Vous savez ce qui me fait toujours sourire – ou plutôt grincer des dents – quand on parle des Jeux olympiques d’hiver ? On nous vend du rêve blanc, des sommets immaculés, des athlètes qui glissent dans la poudreuse avec le sourire Ultra-HD. Et derrière, c’est souvent un sacré bazar politique et humain. Les JO Alpes 2030, qui semblaient pourtant bien partis après la désignation française, viennent d’en prendre un sérieux coup avec une nouvelle qui tombe comme une avalanche : la directrice des opérations quitte le navire. Et pas pour aller profiter de la retraite anticipée au soleil.
Une démission qui révèle une crise bien plus profonde
Elle s’appelle Anne Murac. Si ce nom ne vous dit peut-être rien, son CV, lui, parle tout seul : plus de vingt-cinq ans dans l’organisation de méga-événements sportifs, dont six années cruciales au cœur de Paris 2024 où elle gérait l’ensemble du cluster Île-de-France. Autant dire une pointure. Recrutée en grande pompe il y a cinq mois pour structurer enfin les Alpes 2030, elle devait être la cheville ouvrière qui transforme un dossier politique en machine opérationnelle. Raté.
Selon les informations qui circulent dans les couloirs du comité d’organisation, elle a purement et simplement jeté l’éponge. Motif ? Des désaccords profonds et irréconciliables avec la gouvernance actuelle. Et quand on gratte un peu, on comprend vite que le problème n’est pas technique… mais éminemment politique.
Quand les élus locaux font la loi sur les sites olympiques
Le cœur du conflit ? La fameuse carte des sites. On nous l’annonce, on nous la tease, on nous la promet… mais elle reste toujours dans les tiroirs. Pourquoi ? Parce que chaque territoire veut sa part du gâteau olympique, et tant pis si ça n’a parfois aucun sens sportif.
Val d’Isère, station mythique, se bat bec et ongles. Nice, qui rêve d’accueillir des épreuves sur glace alors qu’elle est à 800 km des montagnes, fait pression. Briançon, La Plagne, Courchevel, Les Menuires… tout le monde veut être dans le livre d’or. Résultat : des courses : cinq mois après le début officiel de l’organisation, on n’a toujours pas de plan définitif validé par le CIO.
Et là où ça devient carrément ubuesque, c’est la nomination des quatre responsables de clusters (les fameux « clusters » Savoie, Haute-Savoie, Nice et Briançon). Normalement, la directrice des opérations – donc Anne Murac – aurait dû avoir voix au chapitre, voire le dernier mot. Eh bien non. Les quatre noms auraient été choisis directement par les élus locaux, puis validés en vitesse par le président du comité. Autant dire que la professionnelle expérimentée s’est retrouvée devant le fait accompli.
Quand la compétence technique passe après les arrangements politiciens, on sait déjà comment ça finit.
La goutte d’eau savoyarde
Juste pour en rajouter une couche, la semaine dernière, le conseil départemental de Savoie a annoncé qu’il suspendait jusqu’à nouvel ordre sa participation aux réunions de préparation. Rien que ça. Le département qui abrite les plus beaux domaines skiables de France, celui qui doit porter une grande partie des épreuves alpines, fait la grève du zèle. Officiellement, on parle de « besoin de clarifications ». En clair : on en a marre qu’on nous impose des décisions prises ailleurs.
Franchement, on commence à avoir l’habitude avec les JO français : dès qu’un grand projet national touche aux territoires, c’est la guerre des ego et des baronnies. Mais là, on parle des Jeux olympiques. Un événement regardé par des milliards de personnes. Et on se chamaille sur qui aura le plus beau logo sur son rond-point.
Un président sous pression
Edgar Grospiron, ancien champion olympique et président du comité d’organisation, se retrouve en première ligne. On lui avait vendu le poste comme une consécration : porter les Jeux dans ses chères montagnes. Aujourd’hui, il doit gérer une crise de gouvernance à peine cinq mois après la prise de fonctions officielles. Pas vraiment le scénario rêvé.
Est-ce qu’il a laissé trop de pouvoir aux élus ? A-t-il sous-estimé la complexité d’un projet qui mélange quatre départements, deux régions et des stations aux intérêts parfois divergents ? Toujours est-il que sa légitimité sportive ne suffit plus. Il faut maintenant prouver qu’il sait aussi gérer la politique avec un grand P.
Paris 2024 avait prévenu… personne n’a écouté
Ce qui me frappe, c’est qu’on reproduit exactement les erreurs que Paris 2024 avait réussi à éviter – ou du moins à limiter. À l’époque, on avait créé une structure où le politique fixait le cap, mais où les opérationnels avaient les mains libres sur l’exécution. Résultat : des Jeux salués dans le monde entier pour leur organisation.
Là, on dirait qu’on a oublié la leçon. On a remis les élus au centre du réacteur, et on s’étonne que ça chauffe. J’ai presque envie de dire : mais qui pouvait sérieusement croire que ça allait bien se passer ?
- Une directrice des opérations qui part au bout de cinq mois
- Une carte des sites toujours pas validée
- li>Des responsables de clusters nommés en coulisse politique
- Un département clé qui claque la porte des réunions
- Une visite du CIO la semaine dernière… en plein psychodrame
Si c’est un peu le cocktail parfait pour un fiasco annoncé.
Et maintenant ?
La démission d’Anne Murac devrait être officialisée dans les prochaines heures. Ensuite ? On peut s’attendre à une valse des communiqués lénifiants : « départ à l’amiable », « nouveau défi professionnel », « remerciements pour le travail accompli »… La routine.
Mais sur le fond, le problème reste entier. Qui va reprendre le poste ? Une autre pointure qui acceptera de travailler les mains liées ? Ou un profil plus… docile ? Et surtout, est-ce que le CIO va continuer à regarder ce bazar avec le sourire poli habituel, ou va-t-il commencer à sérieusement s’inquiéter ?
Parce que rappelons-le : on n’est pas sur un championnat régional de pétanque. On parle d’un événement qui engage la France pour les dix prochaines années, avec un budget de plusieurs milliards, et une réputation internationale. Si on rate les Alpes 2030, ce n’est pas juste une médaille de moins en ski alpin. C’est tout l’héritage de Paris 2024 qui risque d’être terni.
Mon sentiment personnel
Je vais être honnête : je suis partagé. D’un côté, j’adore les Jeux d’hiver. J’ai grandi en regardant Jean-Claude Killy et les sœurs Goitschel à la télé en noir et blanc. L’idée de revoir les Alpes françaises au centre du monde sportif me fait vibrer.
Mais de l’autre… je commence à en avoir ras la casquette de voir chaque grand projet français se transformer en guerre de tranchées politiques. On a prouvé avec Paris 2024 qu’on savait faire quand on mettait les egos de côté. Alors pourquoi, cinq ans plus tard, on retombe dans les mêmes travers ?
Les Alpes 2030 peuvent encore être une magnifique fête du sport d’hiver. Mais pour ça, il va falloir que tout le monde redescende de son télésiège ego et se mette enfin au travail. Vraiment au travail. Parce que le chrono est lancé, et il reste moins de cinq ans, et pour l’instant, on a surtout l’impression que la luge part à l’envers.
Et vous, vous y croyez encore, vous, aux JO Alpes 2030 version miracle ? Ou vous pensez qu’on court tout droit vers un nouveau psychodrame à la française ? Dites-moi tout en commentaire, je suis curieux d’avoir votre avis.
