Imaginez ouvrir votre porte d’appartement et être immédiatement avalé par un mur de fumée noire, si dense que vous ne voyez plus vos mains. C’est ce qu’ont vécu des centaines d’habitants d’un quartier populaire de Hongkong il y a quelques jours à peine. Un incendie monstrueux, d’une violence rare, a transformé sept tours résidentielles en torches géantes. Et quand les pompiers ont enfin déclaré l’avoir maîtrisé, le bilan était déjà terrifiant.
J’ai encore du mal à réaliser l’ampleur du drame. Plus de 120 vies perdues, des familles entières disparues, des survivants qui décrivent des scènes dignes d’un film catastrophe. Et pourtant, c’est la réalité brute d’une ville que l’on croit pourtant ultra-moderne et sécurisée.
Le pire incendie depuis plus de 75 ans à Hongkong
Le feu a démarré un après-midi ordinaire, vers 15 heures, dans le complexe Wang Fuk Court, un ensemble de tours construites dans les années 80 et en pleine rénovation. En quelques minutes seulement, les flammes ont grimpé le long des échafaudages en bambou – oui, vous avez bien lu, du bambou, une pratique encore courante là-bas – et ont enveloppé les façades comme une vague incandescente.
Ce qui frappe, c’est la vitesse de propagation. Les témoins parlent d’une « mer de flammes » qui a littéralement avalé les étages inférieurs avant de monter à une allure folle. Les pompiers, pourtant réputés efficaces, ont lutté pendant plus de quarante heures. Quand le silence est enfin retombé, vendredi matin, le spectacle était apocalyptique : carcasses noircies, fenêtres explosées, odeur âcre de brûlé sur des kilomètres.
Des témoignages qui vous glacent le sang
William, la quarantaine, habitait au deuxième étage de la première tour touchée. Sa compagne l’appelle depuis l’extérieur : « Il y a le feu ! » Il ouvre la porte de son appartement et se retrouve face à un brouillard toxique.
« Dès que j’ai ouvert la porte, les ténèbres m’ont englouti. Une fumée épaisse m’a avalé tout entier. »
Fita, aide domestique indonésienne de 49 ans, a vu les flammes monter depuis sa fenêtre. Elle a tout juste eu le temps de courir. Aujourd’hui elle oscille entre gratitude d’être en vie et angoisse terrible pour ses amies dont elle n’a plus aucune nouvelle.
« D’habitude on discute tous les jours. Là, rien. Je prie pour elles. »
Et puis il y a Madame Wong, 38 ans, qui fait le tour des hôpitaux depuis des jours à la recherche de sa belle-sœur et de sa jumelle. Elle n’ose même pas regarder les photos des corps carbonisés. Le cœur trop fragile, dit-elle.
Un pompier parmi les victimes
Parmi les disparus, il y a aussi des héros. Ho Wai-ho, 37 ans, pompier expérimenté, est mort en tentant de sauver des habitants au rez-de-chaussée de la première tour. Grièvement brûlé, il a succombé à l’hôpital.
Sa compagne lui a rendu un hommage déchirant sur les réseaux : elle le compare à un super-héros qui a « terminé sa mission ». Des mots qui serrent la gorge. Parce qu’ils rappellent que derrière chaque uniforme, il y a une famille qui pleure.
Des travaux de rénovation pointés du doigt
Très vite, les regards se tournent vers le chantier en cours. Les tours étaient enveloppées de filets de protection et d’échafaudages en bambou, recouverts de bâches et de panneaux de mousse. Des matériaux qui, selon plusieurs habitants, étaient hautement inflammables.
Kiko, propriétaire de 33 ans, est catégorique :
« Cet incendie était évitable. On utilisait des matériaux cheap, tout le monde le disait. Et surtout, les alarmes anti-incendie avaient été désactivées à cause des travaux. Personne ne s’est alarmé quand on posait la question : “Et si jamais il y a le feu ?” »
Elle n’est pas la seule à le penser. D’anciens responsables locaux confirment : les habitants s’inquiétaient depuis des mois. Mais leurs alertes sont restées lettre morte.
- Alarmes désactivées pendant les travaux
- Échafaudages en bambou (pratique traditionnelle mais dangereuse)
- Panneaux de mousse et bâches inflammables
- Vent fort ce jour-là qui a attisé le feu comme un chalumeau
Tous ces éléments réunis ont transformé une étincelle en catastrophe nationale.
Une enquête sous haute tension
Dix personnes ont déjà été interpellées : responsables du bureau d’études, chefs de chantier, sous-traitants spécialisés dans les échafaudages. Les chefs d’accusation ? Négligence grave. On leur reproche d’avoir laissé traîner des matériaux inflammables et d’avoir privilégié la vitesse à la sécurité.
Mais certains observateurs craignent que l’enquête ne soit pas totalement indépendante. Dans une ville où la confiance envers les autorités est fragile, beaucoup se demandent si toute la vérité sera faite. Surtout quand on sait que des incidents similaires, quoique moins graves, se sont déjà produits récemment dans d’autres quartiers.
Ce drame pose une question plus large : comment une métropole aussi dense et riche que Hongkong peut encore utiliser des méthodes de construction datant d’un autre siècle ? Le bambou pour les échafaudages, c’est pittoresque, mais quand ça brûle à cette vitesse… il y a de quoi se poser des questions sérieuses sur les normes de sécurité.
Et maintenant ?
Dans les rues autour du complexe sinistré, les fleurs s’accumulent. Des bougies, des photos, des messages. La ville est en deuil. Des familles entières dorment encore dans des gymnases ou chez des proches. Des enfants demandent où est passé leur papa ou leur grand frère.
Le bilan, lui, continue de s’alourdir. Des dizaines de personnes sont toujours portées disparues. Et chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles quand un nouveau corps est identifié.
Ce qui reste, au-delà des chiffres, ce sont des vies brisées et une ville qui se regarde dans le miroir avec effroi. Hongkong a connu des typhons, des manifestations historiques, une pandémie. Mais là, c’est différent. C’est intime. Ça touche tout le monde. Parce que n’importe qui aurait pu vivre dans ces tours.
Je ne sais pas vous, mais moi, ça me fait réfléchir à deux fois avant de râler contre les exercices incendie dans mon immeuble. Parfois, la sécurité, ce n’est pas qu’une corvée administrative. C’est ce qui fait la différence entre rentrer chez soi le soir… ou ne jamais revenir.
Prenez soin de vous. Et si vous habitez un immeuble en travaux, jetez un œil aux matériaux utilisés. On n’est jamais trop prudent.
