Vous est-il déjà arrivé de regarder un match de foot et de vous dire, l’espace d’une seconde, que tout pouvait basculer ? Pas à cause d’un but refusé ou d’une expulsion, non. À cause d’un geste complètement fou, venu des tribunes. Le 5 décembre dernier, au stade Armand-Cesari de Furiani, c’est exactement ce qui s’est produit.
Le Sporting Club de Bastia recevait le Red Star pour le compte de la 16e journée de Ligue 2. Le club corse fêtait ses 120 ans, l’ambiance était bouillante, le score encore vierge à la 56e minute. Et puis, d’un coup, un fumigène allumé traverse le ciel du stade et vient frapper le bras de Bradley Danger, défenseur audonien. Le match s’arrête net. Définitivement.
Un geste qui change tout
Je me souviens encore des images. Elles ont tourné en boucle. On voit le projectile incandescent quitter la tribune Est – celle des supporters les plus chauds – tracer sa courbe rougeoyante et percuter le joueur. Danger reste sonné quelques secondes, le bras marqué, avant que l’arbitre ne prenne la seule décision possible : arrêter la rencontre.
Ce soir-là, personne n’imaginait que sept jours plus tard, un homme de trentaine d’années serait en détention provisoire à la maison d’arrêt de Borgo, en attente d’un procès en comparution immédiate.
De l’interpellation aux menottes
L’enquête a été rondement menée. Les vidéos de surveillance, les témoignages, les images des téléphones portables… tout a permis d’identifier rapidement le lanceur présumé. Placé en garde à vue dès le début de semaine, il a été présenté à un juge qui a décidé de le placer en détention provisoire dans la foulée.
Le chef d’inculpation est lourd : violences volontaires avec arme par destination. Oui, un fumigène peut être considéré comme une arme quand il est utilisé ainsi. Et le parquet de Bastia ne rigole pas avec ça.
« Un geste complètement inconscient d’un spectateur »
Le club bastiais, le soir même des faits
Le Sporting avait réagi immédiatement, promettant de tout faire pour identifier l’auteur et de prendre « toutes les mesures qui s’imposent ». Promesse tenue, visiblement.
Lundi, le tribunal correctionnel
Le procès est fixé à lundi. Comparution immédiate. Autant dire que l’affaire ne va pas traîner. L’homme risque gros : jusqu’à trois ans de prison et 45 000 € d’amende pour des violences avec arme sans incapacité totale de travail, et la peine peut grimper si le juge estime que l’intention de nuire était claire.
Et puis il y a les interdictions de stade, quasi systématiques dans ce genre de dossiers. Peut-être même une inscription au fichier des interdits de stade. Sa vie de supporter, si c’en était un, risque de prendre un sérieux coup.
Et le match dans tout ça ?
La commission de discipline de la Ligue s’est réunie mercredi soir. Le dossier est en instruction, décision attendue le 22 décembre. Plusieurs scénarios possibles :
- Match à rejouer à huis clos (le plus probable)
- Victoire forfait 3-0 pour le Red Star
- Retrait de points pour Bastia
- Sanctions financières lourdes
- Huis clos total ou partiel pour plusieurs rencontres
Franchement, peu de chance que Bastia s’en sorte avec une simple tape sur les doigts. Ces dernières années, la tolérance est proche de zéro sur l’usage des engins pyrotechniques quand ça met en danger les joueurs.
La pyrotechnie, ce débat sans fin
On va me dire : « Oui mais en Corse, les fumigènes font partie du folklore. » Je comprends l’argument. L’ambiance à Furiani, c’est quelque chose d’unique. Ces nuages de fumée bleue, ces chants qui font trembler les travées, c’est une identité.
Mais il y a une ligne rouge. Et cette ligne, elle a été franchie le 5 décembre. Quand un objet, aussi « symbolique » soit-il, quitte les tribunes pour atterrir sur un joueur, on n’est plus dans le folklore. On est dans le délit.
Et le pire, c’est que ce n’est pas la première fois. On se souvient du pétard qui avait explosé aux pieds d’un gardien il y a quelques années, des matches interrompus à Lyon, à Saint-Étienne, à Marseille… La liste est longue.
Bradley Danger, la vraie victime
On parle beaucoup du lanceur, du club, des sanctions. Mais on oublie parfois le joueur au bout de la chaîne. Bradley Danger, 27 ans, défenseur expérimenté, a pris ce fumigène en plein bras. Heureusement, pas de fracture, pas de brûlure grave. Mais le choc psychologique, lui, est bien réel.
Se faire viser en plein match, entendre le sifflement, sentir l’impact… Ce n’est pas anodin. Certains joueurs ne s’en remettent jamais complètement. Et puis il y a cette image : un mec qui fait juste son boulot, qui défend son maillot, et qui se retrouve à terre à cause d’un imbécile dans la foule.
Une passion qui fait mal
Le football français vit avec cette épée de Damoclès en permanence. On adore l’ambiance, les tifos magnifiques, les chants à vous donner des frissons. Mais on sait tous que ça peut déraper en une seconde.
Et le plus triste, c’est que ce sont souvent les clubs eux-mêmes qui en payent le prix. Le Sporting, déjà sous pression sportive, risque de commencer 2026 avec des matches à huis clos, des amendes, peut-être des points en moins. Tout ça pour le geste d’un seul homme.
Je ne jette la pierre à personne. Être supporter, c’est une passion dévorante. Mais il y a des limites. Et quand on les franchit, il faut assumer.
Et maintenant ?
Lundi, le tribunal rendra sa décision. Probablement une peine de prison avec sursis, une grosse amende, une interdiction de stade longue durée. Et puis la Ligue tranchera à son tour.
Mais au-delà du cas individuel, c’est tout le football français qui doit se poser des questions. Faut-il aller vers des stades 100 % sans pyrotechnie ? Autoriser des zones encadrées comme en Allemagne ? Renforcer les fouilles, les caméras, les stewarts ?
Une chose est sûre : tant que des joueurs seront visés, tant que des matches seront arrêtés pour ça, la fête sera gâchée pour tout le monde.
Le football reste le plus beau sport du monde. Mais parfois, il fait mal. Très mal.
(Article mis à jour le 12 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
