Il y a des soirs où le football écrit des histoires plus belles que n’importe quel scénario hollywoodien. Mercredi, au Parc des Princes, on a vécu exactement ça. Un gamin de Bondy, prêté sans option d’achat, la mâchoire encore fracturée trois semaines plus tôt, qui revient hanter son ancien jardin avec un masque de super-héros et deux pruneaux dans la lucarne. Franchement, quand Randal Kolo Muani a signé à Tottenham début septembre, qui aurait misé un euro sur une telle soirée ?
Moi le premier, je l’avoue. J’avais rangé RKM dans la case « beau gâchis parisien », celle où on colle les mecs qui brillent ailleurs et qui, une fois sous le maillot rouge et bleu, perdent leur football. Mais hier soir, il a rappelé à tout le monde pourquoi certains sélectionneurs continuent de croire en lui mordicus.
Le Retour du Fils Prodigue… en Ennemi Public Numéro 1
Reprenons depuis le début. Arrivé en fanfare du Eintracht Francfort à l’été 2023 contre 95 millions d’euros (oui, vous avez bien lu), Kolo Muani n’a jamais vraiment convaincu à Paris. Trop de contrôles approximatifs, trop de courses dans le vide, trop de « presque ». Luis Enrique, jamais le dernier pour trancher dans le vif, a vite fait comprendre que l’avenir du Français ne s’écrivait plus en Île-de-France.
Direction Londres, prêt sec chez les Spurs. Et là, patatras : déchirure à la cuisse quinze jours après son arrivée, puis un choc violent avec Harry Maguire début novembre qui lui vaut une fracture de la mâchoire. Le genre de tuile qui aurait achevé n’importe qui. Lui ? Il revient avec un masque noir façon Batman et une rage décuplée.
35e minute : la tête du vengeur
Le match est fermé, Paris domine stérilement, Tottenham souffre. Coup franc côté gauche. Kolo Muani se détache au second poteau et claque une tête rageuse. 0-1. Richarlison n’a plus qu’à pousser le ballon au fond. Premier cadeau empoisonné pour ses anciens partenaires.
Ce qui frappe, c’est l’engagement. Le mec joue comme si sa vie en dépendait. Chaque ballon disputé, chaque sprint, chaque appel. On sent la revanche chevillée au corps.
50e minute : le missile qui fait taire le Parc
Paris vient d’égaliser. Le scénario parfait pour que Tottenham sombre. Que nenni. Sur une relance rapide, Son trouve Maddison qui décale Kolo Muani à l’entrée de la surface. Contrôle orienté, frappe pure du droit dans la lucarne de Donnarumma. 1-2.
Et là, le geste classe : il ne célèbre pas. Doigts sur la bouche, regard vers le sol. Respect total pour le public qui l’a porté puis sifflé. Ce non-jubilé en dit long sur le bonhomme.
« Je garde énormément de respect pour ce club et ces supporters. Marquer ici, c’est particulier, mais je ne pouvais pas célébrer. »
Randal Kolo Muani, après le match
73e minute : le festival et le doublé qui font mal
Le score est alors de 4-2 pour Paris. Le match semble plié. Sauf que Kolo Muani a décidé que non. Récupération haute, passements de jambes sur Pacho puis Hernandez – oui, les deux en même temps – et frappe croisée du droit. 4-3. Le Parc gronde, mi-admiratif, mi-terrifié.
En l’espace de 38 minutes, l’attaquant prêté par Paris vient d’être impliqué sur tous les buts de Tottenham : une passe décisive, deux réalisations. Chapeau l’artiste.
Pourquoi cette performance change tout (ou presque)
Avant ce match, le bilan de Kolo Muani à Londres faisait peine à voir : une seule passe décisive en Ligue des Champions, zéro but. En gros, on se disait que le prêt allait se transformer en cadeau empoisonné pour Tottenham aussi.
Et là, bam. Une soirée où il rappelle sa période turinoise la saison précédente : 10 buts et 3 passes décisives en six mois sous le maillot de la Juve. Le genre de stats qui font dire à Didier Deschamps qu’il reste un titulaire en puissance chez les Bleus, même quand la forme n’est pas au rendez-vous.
- Volume de jeu hallucinant
- Capacité à jouer dos au but, en pivot ou en profondeur
- Frappes puissantes des deux pieds
- Aérien game au-dessus de la moyenne
- Mental d’acier malgré les galères
Hier, on a retrouvé tout ça en une seule soirée.
Et maintenant ? L’avenir soudain moins sombre
Le prêt court jusqu’en juin 2026 sans option d’achat. Officiellement, il doit revenir à Paris. Mais soyons sérieux deux secondes : Luis Enrique a construit un collectif où Barcola, Doué et consorts ont pris le pouvoir en attaque. La place de RKM semble plus que jamais occupée.
En revanche, du côté de Tottenham ? Ange Postecoglou a perdu Son pour plusieurs semaines et cherche désespérément un attaquant capable de varier le jeu. Un joueur qui peut évoluer seul en pointe ou en duo, qui pèse sur les défenses, qui fait jouer les autres. Ça tombe bien, c’est exactement le profil de l’homme au masque.
Et si cette soirée au Parc changeait la donne ? Et si Tottenham décidait de frapper un gros coup au prochain mercato pour le garder définitivement ? Après tout, quand un mec vient te planter un doublé dans ton ancien stade avec une mâchoire rafistolée, tu te poses forcément les bonnes questions.
Ce qu’il faut retenir de cette folie
Le football reste le plus beau des sports parce qu’il offre parfois des scénarios dingues. Un joueur qu’on enterrait vivant il y a encore un mois revient, masqué, et remet toute la lumière sur lui en une seule soirée. Kolo Muani n’a pas gagné le match, mais il a gagné autre chose de bien plus précieux : le respect.
Celui des supporters adverses qui l’ont applaudi à sa sortie. Celui de ses coéquipiers qui sont venus le chambrer gentiment sur son non-jubilé. Et peut-être, qui sait, celui de clubs qui vont se rappeler qu’à 27 ans, un attaquant capable de ce genre de performance sous pression, ça ne court pas les rues.
Une chose est sûre : hier soir, le vengeur masqué a rappelé qu’on l’avait peut-être enterré un peu trop vite. Et dans ce milieu, c’est souvent quand tout le monde vous a oublié que vous revenez le plus fort.
Fin de l’histoire ? Sûrement pas. Juste un chapitre qui risque de faire beaucoup de bruit dans les prochains mois. À suivre, évidemment.
