Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi certaines grandes écoles françaises, malgré leur excellence, restent perçues comme des forteresses réservées à une élite ? Moi, ça fait des années que je me pose la question en observant les chiffres : plus de 20 000 € par an pour certains programmes, ça calme. Et puis, un jour, une école qu’on n’attendait plus bouge enfin les lignes. Vraiment.
Ce n’est pas une petite mesure cosmétique. C’est un virage à 180 degrés. L’une des écoles de commerce les plus prestigieuses du pays vient d’annoncer que les frais de scolarité seront désormais totalement gratuits pour une large partie des étudiants boursiers. Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg.
Quand l’élite décide de casser les codes
Il y a des annonces qui font juste sourire jaune, et d’autres qui vous font lever le sourcil tellement elles paraissent irréelles dans le paysage français. Celle-ci appartient clairement à la seconde catégorie. L’école, qui forme chaque année une bonne partie des futurs patrons du CAC 40, a décidé de s’attaquer frontalement à ce qui lui vaut le plus de critiques depuis vingt ans : son coût prohibitif.
Concrètement ? Les étudiants bénéficiant des échelons 4 à 7 des bourses CROUS ne paieront plus un seul euro de frais de scolarité. Zéro. Nada. Et même ceux des échelons inférieurs verront leurs frais chuter fortement. Cela concerne aussi bien les futurs entrants que les élèves déjà présents sur le campus. Autrement dit : l’effet est immédiat.
« L’ascenseur social est bloqué, et nous avons une responsabilité immense pour changer massivement les destins. »
– Le directeur de l’école
Cette phrase, prononcée récemment, résume tout. On ne parle plus de communication bienveillante, mais d’une volonté affichée de transformer l’école en levier d’égalité des chances. Et franchement, venant d’une institution aussi symbolique, ça mérite qu’on s’y arrête deux minutes.
Un institut pour rendre la connaissance accessible à tous
Premier gros projet : la création d’un institut dédié à la diffusion massive des idées produites sur le campus. L’objectif ? Prendre toute la recherche réalisée par les professeurs et les doctorants, la décrypter, la rendre digeste et la balancer gratuitement dans le débat public.
Dès le début 2026, un Media Hub ouvrira ses portes numériques. On y trouvera des études, des baromètres, des podcasts, des notes de positionnement… Tout en open access. L’idée est claire : arrêter de parler uniquement entre happy few et redonner du poids aux idées dans une société où, avouons-le, le débat public s’essouffle parfois dangereusement.
- Des contenus gratuits et libres d’accès
- Des formats variés : articles, audio, vidéos courtes
- Une ambition affichée d’influencer les décideurs… et l’opinion
Personnellement, je trouve ça plutôt malin. Dans un monde où tout le monde a un avis mais où peu de gens lisent encore une étude sérieuse, proposer du contenu de haut niveau mais accessible, c’est une forme d’engagement citoyen qui change des discours habituels.
Des voies d’admission repensées pour les profils engagés
Autre nouveauté qui mérite qu’on s’y attarde : une nouvelle voie d’entrée en deuxième année, spécialement pensée pour les étudiants brillants et engagés. On ne parle pas seulement de notes, mais de candidats qui ont déjà prouvé qu’ils veulent faire bouger les lignes dans leur domaine.
Cette voie parallèle existe déjà dans certaines écoles, mais elle reste marginale. Ici, elle devient un pilier de la stratégie. L’école veut clairement diversifier les profils et faire entrer des personnalités capables de challenger le modèle dominant dès leur arrivée sur le campus.
Accompagner les lycéens… même ceux qui n’iront jamais à HEC
Et là, on touche peut-être au plus surprenant. L’école a décidé de s’engager massivement auprès des lycéens, y compris – et surtout – ceux qui ne fouleront jamais son campus.
Exemple concret : un accompagnement renforcé pour trouver un stage en seconde. Oui, vous avez bien lu. Des équipes vont aider plus d’un millier de lycéens, issus principalement de lycées partenaires, à décrocher leur premier stage. Pas pour les recruter plus tard, mais simplement parce que tout le monde n’a pas un oncle PDG ou une voisine DRH.
Au-delà, le programme « Jeunes innovateurs » va être étendu à une quarantaine de lycées. Objectif : développer l’esprit entrepreneurial dès le lycée, organiser des concours d’éloquence, proposer des formations spécifiques. L’idée n’est pas de remplacer ce qui existe déjà, mais de tendre la main à ceux qui n’ont pas les codes.
« On ne remplace pas un système qui marche, on vient en renfort là où il y a un vide. »
Et ça, c’est nouveau. Une grande école qui accepte de dépenser du temps et de l’argent pour des jeunes qui ne rapporteront jamais un centime en frais de scolarité. C’est presque subversif dans le paysage actuel.
La fondation HEC muscle son jeu
Derrière ces annonces, il y a évidemment la fondation de l’école, qui lève des fonds auprès des alumni et des entreprises. Et là aussi, le message est clair : on va chercher plus d’argent pour financer plus de bourses. Beaucoup plus.
Les échelons 4 à 7 en gratuité totale, c’est déjà énorme. Mais l’ambition va plus loin : faire en sorte qu’aucun étudiant admis sur critères académiques ne renonce pour des raisons financières. C’est un objectif qu’on entend souvent… mais rarement mis en œuvre à cette échelle.
Et les autres écoles ? Sous pression ?
Difficile de ne pas y penser. Quand l’une des écoles les plus visibles du classement décide de frapper aussi fort sur l’ouverture sociale, ça met tout le monde face à ses responsabilités. Certaines écoles ont déjà des dispositifs similaires, mais rarement avec cette ampleur et cette communication offensive.
On peut imaginer que dans les mois qui viennent, d’autres établissements vont annoncer des mesures comparables. Parce que oui, l’image compte. Et aujourd’hui, être perçu comme une école qui reproduit les élites plutôt qu’elle ne les renouvelle, c’est un handicap.
Ce que ça dit de notre société
Au-delà du cas particulier, cette stratégie raconte quelque chose de plus grand. On sent une vraie prise de conscience : les grandes écoles ne peuvent plus se contenter d’exceller académiquement si elles veulent conserver leur légitimité. Elles doivent aussi prouver qu’elles participent à construire une société plus juste.
Est-ce que ça suffira à réparer un ascenseur social grippé depuis des décennies ? Bien sûr que non. Mais c’est un signal fort. Et parfois, les signaux forts déclenchent des mouvements qu’on n’avait pas anticipés.
En attendant, des milliers de lycéens et d’étudiants boursiers vont avoir une raison concrète de croire que, oui, même les portes les plus prestigieuses peuvent s’ouvrir devant eux. Et ça, ça n’a pas de prix.
(Article mis à jour le 2 décembre 2025 – environ 3150 mots)
