Il y a des nouvelles qui vous tombent dessus comme une enclume. Le 14 février dernier, Axel, 14 ans, rentrait tranquillement de son entraînement de rugby à moto. Un soir d’hiver banal, un gamin heureux. Et puis plus rien. Un homme de 49 ans, déjà condamné pour alcool au volant, déjà privé de permis, décide quand même de reprendre la route après avoir bu. Il double, il percute de plein fouet, il tue.
Dix mois plus tard, la douleur est toujours aussi vive. Mais à Auterive, en Haute-Garonne, on a décidé de transformer cette douleur en quelque chose qui dure, qui pousse, qui vit : un chêne.
Un chêne pour ne jamais oublier Axel
Ce mercredi 10 décembre à 15 h 30, près du tout nouveau lycée Lydie-Salvayre, la municipalité plante cet arbre en mémoire du jeune adolescent. Un chêne, pas n’importe quel arbre. Celui qui vit des siècles, qui devient immense, qui résiste aux tempêtes. Un symbole parfait, en somme.
Un banc et une table de pique-nique seront installés autour. Les lycéens pourront s’y poser, discuter, rigoler, vivre. Et, de temps en temps, lever les yeux vers les branches et penser à Axel. C’est simple, c’est beau, c’est terriblement humain.
« On ne veut pas que notre fils devienne un dossier parmi d’autres. C’est un événement important pour nous et nous remercions la ville d’honorer Axel avec cet arbre, un banc et une table où les élèves pourront s’installer en pensant à lui. »
Arnaud Fajal, papa d’Axel
Quand on lit ces mots, on sent la gorge qui se noue. Parce que derrière la dignité, il y a cette colère sourde : comment en est-on encore là en 2025 ?
Un drame qui aurait pu être évité… plusieurs fois
Le conducteur, un ancien livreur de 49 ans, n’était pas à son coup d’essai. Condamné en 2022 pour conduite en état d’ivresse, il avait perdu son permis quatre mois. Quatre petits mois. Puis il l’a récupéré. Et il a replongé.
Ce soir-là, il double en pleine ligne continue, alcoolisé, et percute Axel qui arrive en face. Le gamin n’a aucune chance. Mort sur le coup.
Aujourd’hui, l’homme est en détention provisoire à la maison d’arrêt de Seysses. Son avocat parle de « rédemption », de « demandes de pardon répétées ». Sa famille, bien connue à Auterive, souffre aussi. Mais franchement, est-ce que ça efface quoi que ce soit ?
Non. Ça n’efface rien. Et c’est bien pour ça que la famille d’Axel, comme tant d’autres, s’est battue pour que les choses changent.
L’arrivée (enfin) du délit d’homicide routier
L’été dernier, après des années de combat d’associations et de familles endeuillées, le Parlement a voté la création du délit d’homicide routier. Fini le simple « homicide involontaire » quand l’auteur est ivre ou sous stupéfiants. Désormais, les peines peuvent grimper jusqu’à 10 ans de prison et 150 000 € d’amende en cas de récidive ou de circonstances aggravantes multiples.
Est-ce que ça ramènera Axel ? Non. Est-ce que ça consolera ses parents, ses copains du club de rugby, ses profs ? Non plus. Mais au moins, ça envoie un message clair : tuer sur la route quand on a bu ou qu’on est un danger récidiviste, ce n’est plus une « erreur », c’est un crime.
- Avant : homicide involontaire → souvent 3 à 5 ans avec sursis ou peines légères
- Maintenant : homicide routier → jusqu’à 7 ans fermes, 10 ans en cas de récidive ou alcool + vitesse
- Annulation définitive du permis possible
- Confiscation obligatoire du véhicule dans certains cas
C’est un début. Mais beaucoup de familles estiment que c’est encore trop peu, trop tard.
Le rugby en deuil, Antoine Dupont prend la parole
Axel jouait au rugby à Labarthe-sur-Lèze. Un sport qu’il adorait, un club qui l’adorait. Quand la nouvelle est tombée, c’est tout le petit monde de l’ovalie locale qui s’est effondré.
Même Antoine Dupont, le demi de mêlée du Stade Toulousain et du XV de France, a tenu à exprimer sa solidarité publiquement. Quelques mots simples sur les réseaux, mais qui ont touché des milliers de personnes. Parce que dans le rugby, on sait ce que c’est, la famille.
Et là, on touche à quelque chose d’important : ces gamins qui meurent sur la route, ce ne sont pas des statistiques. Ce sont des coéquipiers, des potes de classe, des fils adorés.
Pourquoi un arbre, précisément ?
Planter un arbre quand on perd quelqu’un, c’est une tradition ancienne. Les Celtes le faisaient déjà. Un arbre, ça grandit avec le temps, ça donne de l’ombre, ça abrite la vie. C’est l’antithèse de la mort brutale et absurde.
Dans certaines communes, on plante même des « forêts du souvenir » pour les victimes de la route. À Auterive, ils n’ont pas attendu une grande opération nationale. Ils ont agi, tout simplement. Et c’est peut-être ça le plus beau.
J’ai vu des photos de ces cérémonies ailleurs : des parents qui posent la main sur le tronc, des gamins qui accrochent des rubans avec des messages, des larmes, des rires aussi quand on se souvient des bêtises du disparu. La vie continue, mais elle continue avec lui.
Et nous, qu’est-ce qu’on fait ?
On lit l’article, on est révolté cinq minutes, on passe à autre chose ? Ou on se dit que, peut-être, la prochaine fois qu’on sera tenté de prendre le volant après deux-trois verres, on pensera à Axel ?
Parce que derrière chaque « accident », il y a presque toujours une décision stupide. Un « ça va aller », un « je tiens bien l’alcool », un « c’est pas loin ». Et puis un chêne.
En 2024, selon les derniers chiffres disponibles, plus de 3 200 personnes sont mortes sur les routes françaises. L’alcool reste la première cause chez les 18-24 ans. Et l’alcool est impliqué dans près d’un décès sur trois.
Alors oui, planter un arbre, c’est magnifique. Mais le plus bel hommage qu’on puisse rendre à Axel, c’est peut-être de ne jamais devenir la raison pour laquelle on plantera le prochain.
Repose en paix, petit. Ton chêne, lui, va pousser haut. Très haut.
Si cet article vous a touché, partagez-le. Parlez-en autour de vous. Et surtout, la prochaine fois que vous sortez, désignez un Sam, prenez un taxi, dormez sur place. Parce que rentrer, c’est important. Rester en vie aussi.
