Vous est-il déjà arrivé de voir une vidéo où un homme politique se fait lancer quelque chose dessus et de vous demander : « Mais qu’est-ce qui pousse quelqu’un à faire ça ? » Samedi à Moissac, petite ville tranquille du Tarn-et-Garonne, Jordan Bardella dédicaçait son livre quand, hop, un œuf s’est écrasé sur sa tête. L’image a tourné en boucle. Mais derrière le geste spectaculaire se cache une histoire bien plus lourde, presque tragique.
Un geste qui n’est pas sorti de nulle part
Le suspect s’appelle Jean M., il a 74 ans et c’est un ancien agriculteur du coin. Retraité, cheveux blancs, allure de grand-père qu’on croise au marché. Rien, à première vue, ne laisse deviner qu’il est capable de franchir la ligne. Et pourtant, ce n’est pas la première fois.
En 2022, pendant la campagne présidentielle, il avait déjà jeté un œuf sur Éric Zemmour, toujours à Moissac. À l’époque, il avait expliqué aux gendarmes qu’il ne supportait pas les propos du candidat sur les enfants handicapés. Son fils est autiste profond, ne parle pas, a besoin d’une prise en charge quotidienne très lourde. Pour Jean M., certaines phrases politiques ne sont pas que des mots : elles touchent directement sa vie.
« J’ai un enfant qui est autiste profond, il ne parle pas du tout. C’est très dur au quotidien »
Jean M., en 2022
Il avait écopé d’une simple amende avec sursis. Pas de quoi le calmer, visiblement. Quelques semaines plus tard, il avait aussi visé le bus de campagne de Marine Le Pen. Cette fois-là, pas de poursuites : l’œuf n’avait rien abîmé. On avait presque oublié l’histoire… jusqu’à samedi.
Que s’est-il passé exactement à Moissac ?
Le président du Rassemblement National était en dédicace pour son livre Ce que veulent les Français<>. File d’attente, selfies, ambiance bon enfant. Jean M. s’approche, tend un livre… et écrase l’œuf sur le crâne de Jordan Bardella. Certains parlent d’un « coup de poing avec œuf », d’autres d’un simple écrasement. Toujours est-il que le jeune leader se retrouve avec du jaune qui coule dans le cou.
Intervention rapide des gendarmes, interpellation, garde à vue pour « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Sa femme a été entendue dimanche matin. Plainte déposée par Bardella et par le parti. L’enquête dira si l’homme agissait seul ou s’il était venu avec des opposants.
Ce qui frappe, c’est la sérénité apparente du retraité sur les images. Pas de cris, pas d’insultes. Juste un geste posé, presque ritualisé. Comme s’il accomplissait une mission.
L’autisme, le déclencheur intime
Quand on creuse un peu, tout ramène à son fils. L’autisme profond est une réalité écrasante pour les familles. Peu ou pas de langage, dépendance totale parfois, fatigue permanente des parents. Et puis il y a le débat sur l’inclusion scolaire qui revient sans cesse.
En janvier 2022, Éric Zemmour avait déclaré vouloir placer les enfants handicapés dans des établissements spécialisés plutôt qu’en classe ordinaire. La phrase avait fait bondir beaucoup de parents. Pour eux, c’était un retour en arrière de quarante ans. Jean M. avait pris ça comme une attaque personnelle. Il l’a dit clairement : il s’est senti insulté dans sa chair.
Le RN, de son côté, défend aussi une ligne plutôt favorable aux établissements spécialisés. Jordan Bardella n’a jamais caché qu’il trouvait l’inclusion « parfois contre-productive ». Des positions qui, dans certaines familles, passent très mal.
- Un père épuisé par trente ou quarante ans de combat quotidien
- Des phrases politiques perçues comme méprisantes
- Un sentiment d’impuissance face à l’indifférence générale
- L’œuf devient alors le seul moyen d’expression qui reste
Je ne justifie pas la violence, loin de là. Mais on comprend mieux le mécanisme. C’est presque un cri de détresse qui prend la forme d’un projectile.
La réponse politique immédiate
Chez les cadres RN, on crie à l’agression de l’extrême gauche. Jordan Bardella parle sur les réseaux d’une « violence » qui s’intensifie à mesure que le parti monte dans les sondages. Le parti met en scène la victimisation, c’est classique.
Mais dans les faits, rien ne prouve pour l’instant que Jean M. appartienne à un quelconque groupe antifasciste ou militant. Il semble plutôt agir seul, mû par une colère très personnelle. Ce qui gêne sans doute encore plus le RN : on ne peut pas le ranger facilement dans la case « gauchiste violent ».
D’un autre côté, certains opposants au RN minimisent : « C’est juste un œuf ». Sauf que légalement, c’est une violence, même légère. Et symboliquement, c’est une atteinte à la liberté d’expression d’un responsable politique. Le débat est sans fin.
Et maintenant ?
Jean M. risque cette fois une peine plus lourde. À 74 ans, avec un casier (même si c’est du sursis), les juges pourraient décider d’un signal fort. Maison d’arrêt ? Travail d’intérêt général ? L’avenir le dira.
Ce qui est sûr, c’est que l’histoire ne s’arrêtera pas là. Les associations de parents d’enfants autistes ont déjà commencé à réagir. Certaines condamnent le geste, d’autres disent comprendre la colère sans l’approuver. Sur les réseaux, le sujet divise profondément.
Personnellement, ce qui me frappe le plus, c’est la solitude de cet homme. Un retraité qui n’a trouvé que l’œuf pour se faire entendre. Ça pose la question de l’écoute des familles face au handicap lourd. On parle beaucoup d’inclusion, mais dans les faits, beaucoup de parents se sentent abandonnés.
Alors oui, jeter un œuf n’est pas la solution. Mais quand les mots ne portent plus, quand les pétitions restent lettres mortes, que reste-t-il ? Je n’ai pas la réponse. Mais cette histoire, au-delà du buzz, mérite qu’on s’y arrête cinq minutes.
Parce qu’au fond, derrière l’œuf cassé sur la tête d’un leader politique, il y a un père qui pleure son fils tous les jours. Et ça, ça ne se nettoie pas avec un mouchoir.
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