Il y a des affaires qui vous collent à la peau. Des histoires qu’on préférerait ne jamais avoir à raconter. Celle-ci en fait partie. Un gamin de 19 ans, venu de région parisienne pour faire le « jobber » dans le sud, retrouvé ligoté, criblé de balles et brûlé vif au milieu de la garrigue. Et le pire ? Tout a été filmé, comme un trophée macabre.
Une barbarie qui dépasse l’entendement
On est le 14 juillet 2025. Des promeneurs tombent, par hasard, sur un corps en partie carbonisé près de Saint-Bénézet, une petite commune perdue entre Nîmes et Alès. Le spectacle est insoutenable. La victime est attachée avec un câble qui part de l’entrejambe jusqu’au sac en bandoulière – elle a clairement été traînée sur le chemin comme un animal. Autour, six douilles de 9 mm, un briquet, une carte bancaire. Les enquêteurs comprennent immédiatement qu’ils ont affaire à une exécution.
Les empreintes digitales parlent vite : le jeune homme vient de Seine-Saint-Denis. À peine sorti de l’adolescence, il était descendu dans le Gard pour travailler dans le trafic de stupéfiants. On l’appelle un jobber dans le jargon : petite main, guetteur, transporteur de go-fast, tout ce qu’on veut tant que ça rapporte vite. Sauf que dans son cas, ça s’est terminé dans les flammes.
Les vidéos qui ont choqué même les policiers aguerris
Pendant que les techniciens de la police scientifique ratissent la scène de crime, une autre alerte tombe : des vidéos circulent sur les messageries cryptées. Deux clips. Le premier montre le gamin assis par terre, ligoté avec du gros scotch gris, bâillonné, les yeux écarquillés de terreur. Il fait nuit noire. Une voix hors champ lui parle calmement, presque gentiment. Puis trois coups de feu. Tête et torse. Il s’effondre.
Le deuxième extrait est encore plus insoutenable. On voit le corps inerte aspergé d’essence ou d’un autre liquide inflammable. Une main allume un briquet. Les flammes montent instantanément. La caméra zoome presque avec satisfaction sur le brasier. Aucun visage de bourreau n’apparaît jamais. Juste cette mise en scène froide, méthodique, presque professionnelle.
« Ce genre de vidéos, ce n’est plus seulement un meurtre. C’est un message. Une démonstration de pouvoir destinée à terroriser les équipes adverses et à recruter les plus fous. »
– Un enquêteur spécialisé dans le narcobanditisme
Cinq mois d’enquête pour démanteler l’équipe logistique
L’enquête est confiée à la police judiciaire de Nîmes, renforcée par l’Office antistupéfiants. Très vite, les enquêteurs comprennent qu’ils ont affaire à un règlement de comptes dans la guerre que se livrent deux réseaux importants dans le Gard. Depuis plusieurs années, la région est devenue un terrain d’affrontements violents entre équipes de Nîmes, de Marseille et même de région parisienne.
Et puis, ce lundi 9 décembre 2025, le coup de filet. Huit interpellations simultanées : sept à Nîmes et dans l’agglomération, la huitième dans les Yvelines. Tous sont soupçonnés d’appartenir à ce qu’on appelle l’équipe logistique – autrement dit les exécutants de terrain : ceux qui enlèvent, qui torturent, qui filment, qui brûlent. Pas forcément les commanditaires, mais ceux qui salissent leurs mains.
D’après les informations qui filtrent, certains des suspects étaient déjà connus des services de police pour des faits de violence ou de trafic. L’un d’eux aurait même été repéré sur des écoutes téléphoniques quelques semaines avant le meurtre. Rien d’étonnant : dans ce milieu, les « logisticiens » sont souvent les plus exposés et, paradoxalement, les moins protégés.
Le narcobanditisme change de visage en France
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la sauvagerie assumée. On n’est plus dans le simple « tir de kalach dans les jambes » pour punir un vol de stup. Là, on filme, on met en scène, on brûle vif. C’est une escalade terrifiante qui rappelle les méthodes des cartels mexicains ou colombiens des années 90.
Et le phénomène n’est pas isolé. On se souvient de la tête décapitée retrouvée à Marseille il y a deux ans, des corps dissous dans l’acide à Grenoble, des jeunes torturés pendant des heures à Lyon pour un prétendu vol de marchandise. Partout en France, la génération DZ (ceux nés après 2000) semble avoir intégré que la violence extrême est devenue la norme pour s’imposer dans le trafic.
- Recrutement dès 14-15 ans sur Snapchat et TikTok
- Salaire mensuel moyen d’un guetteur : 2000 à 4000 € nets
- Armes de guerre accessibles en quelques clics sur Telegram
- Absence totale d’empathie : la victime est déshumanisée avant même d’être tuée
Le plus effrayant ? Beaucoup de ces jeunes tueurs n’ont même pas 20 ans. Ils grandissent dans un monde où voir un corps brûler sur une vidéo n’émeut plus personne.
Pourquoi brûler le corps ? La réponse est glaçante
L’immolation n’est pas seulement une signature macabre. C’est une stratégie. Le feu détruit l’ADN, complique l’identification, efface les traces de torture. Et surtout, il terrorise. Quand la vidéo tourne en boucle dans les cités, tout le monde comprend le message : « Voilà ce qui arrive quand on nous trahit ».
Dans le cas du jeune homme de Seine-Saint-Denis, plusieurs hypothèses circulent : vol de marchandise, dette non remboursée, tentative de changement d’équipe, ou simple exemple pour les autres jobbers. Peu importe la raison exacte. Le résultat est le même : un gamin mort dans d’atroces souffrances pour quelques kilos de résine ou de cocaïne.
Et maintenant ?
Les huit suspects sont actuellement en garde à vue. Les enquêteurs espèrent qu’au moins certains parleront – même si dans ce milieu, la loi du silence reste la règle numéro un. Reste à savoir si ce coup de filet permettra de remonter jusqu’aux commanditaires, ceux qui, bien à l’abri dans leurs villas, appuient sur la gâchette par procuration.
Parce que c’est ça le vrai drame : tant que la demande de drogue restera aussi forte en France, tant que des adolescents verront dans le trafic le seul ascenseur social possible, ces horreurs se reproduiront. Sous d’autres cieux, avec d’autres victimes.
Et nous, on continuera à tomber des nues à chaque nouvelle vidéo. Comme si on découvrait seulement aujourd’hui que le monstre était déjà là, tapi dans l’ombre de nos cités.
Parfois, le rôle du journaliste, c’est juste de dire les choses. Même quand elles font mal. Même quand on préférer fermer les yeux. Parce que ce gamin de 19 ans, il aurait pu être le petit frère de n’importe qui. Et demain, ce sera peut-être le cas.
