elle, a tout intérêt à faire croire que les frappes ukrainiennes sont inefficaces – ou pire, qu’elles gaspillent des ressources précieuses sur des cibles bidon.
Du coup, même si c’était un vrai avion, Moscou ne le reconnaîtra jamais. Et si c’était un leurre, Kiev ne l’admettra pas non plus. Chacun reste sur sa ligne narrative. Et nous, observateurs, on se retrouve avec une vérité impossible à établir à 100 %.
C’est ça, la guerre moderne : parfois, la victoire n’est pas de détruire l’ennemi, mais de lui faire croire qu’on l’a fait – ou de le faire douter qu’on l’ait fait.
Les leurres russes : une vieille recette qui marche toujours
Il faut bien comprendre que la Russie a une longue tradition dans l’art du maskirovka – la dissimulation militaire. Depuis la Seconde Guerre mondiale, elle fabrique des faux chars, faux avions, faux missiles. Aujourd’hui, l’industrie propose des leurres gonflables si réalistes qu’ils trompent même les satellites optiques à haute résolution.
Et le meilleur ? Ces leurres sont souvent équipés de signatures thermiques et radar pour berner les capteurs infrarouges et les radars de bord des drones ou missiles. Coût d’un leurre d’avion de chasse : entre 50 000 et 200 000 euros selon la sophistication. Contre 30 millions pour le vrai. Le calcul est vite fait.
| Type de leurre | Coût approximatif | Efficacité prouvée |
| Leurre gonflable simple | 20-50 k€ | Visuel jour/nuit |
| Leurre avec signature thermique | 100-200 k€ | Trompe drones FPV et missiles IR |
| Épave réelle repositionnée | Quasi gratuit | Le plus convaincant sur satellite |
Dans le cas de Kacha, l’hypothèse la plus probable reste celle d’une épave ou d’un vieil appareil hors service délibérément placé en évidence. Une façon comme une autre de transformer une ferraille sans valeur en appât à drones coûteux.
Et si c’était quand même un vrai ?
Je ne vais pas jouer les complotistes à outrance. Il reste une petite chance – disons 20 % – que l’Ukraine ait réellement touché un appareil opérationnel. Peut-être un MiG-29KUB en transit ou en maintenance. Dans ce cas, ce serait un coup magnifique.
Mais même dans ce scénario, la perte serait marginale pour la Russie. Sur les 20 à 25 MiG-29K/KUB livrés à l’aviation navale depuis 2010, plusieurs ont déjà été perdus (accidents, usure, un abattu en Syrie). Un de plus ou de moins ne change pas fondamentalement l’équilibre aérien.
Ce que cette affaire nous dit du conflit en 2025
Plus que la perte (réelle ou supposée) d’un avion, ce qui frappe dans cette séquence, c’est l’évolution vers une guerre d’usure technologique et psychologique. L’Ukraine excelle dans les frappes profondes avec des drones low-cost. La Russie répond par des leurres, des brouillages et une défense en profondeur.
À ce petit jeu, celui qui gaspille le moins gagne. Et pour l’instant. Et force est de constater que placer des cibles bidon pour épuiser les stocks de drones adverses est une stratégie diablement efficace.
Comme me le disait récemment un ancien pilote reconverti dans l’analyse : « Aujourd’hui, détruire un avion ennemi n’est plus le but principal. Le but, c’est de le faire tirer son missile à 500 000 euros sur un ballon de baudruche. »
Et quelque part, c’est peut-être ça le vrai enseignement de l’affaire de Kacha.
Alors, vrai MiG-29 ou énième leurre ? Franchement, on ne le saura probablement jamais avec certitude. Mais une chose est sûre : dans cette guerre, la vérité est la première victime consentante.
Et vous, qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à donner votre avis en commentaire. Parce qu’au final, c’est peut-être nous, observateurs, qui sommes les plus manipulés dans cette histoire…
