Imaginez-vous dans une petite ville sud-africaine, où la foule se rassemble autour d’un orateur charismatique, scandant des slogans qui résonnent comme des échos d’un passé tumultueux. Ce dimanche-là, à Koppies, dans la province de l’État libre, Julius Malema, leader du parti des Combattants pour la liberté économique (EFF), a de nouveau fait vibrer ses partisans. Son sujet ? Un chant controversé, Tuez le Boer, qui a récemment attiré l’attention internationale, notamment celle d’un certain Donald Trump. Pourquoi ce chant, né dans les flammes de la lutte contre l’apartheid, continue-t-il de diviser ? Et pourquoi Malema s’y accroche-t-il avec une telle ferveur ? Plongeons dans cette histoire complexe, où passé et présent se heurtent dans un débat brûlant.
Un Chant au Cœur des Tensions Sud-Africaines
En Afrique du Sud, les mots ont du poids. Ils portent les cicatrices d’un passé marqué par l’oppression et la résistance. Tuez le Boer, un chant révolutionnaire, est l’un de ces héritages. Popularisé pendant la lutte contre l’apartheid, il visait les descendants des colons européens, les Boers, souvent perçus comme les piliers du régime ségrégationniste. Aujourd’hui, ce chant est bien plus qu’une relique : il est un symbole de résistance pour certains, une incitation à la haine pour d’autres. Julius Malema, figure centrale de l’EFF, en a fait un étendard de son discours politique, malgré les controverses.
L’Histoire de « Tuez le Boer » : Un Chant de Résistance
Pour comprendre pourquoi ce chant soulève autant de passions, il faut remonter à ses origines. Né dans les années de lutte contre l’apartheid, Tuez le Boer était un cri de ralliement pour galvaniser les opprimés. Des figures emblématiques comme Peter Mokaba ou Winnie Mandela l’ont entonné lors de rassemblements, transformant ses paroles en un symbole de défi face à l’oppression. Mais ce qui était autrefois un outil de mobilisation est aujourd’hui perçu par certains comme une menace directe contre les fermiers blancs, souvent d’origine afrikaner.
Ce chant, c’est l’histoire de notre résistance. L’abandonner, ce serait trahir ceux qui ont lutté avant nous.
– Un leader politique sud-africain
Pour Malema, ce chant n’est pas qu’un slogan. Il incarne une lutte inachevée, celle d’une égalité économique et sociale encore hors de portée pour beaucoup en Afrique du Sud. Lors de son discours à Koppies, il a rappelé que des figures historiques l’ont chanté sans honte, et il refuse de s’en distancier, même sous la pression internationale.
Trump et la Polémique Internationale
Mercredi dernier, un échange inattendu à Washington a propulsé Tuez le Boer sous les projecteurs mondiaux. Lors d’une rencontre avec le président sud-africain Cyril Ramaphosa, Donald Trump a brandi une vidéo montrant Malema chanter ce refrain controversé. Avec son style habituel, l’ancien président américain a accusé Malema d’être au pouvoir – une erreur factuelle, l’EFF n’ayant recueilli que 9,5 % des voix aux élections de 2024 – et a affirmé que des milliers de fermiers blancs étaient assassinés en Afrique du Sud. Ces déclarations, bien que largement exagérées, ont jeté de l’huile sur le feu.
Pour Ramaphosa, cet épisode était un piège diplomatique. Pris au dépourvu, il a dû naviguer entre la nécessité de défendre la souveraineté sud-africaine et celle d’apaiser des relations déjà tendues avec les États-Unis. Malema, lui, n’a pas mâché ses mots. Depuis Koppies, il a critiqué Ramaphosa pour ne pas avoir défendu plus fermement la liberté d’expression en Afrique du Sud, rappelant que les tribunaux du pays ont validé le chant comme un élément du patrimoine historique, et non une incitation à la violence.
- Erreur de Trump : Malema n’est pas au pouvoir, l’EFF est un parti d’opposition.
- Exagération : Les chiffres sur les assassinats de fermiers blancs sont souvent manipulés à des fins politiques.
- Contexte diplomatique : La rencontre visait à apaiser les tensions entre Washington et Pretoria.
Le Rôle des Tribunaux : Une Question de Liberté d’Expression
La légalité de Tuez le Boer a été au cœur de nombreux débats judiciaires. En 2010, un tribunal sud-africain avait interdit le chant, le jugeant incitatif à la haine. Mais cette décision a été renversée par d’autres juges, qui ont estimé qu’il s’agissait d’un symbole historique, pas d’un appel à la violence. En 2024, la plus haute cour du pays a confirmé cette interprétation, malgré les objections d’organisations comme Afriforum, un groupe défendant les intérêts des Afrikaners.
Cette décision judiciaire reflète un dilemme plus large : comment concilier la liberté d’expression avec les sensibilités d’une nation encore marquée par les inégalités raciales ? Pour Malema, la réponse est claire : interdire le chant serait une trahison de l’histoire. Mais pour ses détracteurs, notamment l’Alliance démocratique (DA), qui gouverne en coalition avec l’ANC depuis 2024, il alimente les tensions raciales dans un pays déjà fracturé.
| Année | Événement | Impact |
| 2010 | Interdiction initiale du chant | Polemique sur la liberté d’expression |
| 2011-2023 | Revers judiciaires | Chant reconnu comme historique |
| 2024 | Confirmation par la haute cour | Renforcement du droit de chanter |
Malema : Une Figure Clivante
Julius Malema n’est pas un homme politique ordinaire. À la tête de l’EFF, il incarne une gauche radicale qui prône la redistribution des terres et une justice économique pour les Sud-Africains noirs. Ses discours enflammés et ses positions pro-russes attirent autant d’admiration que de critiques. Pour beaucoup, il est un héros de la lutte contre les inégalités héritées de l’apartheid. Pour d’autres, ses provocations, comme son attachement à Tuez le Boer, sont dangereuses dans un pays où les tensions raciales restent vives.
Dans un pays où l’histoire est encore à vif, chaque mot peut être une arme ou un pont. Malema choisit souvent l’arme.
– Un analyste politique
Personnellement, je trouve fascinant de voir comment un simple chant peut devenir le symbole d’un débat aussi complexe. Cela me rappelle à quel point l’histoire d’un pays peut façonner son présent, surtout lorsqu’elle est manipulée à des fins politiques. Malema, avec son charisme indéniable, sait jouer de ces symboles pour galvaniser ses partisans. Mais à quel prix ?
Les Enjeux Actuels : Un Pays Divisé
L’Afrique du Sud de 2025 reste un pays de contrastes. D’un côté, la coalition entre l’ANC et la DA tente de stabiliser une économie fragile et de promouvoir une gouvernance inclusive. De l’autre, des leaders comme Malema rappellent que les blessures de l’apartheid – économiques, sociales, culturelles – sont loin d’être guéries. Le débat autour de Tuez le Boer n’est qu’un symptôme de ces fractures.
- Inégalités persistantes : Malgré la fin de l’apartheid, les terres et les richesses restent concentrées entre quelques mains.
- Tensions raciales : Les discours comme celui de Malema attisent les craintes des communautés blanches, notamment les fermiers.
- Liberté d’expression : Le débat sur le chant pose la question des limites de la parole dans une démocratie jeune.
Ce qui m’interpelle, c’est la capacité d’un chant à cristalliser autant d’émotions. N’est-ce pas là le pouvoir de l’histoire ? Un refrain peut-il à lui seul panser les plaies ou, au contraire, les rouvrir ? En Afrique du Sud, la réponse semble encore incertaine.
Vers un Futur Apaisé ?
Alors que l’Afrique du Sud se prépare pour de nouvelles élections locales, le débat autour de Tuez le Boer ne montre aucun signe d’essoufflement. Malema, fidèle à son style, continuera probablement de l’utiliser pour mobiliser ses partisans. Mais face à une coalition gouvernementale fragile et des critiques internationales croissantes, la question reste : ce chant peut-il encore unir, ou ne fait-il que diviser ?
Pour l’instant, l’Afrique du Sud doit naviguer entre la célébration de son histoire de résistance et la nécessité de construire un avenir inclusif. Les paroles de Malema à Koppies résonnent comme un défi : refuser de céder, même sous la pression. Mais dans un pays où chaque mot peut raviver des blessures, la prudence pourrait être de mise.
L’histoire ne s’efface pas, elle s’apprend. Mais apprendre, c’est aussi savoir écouter l’autre.
– Un historien sud-africain
En fin de compte, ce débat dépasse largement les paroles d’un chant. Il touche au cœur de l’identité sud-africaine, entre mémoire collective et aspiration à la réconciliation. Peut-être que la véritable question n’est pas de savoir si Tuez le Boer doit être chanté, mais comment l’Afrique du Sud peut transformer ses chants de lutte en hymnes d’unité. À vous de juger : un chant peut-il changer un pays ?
