Avez-vous déjà entendu parler d’un village si riche qu’on le surnomme le « Koweït polonais » ? Au cœur de la Pologne, Kleszczow intrigue par son opulence, mais aussi par ses tensions. Ce petit coin de 6 000 âmes, niché près d’une centrale thermique et d’une mine de lignite, vit dans l’abondance grâce à l’industrie. Pourtant, l’ombre d’un déclin plane, et les habitants, marqués par une forte poussée de l’extrême droite au premier tour de l’élection présidentielle, pourraient bien jouer un rôle clé dans le second tour. Alors, pourquoi ce village prospère bascule-t-il dans le nationalisme ? Et quel impact aura-t-il sur l’avenir politique de la Pologne ?
Kleszczow : Une Richesse Menacée, Un Vote Extrême
Imaginez un village où les rues impeccables côtoient un parc aquatique flambant neuf, digne d’une station balnéaire. À Kleszczow, ce décor contraste avec les immenses cheminées de la centrale thermique de Belchatow, la plus puissante d’Europe, et les terrils de la mine de lignite qui alimente cette prospérité. Ces deux industries emploient 18 000 personnes, faisant du village la commune la plus riche de Pologne. Mais cette richesse, aussi éclatante soit-elle, repose sur des fondations fragiles. La fermeture programmée de la mine et de la centrale, prévue pour 2030, inquiète profondément les habitants.
Ce contexte économique explique en partie pourquoi, lors du premier tour de l’élection présidentielle le 18 mai, plus d’un tiers des électeurs de Kleszczow ont voté pour des candidats d’extrême droite. Ce score, bien supérieur à la moyenne nationale de 20 %, reflète un malaise. Les habitants craignent que la fin de l’exploitation minière ne signe la fin de leur prospérité. Mais ce n’est pas tout : des tensions sociales et culturelles, notamment autour de l’immigration et des droits LGBTQ, alimentent aussi ce vote contestataire.
Un Second Tour Décisif : Trzaskowski Contre Nawrocki
Le second tour de l’élection oppose deux visions radicalement différentes. D’un côté, Rafal Trzaskowski, maire de Varsovie et figure pro-européenne, incarne un projet modernisateur et ouvert. De l’autre, Karol Nawrocki, historien nationaliste soutenu par le parti populiste Droit et Justice (PiS), défend une Pologne traditionaliste. Au premier tour, ils ont fini au coude-à-coude, avec respectivement 31 % et 30 % des voix. À Kleszczow, les électeurs de l’extrême droite, qui ont massivement soutenu Slawomir Mentzen, un libertarien eurosceptique, pourraient faire pencher la balance.
Si Trzaskowski gagne, ils vont vendre la Pologne, la détruire.
– Un employé de la mine de Kleszczow
Ce sentiment, exprimé par un habitant, illustre la méfiance envers le gouvernement actuel de Donald Tusk, perçu comme trop progressiste. À Kleszczow, Mentzen a obtenu un score impressionnant de 25 %, bien au-dessus de sa moyenne nationale de 15 %. Ses positions fermes contre l’immigration et l’avortement résonnent dans une communauté qui craint de perdre son identité autant que sa prospérité.
La Centrale de Belchatow : Symbole d’un Futur Incertain
La centrale thermique de Belchatow n’est pas seulement une source de richesse, c’est aussi le plus grand émetteur de CO2 en Europe. Sa fermeture, décidée par l’ancien gouvernement populiste en accord avec l’Union européenne, est un sujet brûlant. Les habitants espèrent qu’une centrale nucléaire pourrait prendre le relais, mais aucune décision n’a encore été prise. Cette incertitude alimente un sentiment d’abandon.
J’ai été frappé, en étudiant ce cas, par la façon dont l’économie locale façonne les choix politiques. Les habitants ne votent pas seulement pour un président, mais pour un avenir qu’ils veulent protéger. Voici les raisons principales de leur inquiétude :
- Perte d’emplois : La mine et la centrale emploient des milliers de personnes, et leur fermeture menace des familles entières.
- Déclin économique : Sans industrie, Kleszczow risque de perdre son statut de commune la plus riche.
- Crainte identitaire : Les discours sur l’immigration et les droits LGBTQ attisent les peurs d’une transformation culturelle.
Ce mélange d’angoisse économique et de conservatisme social fait de Kleszczow un microcosme des tensions qui traversent la Pologne.
L’Extrême Droite : Une Réaction au « Ras-le-Bol »
Pourquoi l’extrême droite séduit-elle autant à Kleszczow ? Pour beaucoup, c’est une question de frustration. Les jeunes, en particulier, en ont assez du va-et-vient entre les centristes pro-européens et les nationalistes du PiS, qui se partagent le pouvoir depuis deux décennies. Slawomir Mentzen, avec ses promesses de baisses d’impôts et son discours anti-establishment, a su capter ce mécontentement.
Une employée locale de 27 ans, rencontrée dans un magasin, résume bien ce sentiment :
Il vaut mieux que la Pologne reste la Pologne.
– Une habitante de Kleszczow
Cette phrase, simple mais lourde de sens, reflète une peur viscérale du changement. L’idée d’une Pologne envahie par des immigrés ou transformée par des réformes progressistes, comme la légalisation des unions civiles, est perçue comme une menace directe à l’identité nationale.
Le Rôle du Président : Plus qu’un Symbole
En Pologne, le président n’est pas qu’une figure protocolaire. Son droit de veto peut bloquer des réformes majeures. Le président sortant, Andrzej Duda, proche du PiS, a ainsi freiné plusieurs initiatives du gouvernement Tusk, notamment sur la réforme judiciaire et la libéralisation de l’avortement. Une victoire de Trzaskowski donnerait un élan au camp pro-européen, tandis que Nawrocki prolongerait une cohabitation tendue, avec le risque de législatives anticipées.
| Candidat | Position | Impact potentiel |
| Rafal Trzaskowski | Pro-européen | Renforcement du gouvernement Tusk |
| Karol Nawrocki | Nationaliste | Cohabitation difficile, blocage des réformes |
Ce tableau simplifie les enjeux, mais il montre à quel point le choix des électeurs de Kleszczow pourrait peser lourd. Leur vote, influencé par des préoccupations locales et des frustrations nationales, pourrait redessiner la trajectoire politique du pays.
Belchatow : Une Ville, un Symbole
À quelques kilomètres de Kleszczow, la ville de Belchatow, avec ses 50 000 habitants, partage les mêmes craintes. Ici aussi, Mentzen a dépassé son score national, obtenant 18,4 % des voix. La ville, qui dépend elle aussi de la mine et de la centrale, vit dans l’angoisse d’un avenir sans industrie. Un jeune habitant de 21 ans, sans emploi, résume l’enjeu en une phrase :
Sans la mine, Belchatow n’existera pas.
– Un jeune de Belchatow
Ce fatalisme, mêlé d’un désir de stabilité, pousse beaucoup à soutenir Nawrocki. Pourtant, certains, comme un habitant de 46 ans, envisagent de voter Trzaskowski, espérant que Tusk tienne ses promesses de justice et de transparence. Cette division illustre une Pologne fracturée, où les enjeux locaux et nationaux se mêlent.
Et Après ? Les Enjeux d’un Choix
Ce qui se joue à Kleszczow dépasse les frontières du village. C’est une bataille pour l’âme de la Pologne : d’un côté, une vision ouverte, intégrée à l’Europe ; de l’autre, un repli nationaliste, teinté de méfiance envers le changement. Les électeurs de l’extrême droite, avec leur poids électoral, tiennent une clé. Mais que choisiront-ils ?
Personnellement, je trouve fascinant de voir comment un village aussi riche peut être aussi inquiet. Kleszczow, c’est un paradoxe : un lieu où l’opulence côtoie la peur du vide. Voici ce qui pourrait influencer leur vote :
- La peur économique : La fermeture de la mine et de la centrale reste la préoccupation numéro un.
- Les tensions culturelles : Les discours sur l’immigration et les droits LGBTQ polarisent les débats.
- Le rejet des élites : L’extrême droite capitalise sur le sentiment d’abandon face aux décisions prises à Varsovie ou Bruxelles.
En fin de compte, Kleszczow incarne les contradictions d’une Pologne en transition. Entre richesse et incertitude, entre tradition et modernité, ce village pourrait bien écrire une page décisive de l’histoire politique du pays. Alors, dimanche, qui l’emportera ? Et surtout, quelle Pologne émergera de ce scrutin ?
