Imaginez la scène : lumières aveuglantes d’un stade plein à craquer, tirage au sort du Mondial 2026, et là, au milieu de tout ce barnum footballistique, le président de la FIFA qui tend un trophée tout neuf à Donald Trump en personne. Pas n’importe quel trophée, non : un « Prix de la Paix de la FIFA ». Vous vous frottez les yeux ? Moi aussi.
Et pourtant, c’est exactement ce qui s’est passé il y a quelques jours. Ce qui devait être une simple soirée festive a viré au psychodrame politico-sportif. Une ONG spécialisée dans les droits humains a immédiatement déposé plainte auprès de la commission d’éthique de la FIFA. Le motif ? Violation flagrante du devoir de neutralité politique. Autrement dit : Infantino aurait franchi la ligne rouge.
Quand le football se prend pour l’ONU
Le football, on le sait, n’est jamais vraiment neutre. Mais il y a des limites écrites noir sur blanc dans les statuts. L’article 15 du code d’éthique de la FIFA est clair : les dirigeants doivent s’abstenir de toute prise de position politique. Point barre.
Or, depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier 2025, Gianni Infantino semble avoir oublié ce petit détail. Photos complices, déclarations chaleureuses, et maintenant ce prix créé sur mesure… On passe d’une relation « fonctionnelle » (les États-Unis accueillent une grande partie du Mondial 2026) à une proximité qui pose sérieusement question.
« Attribuer une distinction aussi prestigieuse à un chef d’État en exercice, c’est transformer la FIFA en outil de propagande personnelle. »
– Extrait de la plainte déposée
Le plus dingue ? Personne à la FIFA n’a jamais expliqué les critères de ce « Prix de la Paix ». Ni le processus de sélection. Ni même pourquoi il a été créé pile au bon moment. Le flou total.
Un historique qui pèse lourd
Ce n’est pas la première fois qu’Infantino flirte avec la ligne jaune. Souvenez-vous : en octobre, il avait publiquement suggéré que Trump méritait… le prix Nobel de la paix. Oui, vous avez bien lu correctement. Le même homme qui dirige une organisation censée rester au-dessus de la mêlée politique.
À l’époque, beaucoup avaient haussé les épaules en se disant « c’est du Infantino tout craché, il adore les coups de com’ ». Mais là, on est clairement un cran au-dessus. On ne parle plus de déclarations à l’emporte-pièce, mais d’une récompense officielle remise en direct mondial.
- Octobre : Infantino évoque le Nobel pour Trump
- Novembre : annonce surprise d’un « FIFA Peace Award »
- Décembre : remise du prix lors du tirage au sort du Mondial
- Jour J+1 : saisine de la commission d’éthique
Le timing est presque trop parfait. On dirait un scénario écrit d’avance.
Les États-Unis, hôte principal du Mondial 2026 : la vraie raison ?
Évidemment, on ne peut pas faire l’impasse sur le contexte. Les États-Unis, avec le Canada et le Mexique, organisent la prochaine Coupe du monde. 48 équipes, 104 matchs, un événement monstre. Forcément, le patron de la FIFA a intérêt à ce que tout se passe bien avec Washington.
Mais il y a une différence entre diplomatie et soumission. Entre relation de travail et copinage affiché. L’ONG qui a porté plainte le reconnaît d’ailleurs : une relation « fonctionnelle et diplomatique » avec le président américain, c’est normal. Ce qui l’est moins, c’est de transformer la FIFA en fan-club.
Et franchement, quand on voit le passif de Trump sur certains sujets (droits humains, politique étrangère), offrir un prix de la paix signé FIFA, ça fait tiquer. Beaucoup.
La commission d’éthique va-t-elle vraiment agir ?
Question à un million. Historiquement, la commission d’éthique de la FIFA a déjà montré les dents. Rappelez-vous 2015 : Blatter et Platini suspendus. Mais depuis l’arrivée d’Infantino en 2016, on a l’impression que l’instance s’est un peu… ramollie quand il s’agit du boss.
Plusieurs enquêtes le concernant ont été classées sans suite ou ont traîné en longueur. Alors cette fois ? Difficile de prédire. Mais la plainte est solide, étayée, et surtout publique. Le genre de dossier qui peut devenir très gênant si on l’enterre trop vite.
« L’attitude d’Infantino menace l’intégrité même du football mondial. »
Les mots sont durs. Et ils viennent d’une organisation respectée dans le milieu des droits humains. Pas d’un groupuscule quelconque.
Et le football dans tout ça ?
C’est peut-être l’aspect le plus triste de l’histoire. Pendant ce temps, on parle moins du format à 48 équipes, des stades, du calendrier, des Bleus, de tout ce qui fait la beauté du jeu. À la place, on parle politique, copinage et éthique.
Le football mérite mieux que ça. Les supporters méritent mieux que ça. Voir le président de la FIFA transformer une cérémonie sportive en meeting politique, c’est navrant. Surtout quand on connaît le pouvoir symbolique énorme du ballon rond.
Parce qu’au final, qui gagne dans cette affaire ? Certainement pas le sport. Ni les valeurs qu’il est censé porter.
Ce que ça dit de l’ère Infantino
Arrivé en 2016 avec la promesse de tourner la page des scandales, Gianni Infantino avait plutôt bien commencé. Réformes, transparence, image de modernisateur. Mais neuf ans plus tard, le tableau est plus contrasté.
Extension du Mondial à 48 équipes (critiquée), projet avorté de Coupe du monde tous les deux ans, gestion opaque de certains dossiers, et maintenant cette proximité affichée avec des dirigeants controversés… L’helvète a beau avoir des résultats sportifs, son style personnel divise de plus en plus.
Et cette affaire Trump pourrait bien être la goutte d’eau. Pas sûr qu’elle le fasse tomber, mais elle abîme sérieusement l’image d’une FIFA qui essayait de se racheter une vertu.
Et maintenant ?
La commission d’éthique a confirmé avoir reçu la plainte. Prochaine étape : l’ouverture ou non d’une enquête formelle. Si enquête il y a, elle pourrait durer des mois. Voire plus.
En attendant, le malaise est palpable. Certains présidents de fédérations commencent à murmurer dans les couloirs. Les sponsors regardent avec inquiétude. Et les supporters, eux, se demandent pourquoi on parle plus de politique que de foot à six mois du plus grand événement sportif de la planète.
Une chose est sûre : cette histoire n’est pas prête de s’éteindre. Et quelque part, c’est peut-être tant mieux. Parce que le football a besoin qu’on lui rappelle de temps en temps qu’il n’appartient ni à un homme, ni à un président, ni à un pays. Il appartient au monde entier.
Et le monde entier mérite mieux qu’un prix de la paix distribué comme un gadget marketing.
Affaire à suivre, évidemment. Très étroitement.
