Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez poussé la porte d’un vidéoclub ? Cette odeur de plastique neuf, les néons qui bourdonnent doucement, les jaquettes qui vous font de l’œil depuis les étagères interminables… Moi oui. Et j’avoue que, comme beaucoup, j’avais presque oublié que ça existait encore.
Puis, il y a quelques semaines, une nouvelle m’a fait l’effet d’un électrochoc : l’un des tout derniers vrais vidéoclubs de Paris était sur le point de mettre la clé sous la porte. Pas n’importe lequel. Celui où des stars mondiales viennent encore parler de leurs films préférés devant une caméra. Celui qui résiste depuis les années 80. Et surtout, celui qui vient d’être sauvé in extremis grâce à nous tous.
Un sursis devenu renaissance
Fin novembre, la cagnotte lancée en septembre s’est close sur un chiffre qui donne le sourire : 42 115 euros. Pas mal pour un commerce de quartier que tout le monde croyait condamné.
Théo, le gérant, ne cachait pas son émotion quand il m’a confié que cette somme « offre de l’air, du temps, et surtout la possibilité de reconstituer un catalogue qui s’étiolait doucement ». Parce que oui, même quand on aime le cinéma, on finit par ne plus racheter les pépites quand les factures s’accumulent.
« Septembre et octobre ont été les meilleurs mois depuis au moins dix ans »
Théo Bancilhon, gérant de JM Vidéo
Et là, je me suis dit : attends, c’est pas juste une histoire de survie. C’est carrément une renaissance.
Quand les stars deviennent des ambassadeurs malgré elles
Revenons un peu en arrière. Depuis 2018, une émission YouTube ultra-populaire tourne régulièrement dans la boutique. Des acteurs et réalisateurs du monde entier s’y succèdent pour présenter leurs films cultes. Résultat ? L’endroit est devenu un lieu de pèlerinage discret pour les cinéphiles.
Mais le glamour ne paie pas le loyer. Piratage, plateformes de streaming, changement d’habitudes… Le cocktail fatal a failli avoir raison de la petite enseigne jaune de l’avenue Parmentier. Jusqu’à ce que l’appel aux dons transforme la menace en opportunité.
Le retour inattendu des jeunes
Ce qui m’a le plus marqué ? L’arrivée massive d’une clientèle qu’on n’attendait plus : les moins de trente ans.
Ceux-là mêmes qui ont grandi avec Netflix et qui, pourtant, se mettent à fouiller les bacs à la recherche de raretés introuvables en ligne. Des éditions collector, des versions non censurées, des films tombés dans le domaine public que personne ne streame plus…
- Ils viennent pour le toucher du boîtier
- Pour le plaisir de choisir à plusieurs
- Pour l’effet surprise de tomber sur un film dont ils n’avaient jamais entendu parler
- Et parfois, soyons honnêtes, pour l’esthétique « vieux Paris » qui fait un carton sur les réseaux
Théo le dit lui-même : « On n’est pas que dans la nostalgie. Il y a quelque chose de progressiste là-dedans. » Et je suis plutôt d’accord.
Pourquoi le physique résiste encore (et résiste mieux)
On nous a vendu la dématérialisation comme le futur radieux. Et pourtant…
Les plateformes suppriment des films du jour au lendemain. Les algorithmes nous enferment dans des bulles. Les jaquettes disparaissent au profit de vignettes minuscules. Et surtout, on ne possède plus rien.
Un DVD, lui, on l’achète ou on le loue, mais il reste là. Physiquement. On peut le prêter, le revendre, le graver dans notre mémoire avec le ticket de location qui dépasse encore du boîtier dix ans après.
C’est con, dit comme ça. Mais c’est puissant.
Vers un modèle hybride pérenne ?
Aujourd’hui, l’équipe discute avec des exploitants de salles, des producteurs, réalisateurs. L’idée ? Créer des événements réguliers, des avant-premières physiques, des cartes d’abonnement couplées à des projections, des soirées thématiques…
Bref, transformer le vidéoclub en véritable lieu de vie cinéphile. Pas juste un commerce, mais un tiers-lieu culturel.
Et quand Théo dit « J’ai l’impression qu’on est plus armés que jamais pour être encore là dans quinze ans », on a envie de le croire.
Et nous, on peut faire quoi ?
Simple :
- Aller louer un film un soir de semaine (même si on a déjà mille abonnements)
- Parler de l’endroit autour de soi
- Poster une photo de notre butin du soir (le hashtag #SauvonsLesVidéoclubs commence à prendre, paraît-il)
- Et surtout, réaliser qu’on a encore le pouvoir de sauver des bouts de notre culture quand on s’y met tous
Parce qu’en définitive, cette histoire n’est pas seulement celle d’un commerce qui survit. C’est celle d’une communauté qui refuse de laisser disparaître ce qu’elle aime.
Et franchement ? Dans le monde aseptisé qu’on nous prépare, ça fait un bien fou.
Alors la prochaine fois que vous passerez avenue Parmentier, poussez la porte. Prenez un film au hasard. Discutez cinq minutes avec Théo. Vous verrez : il y a des endroits qui méritent qu’on se batte pour eux.
Et parfois, on gagne.
