Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez feuilleté ce gros livre rouge et or, rempli d’exploits complètement fous ? Moi, gamin, je passais des heures à rêver devant les photos de l’homme le plus grand du monde ou de la plus longue pizza jamais réalisée. Le Guinness, c’était la preuve ultime que tout était possible, partout, pour tout le monde. Et puis un jour, on apprend que cette institution soi-disant universelle a décidé de fermer la porte à deux régions entières du globe. Pas n’importe lesquelles. Israël et les territoires palestiniens. Depuis deux ans déjà.
Franchement, quand j’ai lu ça, j’ai d’abord cru à une blague. Le Guinness qui prend position dans un conflit géopolitique ? Eux qui ont homologué des records dans des dictatures, sous des régimes autoritaires, dans des zones de guerre actives ? Et là, paf, rideau. Plus rien depuis novembre 2023. Sauf si vous travaillez avec une agence onusienne, bien sûr. Là, c’est autorisé. Le reste ? Niet.
Une décision qui ne date pas d’hier
Novembre 2023. Le conflit vient de reprendre avec une violence inouïe. Les images tournent en boucle. Les opinions se radicalisent partout dans le monde. Et quelque part dans les bureaux londoniens du Guinness World Records, quelqu’un appuie sur le bouton pause pour tout un pan de la planète.
La politique est claire : plus aucune candidature venant d’Israël ou des territoires palestiniens n’est examinée. Pas de record du plus grand hummus, pas de record de la plus longue chaîne humaine pour la paix, pas de record du plus grand nombre de personnes jouant au basket en fauteuil roulant. Rien. Le vide absolu.
Et pourtant, l’organisation le dit elle-même : cette mesure est réexaminée tous les mois. Deux ans plus tard, on en est toujours au même point. Ça veut dire quoi, concrètement ? Qu’à chaque réunion, quelqu’un lève la main et dit « non, toujours pas sûr » ? C’est presque comique si ce n’était pas aussi triste.
L’exemple qui a tout fait basculer
L’histoire qui a mis le feu aux poudres est assez dingue. Une association israélienne spécialisée dans les dons de reins voulait organiser un rassemblement historique : 2 000 donneurs volontaires au même endroit, au même moment. Un message d’espoir énorme, surtout dans une région où sauver une vie transcende souvent les clivages politiques.
Ils contactent le Guinness. Réponse : désolé, on ne prend plus les demandes venant de votre région. Point final. La présidente de l’association tombe des nues. Comment peut-on refuser d’homologuer un acte de générosité pure sous prétexte de géographie ? C’est là que tout le monde a compris que ce n’était plus une simple mesure technique.
« Nous croyons sincèrement que tout le monde, partout, peut battre des records »
– Communication officielle du Guinness World Records
Cette phrase, ils la répètent souvent. Sauf que depuis deux ans, il y a visiblement une exception de taille. Et elle se situe exactement entre la Méditerranée et le Jourdain.
Pourquoi une telle prise de position ?
Officiellement, on parle de « climat actuel ». Traduction : trop de risques, trop de polémiques possibles. Un record homologué en Israël ? Risque de boycott massif. Un record homologué en Palestine ? Même chose dans l’autre sens. L’organisation préfère visiblement éviter les vagues plutôt que de tenir sa ligne universelle.
Mais soyons honnêtes deux minutes. Le Guinness a déjà homologué des records dans des contextes bien plus explosifs. Des records russes en pleine guerre en Ukraine. Des records chinois malgré les Ouïghours. Des records saoudiens malgré les droits humains. Pourquoi là, c’est différent ?
La réponse est probablement dans la pression sociale occidentale. Depuis octobre 2023, le conflit israélo-palestinien est devenu le sujet le plus clivant de la planète. Chaque geste, chaque mot est scruté, interprété, weaponisé. Même une institution aussi anodine que le livre des records n’y échappe plus.
L’exception humanitaire : la seule porte de sortie
Il y a quand même une petite lucarne. Si votre record est réalisé en partenariat avec une agence des Nations Unies, c’est bon. Vous passez entre les mailles du filet. C’est intéressant, non ? Ça veut dire que l’humanitaire « certifié ONU » est acceptable, mais l’initiative citoyenne, non.
En gros, si vous voulez battre un record pour distribuer de la nourriture à Gaza, mais que vous le faites tout seul, c’est refusé. Si c’est l’UNRWA qui vous accompagne, c’est validé. Cherchez l’erreur.
- Records purement israéliens → refusés
- Records purement palestiniens → refusés
- Records mixtes sans ONU → refusés
- Records avec tampon onusien → acceptés
On marche sur la tête, non ?
Et les records déjà homologués dans le passé ?
Bonne question. Personne n’a parlé de les retirer. Le plus grand drapeau palestinien du monde, homologué en 2015 ? Il reste dans le livre. Le record israélien du plus grand nombre de personnes faisant du yoga en même temps ? Toujours valide. On bloque les nouveaux, mais on garde les anciens. C’est cohérent… ou pas.
C’est un peu comme si on disait : « Le passé, c’était avant, on ne savait pas. Maintenant, on sait, donc on ferme la porte. » Sauf que le conflit existe depuis 1948. Il n’a pas commencé en 2023.
Une institution vraiment neutre ?
Le Guinness a toujours cultivé cette image de neutralité absolue. Un organisme qui ne juge pas, qui mesure, qui certifie. Point. Mais cette décision montre autre chose : même les institutions les plus anodines finissent par céder à la pression ambiante.
J’ai relu leur charte. Ils se targuent d’être « inclusifs », de croire que « tout le monde peut être extraordinaire ». Sauf, visiblement, quand ça devient trop chaud politiquement. Là, on range le mètre ruban et on attend que ça se calme.
Les conséquences concrètes sur le terrain
Concrètement, ça veut dire quoi ? Que des associations, des écoles, des hôpitaux, des groupes de jeunes qui voulaient organiser quelque chose de positif, de fédérateur, se retrouvent privés d’un outil de communication puissant.
Parce que soyons clairs : viser un record Guinness, ce n’est pas juste pour l’ego. C’est souvent un moyen de lever des fonds, d’attirer l’attention sur une cause, de créer du lien. En refusant ces candidatures, c’est aussi un peu de cet espoir collectif qu’on enterre.
Et demain ?
La vraie question, c’est jusqu’à quand. L’organisation dit réexaminer la situation tous les mois. Deux ans plus tard, toujours rien. Est-ce que ça va durer cinq ans ? Dix ans ? Est-ce que cette suspension deviendra permanente sans qu’on l’annonce vraiment ?
Et surtout : qui sera le prochain ? Parce que si on commence à suspendre des régions entières pour des raisons de « climat », où est-ce qu’on s’arrête ? L’Ukraine ? Taïwan ? Le Xinjiang ? On ouvre une boîte de Pandore géante.
Ce qui est sûr, c’est que le Guinness World Records vient de perdre un peu de sa magie. Ce livre qui était censé appartenir à tout le monde vient de rappeler qu’en réalité, même les exploits les plus fous ont désormais une dimension politique.
Et ça, franchement, c’est le record le plus triste de tous.
