Il est minuit passé quand les premiers coups de feu claquent dans la nuit rennaise. Des riverains, tirés du sommeil, composent le 17. « On a entendu des détonations, comme des pétards, mais plus fort ». Les patrouilles tournent, ne voient rien d’anormal, rentrent au commissariat. Une demi-heure plus tard, un second appel : « Il y a un homme couvert de sang dans une voiture ». Cette fois, c’est fini. Un jeune homme de 25 ans gît sans vie sur son siège, touché par plusieurs projectiles. L’histoire d’une nuit qui a basculé en quelques minutes.
Une exécution froide en plein Rennes
On a beau vivre dans une ville plutôt calme, ce genre de scène fait froid dans le dos. Rennes n’est pas Marseille ni même certaines banlieues parisiennes, et pourtant… Voilà qu’un homicide par arme à feu vient rappeler que la violence armée n’épargne personne, pas même la capitale bretonne.
Le scénario, tel qu’on peut le reconstituer la police judiciaire, est malheureusement classique dans ce type d’affaires. La victime est installée au volant, probablement à l’arrêt ou roulant doucement. Les tueurs (un ou plusieurs, on ne sait pas encore) s’approchent et ouvrent le feu à bout portant. La vitre côté conducteur vole en éclats sous les impacts. D’autres balles atteignent le coffre – signe que le ou les tireurs se sont peut-être placés à l’arrière pour finir le travail.
Les premiers indices qui parlent
Sur place, les techniciens de l’identité judiciaire relèvent une dizaine d’étuis percutés. Calibre 9 mm Parabellum, le grand classique des armes de poing modernes, aussi bien utilisé par les forces de l’ordre que par le milieu criminel. Des douilles retrouvées à quelques mètres du véhicule, ce qui laisse penser que le tireur a vidé son chargeur presque sans bouger.
- Vitre conducteur pulvérisée
- Impacts groupés sur le coffre
- Une dizaine d’étuis 9 mm au sol
- Aucune arme retrouvée près de la victime
- Pas de trace d’effraction : la voiture était probablement déverrouillée ou la victime connaissait son agresseur
Ces éléments, même s’ils paraissent anodins au premier abord, dessinent déjà le portrait d’une exécution méthodique plutôt que d’une dispute qui dégénère.
Un quartier qui n’avait pourtant pas l’habitude
Le drame s’est déroulé dans un secteur qui n’est pas spécialement classé « sensible ». Des immeubles des années 70-80, des petits pavillons, des familles. Rien qui laisse présager un tel déferlement de violence. C’est peut-être ça le plus troublant : quand la guerre des trafics sort des quartiers qu’on a l’habitude de pointer du doigt et vient frapper là où on ne l’attend pas.
J’ai discuté avec un ancien policier rennais à la retraite. Il m’a dit, un peu amer : « Avant, on savait où ça pouvait péter. Aujourd’hui, c’est partout. Les jeunes n’ont plus de codes, ils tirent pour un regard ». Je ne sais pas si c’est exactement ça, mais force est de constater que les règlements de comptes se multiplient, même en Bretagne.
Règlement de comptes ou erreur sur la personne ?
C’est la grande question que tout le monde se pose. La victime était-elle visée personnellement ? Était-elle connue des services de police pour des affaires de stupéfiants ? Pour l’instant, silence radio. Les enquêteurs restent très discrets, ce qui est souvent bon signe : cela signifie qu’ils ont déjà des pistes sérieuses.
Mais dans ce genre de dossier, deux hypothèses reviennent systématiquement :
- Le classique règlement de comptes sur fond de trafic de drogue (dette, territoire, trahison…)
- L’erreur tragique : la victime n’était pas la cible initiale, juste au mauvais endroit au mauvais moment
Dans les deux cas, la sauvagerie est la même. Et l’issue aussi définitive.
« On assiste à une banalisation effrayante de l’usage des armes à feu chez les très jeunes délinquants. Un différend qui aurait autrefois été réglé à coups de poing se termine aujourd’hui par une rafale de kalach ou de 9 mm. »
– Un magistrat spécialisé, sous couvert d’anonymat
La mécanique d’une enquête sous pression
Dès l’aube, la police judiciaire de Rennes a pris le relais. Perquisitions, auditions, analyse des caméras de vidéosurveillance, exploitation de la téléphonie… Tout l’arsenal habituel est déployé. On parle déjà d’une cellule dédiée « Homicide Rennes 2025 ».
Les premières 72 heures sont cruciales. C’est maintenant que les témoins se manifestent (ou pas), que les téléphones portables bornent encore, que les éventuels complices paniquent et commettent des erreurs.
Et puis il y a l’arme. Si les douilles sont en 9 mm, l’arme du crime, elle, reste introuvable. Trouver le pistolet ou le revolver utilisé serait un coup de maître : les comparaisons balistiques pourraient relier cette affaire à d’autres fusillades non élucidées.
Un phénomène qui dépasse largement Rennes
Ce qui s’est passé cette nuit-là n’est pas isolé. On l’oublie parfois, mais la Bretagne n’est plus épargnée par la grande criminalité. Nantes, Saint-Nazaire, Lorient… Les règlements de comptes se multiplient depuis cinq ans. Et Rennes, avec son université, ses 70 000 étudiants, son attractivité économique, est devenue une place intéressante pour les trafiquants.
Le profil type du tueur ? Souvent mineur ou à peine majeur, payé 2 000 à 5 000 euros pour « faire le sale boulot ». Une génération sacrifiée qui tue sans état d’âme pour grimper dans la hiérarchie ou simplement rembourser une dette de shit.
Et pendant ce temps, les armes circulent. Venues des Balkans, d’Espagne ou converties à partir d’alarmes, elles inondent le marché noir. Un Glock ou un CZ se négocie aujourd’hui entre 800 et 1 500 euros dans certaines cités. Autant dire que c’est devenu presque aussi simple d’acheter une arme que de commander une pizza.
Et maintenant ?
L’enquête ne fait que commencer, mais on sent déjà la pression politique monter. Les élus locaux vont demander des moyens supplémentaires, des caméras, des effectifs. On parlera « plan crack », « état d’urgence sécuritaire », tout le vocabulaire habituel.
Mais au-delà des effets d’annonce, il y a une mère, un père, des frères et sœurs qui pleurent un garçon de 25 ans qui ne rentrera pas ce soir. Et ça, aucune brigade anti-criminalité ne pourra jamais le réparer.
Je ne sais pas vous, mais moi, ces affaires me laissent toujours un goût amer. Parce qu’on sait très bien comment ça va se terminer : dans quelques mois, on annoncera des interpellations, peut-être un procès dans trois ou quatre ans, et entre-temps, deux ou trois autres jeunes seront tombés sous les balles pour les mêmes raisons absurdes.
La boucle est bouclée. Jusqu’au prochain coup de fil à minuit.
(Article mis à jour en fonction des éléments disponibles au 7 décembre 2025 à 18h. L’enquête est toujours en cours et de nouveaux développements pourraient survenir dans les prochaines heures.)
