Imaginez un jeune talent de 23 ans, déjà troisième d’un grand Tour, qui claque la porte de son équipe en pleine course, accuse publiquement un management “dictatorial”, puis se retrouve quelques mois plus tard dans un environnement totalement opposé. C’est l’histoire récente de Juan Ayuso, ce prodige espagnol du peloton qui a choisi de tourner la page pour rejoindre une formation américaine. Et franchement, quand on écoute ses premières déclarations sous ses nouvelles couleurs, on sent un soulagement palpable, presque une renaissance.
Il y a quelques jours, lors d’un stage en Espagne, près de chez lui, il a enfin accepté de s’exprimer longuement. Et le message est clair : il avait besoin de se sentir soutenu, valorisé, au cœur d’un projet. Quelque chose qu’il dit ne pas avoir trouvé pleinement ailleurs. Ça fait réfléchir sur ce qu’il se passe parfois dans les grosses structures du cyclisme moderne, non ?
Un nouveau départ sous le signe de l’affection
L’intégration semble s’être passée comme sur des roulettes. Dès son arrivée, l’équipe l’a accueilli à bras ouverts. Et lui, il résume ça en une phrase qui en dit long :
« Ici, je me sens aimé, disons-le ainsi. »
Cette petite phrase, lâchée avec un sourire, résume tout. Ce n’était pas juste une question de contrat ou de salaire – même si ça joue toujours – mais bien d’ambiance humaine. Il avoue avoir eu besoin de ça. Besoin de sentir que l’équipe était contente de le voir arriver, que son potentiel était reconnu sans pression toxique.
Et quand on lui demande si ce sentiment d’être aimé lui manquait avant, il rit un peu et répond oui, clairement. Ça change des discours lisses qu’on entend souvent dans le peloton. Là, on a affaire à un gamin – parce que 23 ans, dans le cyclisme de haut niveau, c’est encore jeune – qui parle avec ses tripes.
Pourquoi avoir choisi cette équipe parmi tant d’autres ?
Quand son départ a été annoncé, pratiquement toutes les grosses écuries se sont manifestées. Il a enchaîné les réunions, les appels, les propositions alléchantes. Pourtant, une seule l’a vraiment convaincu.
Ce qui a fait la différence ? Un projet à long terme, ambitieux, innovant, et surtout centré sur lui. Il explique avoir perçu une vraie volonté de construire toute la structure autour de son développement. Pas juste un leader de plus dans un effectif déjà blindé de stars, mais le leader autour duquel on bâtit.
Il raconte cette rencontre décisive avec les dirigeants : ils lui ont présenté une vision différente, avec de l’innovation, une envie de sortir des sentiers battus. Et surtout, ils avaient les moyens de leurs ambitions. Pour lui, c’était le déclic.
« C’est la seule équipe où j’ai entendu quelque chose de différent. »
Et ce qui est intéressant, c’est qu’on ne lui a rien demandé en retour. Pas de objectifs chiffrés, pas de pression immédiate sur les résultats. Juste une confiance totale. Ça change des environnements où on te rappelle chaque jour ce que tu “dois” accomplir.
Tourner la page sans rancœur (ou presque)
Évidemment, on ne peut pas parler de ce transfert sans évoquer le départ mouvementé. En pleine Vuelta, il avait sorti des mots très durs. Des mots qu’il regrette aujourd’hui, en partie.
Il a même lu une lettre d’excuses publique à son ancienne équipe. Il dit avoir parlé sous le coup de l’émotion, de la pression, de la nervosité. Depuis, il veut fermer ce chapitre. Il reste reconnaissant pour les opportunités passées, mais il refuse désormais d’en reparler.
Est-ce que cet épisode l’a renforcé mentalement ? Il l’espère. Parce que des galères, il en a déjà connu pas mal : Covid, blessures, abandons… Chaque saison semble lui réserver son lot d’obstacles. Là, il rêve enfin d’une année complète, sans pépins, pour montrer sa régularité.
Un calendrier taillé pour le Tour de France
Son programme 2026 est déjà bouclé, et il sent le grand objectif :
- Tour d’Algarve (février)
- Paris-Nice (mars)
- Tour du Pays Basque (avril)
- Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège (avril)
- Critérium du Dauphiné (juin)
- Tour de France (juillet)
Un enchaînement classique pour un leader de grand Tour. Les Ardennaises, c’est aussi pour accompagner un coéquipier talentueux sur ces classiques. Parce que oui, il sera leader sur le Tour, c’était une évidence des deux côtés. Personne n’a eu besoin de le négocier.
La cohabitation avec Mattias Skjelmose
Un petit nuage était passé l’automne dernier quand un certain Mattias Skjelmose avait publiquement regretté de ne pas avoir été informé de l’arrivée d’Ayuso. Certains y avaient vu un risque de tension pour le leadership.
Eh bien non. Les deux se sont parlés, Skjelmose est même venu s’excuser. Belle preuve de maturité. Aujourd’hui, ils s’entendent bien et se promettent un soutien mutuel.
Ayuso est clair : il est prêt à se sacrifier sur les classiques ardennaises pour aider son coéquipier, qui excelle sur ce terrain. Et inversement, il sait qu’il pourra compter sur lui en montagne lors du Tour. C’est ça, un vrai esprit d’équipe.
« Je suis prêt à me sacrifier pour lui. »
Dans un sport à la fois individuel et collectif, cette complémentarité peut faire des merveilles.
Les doutes sur sa capacité à tenir trois semaines
Depuis sa troisième place sur la Vuelta 2022, il n’a plus fait mieux sur un grand Tour. Certains doutent de sa solidité mentale sur trois semaines. Lui, il balaie ça d’un revers de main.
Il rappelle les circonstances : une quatrième place derrière un trio intouchable en 2023, un abandon Covid sur le Tour 2024, une chute qui l’a handicapé au Giro 2025, et une Vuelta 2025 perturbée par tout le contexte extra-sportif.
Il n’a jamais vraiment eu la chance de jouer sa carte à fond, sans encombre. D’où son impatience de prouver enfin, avec une préparation sereine.
Un plan à long terme pour gagner le Tour
Il est réaliste : viser la victoire sur le Tour de France, ça prendra du temps. Il doit encore progresser, mûrir. Mais il a hâte de gagner dès sa reprise, ne serait-ce que pour remercier son équipe.
Et puis il y a cette question d’image. Les derniers mois l’ont parfois présenté sous un jour négatif. Lui veut montrer qui il est vraiment : un gars calme, qui aime s’entendre avec ses coéquipiers, loin du portrait parfois dressé.
Ce nouvel environnement, plus humain, devrait aider à faire passer le vrai message. Et ça, ça compte aussi dans le cyclisme d’aujourd’hui, où l’image publique influence sponsors et supporters.
Ce que ce transfert dit du cyclisme actuel
Au-delà de l’histoire personnelle, ce transfert pose des questions intéressantes. Dans un peloton de plus en plus dominé par quelques super-équipes aux budgets colossaux, est-ce que les coureurs ont encore voix au chapitre sur leur environnement ?
Ayuso semble avoir trouvé une structure qui mise sur l’humain autant que sur la performance. Une approche qui rappelle que derrière les watts et les stratégies, il y a des jeunes hommes avec leurs émotions, leurs besoins.
Et si ce modèle portait ses fruits ? Si un leader épanoui, soutenu, entouré, parvenait à concurrencer les armadas plus “mécaniques” ? L’avenir nous le dira, mais une chose est sûre : on a hâte de voir Ayuso libérer tout son potentiel.
Parce que quand un talent comme lui se sent enfin à sa place, ça peut donner quelque chose de magnifique sur la route. Rendez-vous en juillet pour voir si ce sentiment d’être aimé se transforme en maillot jaune… ou du moins en performances qui font vibrer.
En attendant, une chose est certaine : ce gamin a du caractère, de l’ambition, et maintenant un cadre qui semble lui correspondre parfaitement. Le cyclisme a besoin de ce genre d’histoires, humaines avant tout.
