Il y a des moments où le football dépasse le simple sport. Samedi après-midi, à Munich, on a vécu l’un de ces instants suspendus dans le temps. Kingsley Coman, parti l’été dernier vers de nouveaux horizons saoudiens, est revenu à l’Allianz Arena. Et là, 75 000 personnes se sont levées. Pas pour un but, pas pour une victoire. Juste pour lui dire merci. Dix ans après son arrivée, le gamin de Paris est devenu une légende bavaroise. Et franchement, ça fait quelque chose.
Un hommage qui donne des frissons
Avant même que le ballon ne roule face à Sankt Pauli, le stade s’est embrasé. Les écrans géants diffusent des images : Coman qui lève la Ligue des Champions en 2020, Coman qui dribble, Coman qui célèbre. Puis il apparaît, en civil, au milieu du terrain. Le speaker annonce ses dix années de fidélité. Et là, c’est l’explosion. Une ovation qui dure, qui dure… On voit le Français ému, presque gêné, qui salue la Südkurve comme on salue une vieille amie.
J’ai regardé les images plusieurs fois. À chaque fois, la chair de poule. Parce que ce genre d’hommage, on ne le fabrique pas. Il se gagne. Match après match, blessure après blessure, titre après titre.
De Paris à Munich : l’histoire d’un pari fou
Revenons en 2015. Kingsley a 19 ans. Il sort de deux saisons en dents de scie à la Juventus. Un club l’appelle : le Bayern Munich. Prêt avec option d’achat. Beaucoup sourient. Un ailier français pour remplacer Robben et Ribéry ? Bonne blague. Même Coman n’y croit pas trop.
Mais Pep Guardiola, lui, y croit. Il voit dans ce gamin longiligne une explosivité rare, une capacité à jouer des deux pieds, une intelligence de course hors norme. Le genre de profil qu’on ne trouve pas tous les jours.
Et puis il y a cette anecdote que j’adore : lors de sa présentation, on lui demande s’il préfère le côté gauche ou droit. Il répond simplement : « Les deux. » Le ton était donné.
Le but qui a tout changé
23 août 2020. Finale de la Ligue des Champions. Bayern – PSG. Ironie du sort, Coman affronte son club formateur. 59e minute. Centre parfait de Kimmich. Et là, cette tête. Pas la plus puissante, pas la plus académique. Mais gagnante.
« Je n’ai pas fêté le but. Pas par manque de joie. Par respect pour le PSG, pour les supporters parisiens. C’était bizarre de marquer contre le club qui m’a tout donné. »
Kingsley Coman, après la finale
Ce but, c’est plus qu’un but. C’est l’apothéose d’une ascension. C’est le moment où le monde entier comprend que le successeur de Ribéry n’est pas un rêve marketing. Il est là, en chair et en os, et il vient de crucifier Paris pour offrir la sixième CDE au Bayern.
Un palmarès qui donne le vertige
Dix saisons. 339 matchs. Et surtout, un tableau de chasse impressionnant :
- 9 Bundesliga (dont 8 consécutives, record partagé)
- 3 Coupes d’Allemagne
- 6 Supercoupes d’Allemagne
- 1 Ligue des Champions (2020)
- 1 Supercoupe d’Europe
- 1 Coupe du Monde des Clubs
Nine times champion d’Allemagne. À 29 ans. C’est complètement fou quand on y pense. Il a gagné presque autant de titres que certains joueurs en une carrière entière.
Et pourtant, on a parfois l’impression qu’on sous-estime Coman. Peut-être parce qu’il n’a jamais été le leader vocal. Peut-être parce que les blessures l’ont trop souvent freiné. Mais quand il était là, sur le terrain, il était décisif. Toujours.
Le successeur de Ribéry
À son arrivée, on le comparait déjà à Franck Ribéry. Même poste, même profil, même numéro 29 à une époque. Mais Coman n’a jamais cherché à imiter. Il a tracé sa propre voie.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 50 buts, plus de 60 passes décisives sous le maillot bavarois. Et surtout, cette capacité à être clutch. À sortir les matchs références quand ça comptait vraiment.
Aujourd’hui, quand les supporters chantent son nom, c’est aussi un peu Ribéry qu’ils célèbrent à travers lui. La passation de pouvoir a fonctionné. Le roi est mort, vive le roi.
Et maintenant ?
À 29 ans, Coman a choisi un nouveau défi. Direction Al-Nassr, aux côtés de Cristiano Ronaldo. Choix financier, évidemment. Mais aussi choix de vie. Moins de pression, plus de soleil, un rôle central dans un projet ambitieux.
Mais ce retour à Munich montre une chose : il n’a pas tourné la page. Il a juste ouvert un nouveau chapitre. Et quelque part, on sent qu’il reviendra. Peut-être pas comme joueur. Peut-être comme ambassadeur, comme légende vivante.
Parce que des joueurs comme lui, le Bayern n’en forme pas tous les jours. Des joueurs qui marquent l’histoire du club sans jamais avoir été achetés à prix d’or. Des joueurs qui restent dix ans dans le plus grand club d’Allemagne sans jamais faire de vagues.
Ce que cet hommage nous dit du football moderne
Dans une époque où les joueurs changent de club comme de chemise, où l’argent roi dicte souvent les carrières, voir un joueur honoré pour dix ans de loyauté, ça fait du bien.
Coman aurait pu partir plus tôt. Vers l’Angleterre, vers le Real Madrid, vers n’importe où. Il est resté. Parce qu’il aimait le club. Parce qu’il se sentait chez lui à Munich. Parce que la Bavière l’avait adopté.
Et ça, dans le football d’aujourd’hui, c’est rare. Précieux. Beau.
Alors merci Kingsley. Merci pour les dribbles, merci pour les titres, merci pour ce but en finale, merci pour ces dix années de classe pure.
L’Allianz Arena ne t’oubliera jamais.
Et nous non plus.
(Article écrit avec le cœur, un samedi après-midi, en repensant à cette tête de 2020 qui a fait pleurer la moitié de la France… et sourire l’autre moitié.)
