Vous êtes-vous déjà retrouvé bloqué sur une petite route de campagne, les essuie-glaces à fond, et cette sensation que la pluie ne s’arrêtera jamais ? Ce week-end, dans le sud-est de la France, des milliers d’habitants ont vécu bien pire que ça.
L’eau est tombée avec une violence rare, transformant des ruisseaux tranquilles en torrents furieux et des rues en rivières impraticables. Et surtout, un homme de 74 ans manque toujours à l’appel. Voilà le bilan brutal d’un épisode météo qui, sur le papier, ressemblait à « juste » un gros coup de pluie.
Un week-end sous l’eau dans trois départements
Quand on parle de plus de 200 litres au mètre carré en trois jours, on ne parle plus vraiment de pluie. On parle d’un déluge. L’Ardèche, la Drôme et l’Isère ont été les plus touchées, au point d’être placées en vigilance orange pluie-inondation dès samedi.
Et franchement, les chiffres donnent le vertige. Dans certaines communes ardéchoises comme La Souche ou Barnas, on a relevé localement l’équivalent d’une baignoire et demie d’eau par mètre carré. En 72 heures. Autant dire que la terre n’a même pas eu le temps d’absorber la première vague que la suivante arrivait déjà.
Le drame humain derrière les cumuls
Dimanche après-midi, à Saint-Vincent-de-Barrès, un retraité de 74 ans a été emporté par les eaux du Rieutord alors qu’il se trouvait près de la rivière. Les secours l’ont cherché toute la nuit, puis repris dès l’aube lundi. À l’heure où j’écris ces lignes, il reste introuvable.
C’est le genre d’histoire qui vous glace le sang. Parce qu’on se dit que ça pourrait arriver à n’importe qui : un grand-père qui regarde le niveau monter, qui pense avoir le temps de passer… et puis non.
On sous-estime souvent la puissance de l’eau quand elle décide de tout emporter sur son passage.
Des rivières sorties de leur lit en quelques heures
L’Ouvèze, cette rivière qu’on traverse sans même y penser d’habitude, a soudainement montré les dents. À Saint-Julien-en-Saint-Alban, le débit était impressionnant, presque effrayant. Un peu plus bas, à Saint-Lager-Bressac, les rues se sont retrouvées les pieds dans l’eau en un rien de temps.
Dans la Drôme, même scénario à Clérieux : des images montrent des voitures à moitié submergées, des habitants qui regardent, impuissants, l’eau monter devant leur porte. À Valence, les axes périphériques ont été coupés, transformant la préfecture en île.
- Saint-Julien-en-Saint-Alban : l’Ouvèze en crue impressionnante
- Saint-Lager-Bressac : inondations locales rapides
- Clérieux : rues totalement impraticables
- Allex et les environs : coulées de boue sur les routes départementales
- Gras à Valence : axe particulièrement touché avec 80 à 150 mm en 12 heures
Pourquoi ça a débordé aussi vite ?
Les spécialistes parlent d’un épisode cévenol classique, mais avec des intensités qu’on voit de plus en plus souvent. Les sols étaient déjà humides après octobre et début novembre, donc l’eau n’a plus eu nowhere to go, comme disent les Anglais. Elle a ruisselé directement vers les cours d’eau.
Ajoutez à ça le relief : les Cévennes ardéchoises, c’est la machine parfaite pour concentrer les précipitations. L’air chaud et humide venu de la Méditerranée rencontre les reliefs, monte, se refroidit, et tout tombe d’un coup. Résultat : des lames d’eau énormes sur des bassins versants très réactifs.
J’ai discuté avec un riverain de l’Ardèche qui m’expliquait que, chez lui, la rivière est passée de 50 cm à plus de 3 mètres en moins de quatre heures. Quatre heures. C’est le temps d’un film.
Les images qui marquent
Si vous avez scrollé les réseaux ce week-end, vous êtes forcément tombés sur ces vidéos : un camping submergé en quelques minutes, un pont emporté comme un jouet, des pompiers qui évacuent des habitants en zodiac… C’est presque irréel.
À Saint-Cézaire-sur-Siagne, même les Alpes-Maritimes, pourtant plus au sud, ont pris leur part avec des orages stationnaires qui ont lâché des trombes d’eau. Le genre de pluie où on ne voit plus rien à deux mètres.
Et maintenant, on respire… un peu
Depuis lundi matin, la pluie a enfin décidé de lever le pied. Les niveaux redescendent doucement, même si certaines rivières restent en vigilance. Les départements ne sont plus en orange, mais la prudence reste de mise.
D’après les prévisions, la semaine devrait être globalement calme dans le secteur, avec juste une perturbation sans excès mercredi soir-jeudi matin. Par contre, attention : les modèles voient déjà un nouveau coup de pluie plus costaud pour le week-end prochain. Espérons qu’il sera moins violent.
Ce que ça nous dit, encore une fois
On le répète souvent, mais ces épisodes deviennent presque la norme en automne dans le sud-est. Ce qui était exceptionnel il y a vingt ans arrive désormais tous les deux-trois ans, parfois plus souvent. Et à chaque fois, on se retrouve à compter les dégâts et à espérer qu’il n’y aura pas de victime.
Peut-être que l’aspect le plus inquiétant, c’est cette impression que même quand on est prévenu, même quand tout le monde est en alerte, la nature reste plus forte. Les digues, les bassins de rétention, les plans de prévention… tout ça aide, mais quand il tombe 200 mm en trois jours, il y a une limite.
La vigilance orange, c’est bien. Mais quand l’eau arrive aussi vite, il reste parfois très peu de marge pour réagir.
– Un pompier ardéchois, épuisé après 48h non-stop
En attendant, les habitants nettoient, pompent l’eau des caves, comptent les pertes. Et croisent les doigts pour que le prochain épisode soit moins brutal.
Parce que oui, il y en aura un prochain. La seule question, c’est quand… et jusqu’où.
(Article mis à jour le 17 novembre 2025 – 10h30)
