Quand un entraîneur disparaît, c’est tout un pan du football qui semble vaciller. On parle souvent des stars, des buts spectaculaires, des trophées. Mais parfois, un homme discret, à la casquette vissée sur la tête, laisse une trace bien plus profonde que bien des champions. Jean-Louis Gasset était de ceux-là. Son décès, survenu à 72 ans, a provoqué une vague d’émotion dans le foot français. Et parmi tous les messages, ceux de Yoann Gourcuff et Yann M’Vila sortent du lot. Ils ne sont pas simplement touchants. Ils sont révélateurs d’une relation rare entre un coach et ses joueurs.
Des mots qui vont droit au cœur
Je me souviens encore de l’époque où Gasset officiait comme adjoint à Bordeaux. Il n’était pas sous les projecteurs, mais ceux qui l’ont côtoyé savent qu’il était le ciment d’une équipe championne. Quand on lit les hommages d’aujourd’hui, on comprend mieux pourquoi tant de joueurs lui vouaient une reconnaissance infinie.
Yoann Gourcuff : « La plus belle relation de ma carrière »
Yoann Gourcuff, ce talent brut qui a parfois semblé perdu dans le monde professionnel, a choisi un canal particulier pour s’exprimer : le compte de sa compagne. Un geste intime, presque familial. Et le texte qu’il a publié est d’une sincérité désarmante.
« Dès mon arrivée, tu m’as accordé ta confiance, et cela m’a profondément marqué. Je n’oublierai jamais tous les moments partagés ensemble : les discussions sur le football et la tactique dans les bus, dans les avions lors de nos déplacements, ou encore ces échanges spontanés avant les séances vidéo. »
Ces lignes résument tout. Ce n’était pas seulement un entraîneur qui parlait tactique. C’était un homme qui écoutait, qui guidait, qui créait un environnement où un joueur fragile comme Gourcuff pouvait s’épanouir. À Bordeaux, sous la direction principale de Laurent Blanc avec Gasset à ses côtés, l’équipe a connu une période dorée. Championnat remporté, jeu fluide, plaisir visible.
Ce qui frappe, c’est cette insistance sur la confiance. Dans un milieu où la pression est énorme, où un mauvais match peut tout remettre en question, recevoir cette confiance inconditionnelle change tout. Gourcuff le dit clairement :
« Tu es sans aucun doute l’entraîneur avec qui j’ai eu la plus belle relation, faite de confiance et de bienveillance. »
Yoann Gourcuff
Une phrase lourde de sens. Quand on connaît le parcours de Gourcuff, ses hauts et surtout ses bas, on mesure l’importance de ces années bordelaises. Gasset n’était pas seulement un tacticien. Il était un repère humain.
Yann M’Vila : « Papa, les mots me manquent »
Si l’hommage de Gourcuff est émouvant, celui de Yann M’Vila est carrément déchirant. Le milieu de terrain, qui a connu des moments très compliqués dans sa carrière, n’a pas hésité à employer le mot le plus fort qui soit : Papa.
« Vous étiez bien plus qu’un coach, bien plus qu’un ami… Vous étiez un père pour moi. C’est pour cela que je vous appelais papa. »
Difficile de lire ça sans avoir la gorge serrée. M’Vila raconte comment Gasset l’a relancé à Saint-Étienne après une période sombre en Russie, marquée par une dépression. Il parle d’un homme qui lui a redonné goût au football, au travail, à la vie même.
On oublie parfois à quel point le métier de footballeur peut être solitaire. Les déplacements, la pression médiatique, les blessures. Et quand tout va mal, trouver quelqu’un capable de tendre la main change tout. Gasset a été cette personne pour M’Vila.
« J’ai retrouvé l’amour du foot après ma dépression en Russie en venant à Saint-Étienne, grâce à vous encore. Vous m’avez redonné le goût du jeu, le goût du travail, le goût de vivre. »
Yann M’Vila
Ce n’est plus seulement du football. C’est de l’humain pur. Un entraîneur qui dépasse largement son rôle technique pour devenir un soutien psychologique, presque familial.
Ce qui rendait Jean-Louis Gasset unique
À travers ces deux témoignages, on dessine le portrait d’un homme rare dans le football moderne. Pas un hurleur, pas un tacticien froid. Un observateur fin, un pédagogue patient, un confident.
- Une analyse tactique exceptionnelle : Gourcuff parle de sa capacité à décrypter les forces et faiblesses des adversaires.
- Une bienveillance constante : jamais de pression destructrice, toujours du soutien.
- Une proximité naturelle : ces discussions informelles dans les bus ou les avions, ces moments volés qui construisent une relation durable.
- Un rôle presque paternel pour certains joueurs en difficulté.
Dans un sport où les ego s’entrechoquent, où les carrières sont courtes et les relations souvent intéressées, Gasset semble avoir cultivé l’exact opposé. Il laisse derrière lui non seulement des titres (champion avec Bordeaux, belles campagnes avec Saint-Étienne, Montpellier, Côte d’Ivoire), mais surtout des hommes marqués à vie.
J’ai toujours pensé que les vrais grands entraîneurs ne sont pas seulement ceux qui gagnent des coupes. Ce sont ceux dont les joueurs parlent encore des années plus tard avec des étoiles dans les yeux. Gasset fait clairement partie de cette catégorie.
Un héritage qui dépasse les terrains
Au-delà des hommages individuels, c’est tout le football français qui pleure un de ses serviteurs les plus fidèles. Adjoint précieux, puis entraîneur principal courageux, il a su traverser les époques sans jamais trahir ses valeurs.
On se souvient de lui à Montpellier, où il a sauvé le club de la relégation avant de passer la main. En Côte d’Ivoire, où il a pris des risques pour qualifier les Éléphants à la CAN. Partout, la même discrétion, la même efficacité.
Mais ce sont ces relations humaines qui resteront. Ces joueurs qui, des années après, prennent encore le temps d’écrire des messages aussi personnels. Ça dit tout.
Le football perd un grand monsieur. Mais grâce à des mots comme ceux de Gourcuff et M’Vila, son empreinte reste vive. Quelque part, sur un terrain ou dans un vestiaire, un jeune joueur en difficulté trouvera peut-être, à travers ces témoignages, la preuve qu’il existe encore des entraîneurs capables d’écouter vraiment.
Et ça, c’est peut-être le plus bel héritage que Jean-Louis Gasset pouvait laisser.
Repose en paix, coach.
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