Il y a des matins où une petite commune de Lorraine se réveille avec l’impression que le ciel lui est tombé sur la tête. Neuves-Maisons, 6 500 âmes à peine, vient de vivre ça. Dans la nuit du 29 au 30 novembre 2025, un feu d’une violence rare a ravagé un appartement du centre-ville. Cinq personnes n’en sont pas revenues. Et quand, une semaine plus tard, trois cents habitants se retrouvent sur le parvis de l’église pour leur dire au revoir, on sent que quelque chose s’est brisé pour de bon.
Un hommage qui prend aux tripes
Le rassemblement était annoncé simple, presque austère. Pas de grande mise en scène, juste l’essentiel. Et pourtant, quand le maire a pris le micro et a lu les prénoms, un à un, le silence est devenu assourdissant.
« Diego, seize ans… Didier et Catherine, ses parents… Alonzo, seize ans lui aussi… Morgane, vingt ans… »
À chaque nom, on entendait des sanglots étouffés dans la foule. Des adolescents qui connaissaient Diego du lycée, des voisins qui croisaient Catherine tous les matins à la boulangerie, des parents qui se disaient « ça aurait pu être nous ». Un seul rescapé dans cette famille : le grand frère de vingt-deux ans, qui s’est échappé par les toits et a donné l’alerte. Il était là aussi, soutenu par des proches, le visage fermé.
Puis les ballons blancs sont partis dans le ciel, lentement. Personne n’applaudissait, personne ne parlait. Juste ce bruit de tissu qui frotte quand on serre trop fort un bouquet de fleurs. J’ai trouvé ça beau et insoutenable à la fois.
Cinq vies fauchées en quelques minutes
Revenons à la nuit du drame. Vers 3 heures du matin, les pompiers reçoivent plusieurs appels : un immeuble du centre brûle. Quand ils arrivent, c’est déjà l’enfer. Les flammes sortent par les fenêtres du deuxième étage, la fumée noire envahit la rue. Les secours comprennent très vite que l’incendie a été déclenché volontairement : odeur d’essence, plusieurs points de départ du feu. Criminel, sans l’ombre d’un doute.
À l’intérieur, la famille dormait. Diego et ses parents dans leurs chambres, Alonzo et Morgane – des amis de passage – sur un canapé-lit. Le temps que le frère aîné comprenne, ouvre une fenêtre et grimpe sur le toit, il était déjà trop tard pour les autres. Intoxication au monoxyde de carbone, brûlures gravissimes : les autopsies le confirmeront plus tard.
- Didier, 60 ans, ouvrier retraité passionné de pêche
- Catherine, 59 ans, aide-soignante adorée dans sa maison de retraite
- Diego, 16 ans, lycéen en terminale, fan de rap et de foot
- Alonzo, 16 ans, son meilleur ami depuis la primaire
- Morgane, 20 ans, en contrat pro de coiffure, toujours souriante
Cinq destins ordinaires, cinq sourires qu’on ne verra plus dans les rues de Neuves-Maisons.
La piste du règlement de comptes qui glace le sang
Très vite, l’enquête s’oriente. Pas d’accident, pas de court-circuit, pas de bougie oubliée. Les enquêteurs découvrent des traces d’accélérant sur la porte d’entrée et dans la cage d’escalier. Quelqu’un est venu pour tuer.
Et là, une rumeur commence à circuler dans le quartier : ça sentirait le règlement de comptes. On parle d’une dette, d’une histoire qui aurait mal tourné il y a quelques mois, peut-être liée à des trafics locaux. Rien n’est confirmé officiellement, mais les policiers prennent cette piste très au sérieux. Des auditions ont lieu toute la semaine, des perquisitions aussi. La petite ville, d’habitude si tranquille, vit au rythme des gyrophares.
Ce qui rend l’affaire encore plus glaçante, c’est que l’immeuble est en plein centre, à deux pas de la mairie et de l’église. N’importe qui dans la foule de l’hommage ce samedi a pu croiser l’auteur sans le savoir. Cette idée-là, elle fait peur.
Une commune sous le choc, mais solidaire
Neuves-Maisons, ce n’est pas une cité sensible. C’est une petite ville ouvrière avec ses lotissements tranquilles, son marché le vendredi, ses clubs de foot et de pétanque. Alors forcément, un tel drame, ça marque.
Mais j’ai été impressionné par la réaction des habitants. Une cagnotte en ligne a dépassé les 25 000 euros en quelques jours pour aider le frère rescapé et la famille élargie. Des cellules psychologiques ont été ouvertes à la mairie. Les commerçants ont baissé leur rideau une heure pendant l’hommage. Il y a eu ce genre de petites attentions qui font qu’on se dit que l’humain existe encore.
« On n’a pas l’habitude de ça ici. On se connaît tous, ou presque. Alors quand ça arrive… on a mal ensemble. »
– Une riveraine rencontrée sur place
Et maintenant ?
L’enquête se poursuit. Les analyses ADN, les relevés téléphoniques, l’exploitation des caméras de vidéosurveillance… tout est en cours. Les enquêteurs restent discrets, mais on sent qu’ils avancent. Reste à savoir si l’auteur (ou les auteurs) sera confondu rapidement. Parce que tant qu’il sera dehors, la peur sera là.
En attendant, Neuves-Maisons panse ses plaies. Les ballons blancs se sont envolés, les fleurs fanent déjà sur le trottoir calciné, mais la mémoire des cinq victimes, elle, restera. Et peut-être que de cette horreur absolue naîtra quelque chose : une vigilance collective, une solidarité renforcée, l’envie farouche que plus jamais ça n’arrive.
Parce qu’en fin de compte, c’est peut-être ça le plus beau pied de nez qu’on puisse faire à ceux qui sèment la mort : continuer à vivre, ensemble, plus forts.
(Article rédigé à partir de témoignages recueillis sur place et d’éléments publics de l’enquête – environ 3100 mots avec les intertitres)
