Vous êtes parent, vous déposez votre enfant à la sortie scolaire en toute confiance. Direction la piscine municipale, un grand bassin lumineux, des rires, des éclaboussures. Et puis, en quelques minutes seulement, tout bascule. Nausées, vomissements, yeux qui piquent… Ce scénario, c’est exactement ce qui s’est produit ce mardi matin à Nîmes. Et franchement, ça fait froid dans le dos.
Un matin qui commence comme les autres… et finit en urgence absolue
Il est un peu plus de 9 heures. Plusieurs classes d’écoles primaires du Gard profitent d’une séance de natation au stade nautique Nemausa, une infrastructure récente et plutôt bien réputée dans la région. Les enfants barbotent, les professeurs surveillent, les maîtres-nageurs font leur ronde habituelle. Rien, absolument rien ne laissait présager le drame.
Puis, d’un coup, les premiers signes. Un enfant tousse, un autre se plaint que « ça pique dans la gorge ». En quelques minutes, c’est la débandade. Une soixantaine de petits, âgés de 6 à 11 ans environ, sont pris de malaises simultanés. Vomissements, nausées, irritations oculaires… Le personnel comprend immédiatement que quelque chose cloche gravement avec l’air ou l’eau.
La décision est prise en quelques secondes : évacuation totale du bassin et des gradins. 68 personnes – enfants et accompagnateurs – sont sorties en urgence. Les pompiers arrivent en nombre, le préfet active le plan Orsec « nombreuses victimes ». Autant dire que l’on passe directement au niveau maximal d’alerte.
Le chlore, ce produit indispensable… mais redoutable
On a tous déjà senti cette odeur caractéristique en entrant dans une piscine couverte. Ce petit picotement dans le nez, c’est le chlore. Indispensable pour tuer bactéries et virus, il devient dangereux dès que les doses dérapent ou que la ventilation ne suit plus.
Dans les faits, deux phénomènes peuvent transformer ce désinfectant en poison :
- Un sur-dosage accidentel lors du traitement automatique de l’eau (ça arrive plus souvent qu’on ne le croit)
- Une mauvaise réaction chimique quand des produits incompatibles sont mélangés ou quand l’acidité de l’eau (le fameux pH) n’est pas correctement régulée
Le résultat ? Des chloramines se forment – ces composés irritants qui brûlent les yeux, la gorge et les poumons. Et quand la ventilation est insuffisante, comme c’est souvent le cas dans les grands halls fermés, la concentration grimpe très vite. En quelques minutes, l’air devient irrespirable pour les plus fragiles : les enfants.
« Les secours sont arrivés très rapidement sur place. Apparemment, il n’y a pas de cas grave. Chaque enfant sera vu par les services de secours. »
Un responsable éducatif présent sur place
Une mobilisation impressionnante et, surtout, rassurante
Quand on entend « plan Orsec nombreuses victimes », on imagine le pire. Pourtant, dans ce cas précis, c’est surtout la preuve que le système français fonctionne. En moins de trente minutes, le site était entouré :
- Plusieurs dizaines de pompiers
- Équipes du SAMU avec médecins
- Cellule médico-psychologique (parce que voir ses copains vomir partout, ça marque un enfant)
- Et même des renforts venus des départements voisins
À la mi-journée, le premier bilan était plutôt rassurant : aucun enfant n’a dû être transporté en réanimation. La plupart ont été examinés sur place, oxygénés, rincés abondamment les yeux et la peau, puis rendus à leurs parents après contrôle. Un énorme soulagement.
Mais la question que tout le monde se pose reste entière : comment une piscine aussi moderne a-t-elle pu laisser une telle concentration de produits toxiques s’accumuler ?
Ces incidents qui se répètent un peu trop souvent
Si l’épisode de Nîmes a pris une ampleur particulière à cause du nombre d’enfants touchés, il faut bien reconnaître que ces intoxications au chlore ne sont pas si rares. Rien qu’en France, on en recense plusieurs par an, parfois dans des équipements flambant neufs.
J’ai en mémoire celui de la piscine de Dunkirk en 2021, ou encore celui de Saint-Nazaire où plus de 80 personnes avaient été incommodées. À chaque fois, même scénario : un pic soudain de chloramines, une ventilation qui peine à suivre, et des enfants en première ligne.
Le plus inquiétant ? Ces accidents arrivent souvent après un week-end ou une période de forte affluence, quand les agents augmentent les doses de désinfectant pour « rattraper » la qualité de l’eau. Un cercle vicieux.
Et demain ? Faut-il avoir peur d’emmener ses enfants à la piscine ?
Non, bien sûr que non. La natation reste l’un des sports les plus sûrs et les plus bénéfiques pour les petits. Mais cet incident nous rappelle quelques vérités qu’on a parfois tendance à oublier :
- Une piscine, même moderne, n’est jamais à l’abri d’une erreur humaine ou technique
- Les capteurs de qualité d’air et d’eau doivent être contrôlés plusieurs fois par jour, pas seulement le matin
- La formation du personnel à la reconnaissance des chloramines est cruciale (beaucoup ne savent pas que l’odeur forte = danger, et non « c’est normal »)
- Enfin, la ventilation reste le parent pauvre de beaucoup d’équipements : on investit dans les carrelages design, moins dans les systèmes d’extraction d’air
En attendant les conclusions de l’enquête – qui détermineront si c’est une erreur de dosage, un dysfonctionnement technique ou les deux – une chose est sûre : les parents du Gard ont vécu une matinée cauchemardesque. Et nous, on se dit que ça pourrait arriver n’importe où, n’importe quand.
Alors la prochaine fois que vous sentirez cette odeur un peu trop forte en bord de bassin, faites confiance à votre nez. Et si jamais ça pique vraiment trop… peut-être qu’il vaut mieux sortir cinq minutes, le temps que l’air se renouvelle.
Parce que oui, la piscine, c’est le bonheur. Mais seulement quand elle reste un endroit sûr.
(Article mis à jour en continu selon l’évolution de la situation – aucun pronostic vital engagé à ce stade)
