Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi, pendant des décennies, on ne croisait jamais la femme du Père Noël sur les marchés ? Moi oui, souvent. Chaque année, le même bonhomme bedonnant, la même barbe immaculée, les mêmes « ho ho ho » un peu trop graves. Et puis, l’hiver dernier, j’ai croisé son épouse pour la première fois. Et là, franchement, quelque chose a changé dans l’air froid de décembre.
Elle était là, au milieu des chalets, avec sa robe rouge cintrée, ses bottines noires brillantes et cette écharpe qui semblait tout droit sortie d’un conte autrichien. Les enfants couraient vers elle comme s’ils la connaissaient depuis toujours. Et les parents, un peu surpris au début, finissaient tous par sourire. C’était simple, évident, presque trop longtemps attendu.
La Mère Noël n’est plus cantonnée aux cookies et aux rennes
Longtemps, son rôle se résumait à ça : rester au pôle Nord, préparer les gâteaux, caresser les rennes et attendre sagement que son mari rentre, les joues rougies par le vent arctique. Une figure gentille, mais invisible. Un peu comme si, dans l’imaginaire collectif, la magie de Noël n’avait besoin que d’un seul visage.
Et puis, doucement, presque timidement au début, elle a commencé à pointer le bout de son bonnet sur les marchés français. D’abord un ou deux endroits, puis de plus en plus. Aujourd’hui, on la croise dans les grandes villes comme dans les communes plus modestes. Et ce n’est pas juste un gadget marketing : c’est une vraie petite révolution douce.
Une présence qui fait sens auprès des enfants
Ce qui m’a le plus marqué, c’est la réaction des petits. Pour eux, il n’y a pas de « mais c’est bizarre ». Il y a juste une dame très gentille, qui sent bon la cannelle, qui les prend dans ses bras et qui leur dit que oui, maman a toujours raison. Fin de la discussion.
Une fillette de cinq ans m’a même lâché, les yeux brillants : « Elle est plus belle que le Père Noël ! » Sa mère a ri, un peu gênée, avant d’avouer qu’elle était entièrement d’accord. Parce que oui, voir une femme prendre la lumière dans cet univers traditionnellement masculin, ça parle aux mamans. Et ça parle encore plus aux filles.
« Les petites filles ont enfin quelqu’un à qui s’identifier quand elles rêvent de magie. »
– Une animatrice rencontrée sur un grand marché de l’ouest de la France
Un phénomène qui s’étend bien au-delà d’une seule ville
On pourrait croire que ça reste marginal, une animation parmi d’autres. Pourtant, le mouvement prend de l’ampleur. Des marchés qui attirent des centaines de milliers de visiteurs aux petits villages qui montent leur chalet chaque année, la Mère Noël s’invite partout.
- Dans les grandes agglomérations modernes, elle déambule entre les gratte-ciel illuminés
- Dans l’ouest, elle salue les familles en breton ou en anglais avec le même enthousiasme
- Dans les villes moyennes, elle devient même parfois la star incontestée de la parade
- Et même dans les communes de banlieue, on la voit désormais poser avec les ados qui font semblant de bouder
Partout, le même constat : elle ne vole la vedette à personne. Elle complète simplement le tableau.
Pourquoi maintenant ?
La question mérite d’être posée. Est-ce juste une opération de communication habile ? Un moyen de renouveler l’offre d’animations quand tout a déjà été vu ? Peut-être un peu. Mais ce serait réducteur de s’arrêter là.
En réalité, ça dit beaucoup de notre époque. On a passé des années à pointer du doigt les stéréotypes, à demander plus de représentation féminine partout – dans les films, en politique, dans les jouets même. Alors pourquoi Noël y échapperait-il ? L’univers festif n’est pas une bulle hors du temps. Il évolue avec nous.
Et puis soyons honnêtes : elle a toujours existé, la Mère Noël. Dans les contes scandinaves, dans certaines traditions allemandes, dans les illustrations anciennes. On l’a juste… oubliée. Ou rangée dans un coin, comme un décor qu’on sort une fois par an sans jamais vraiment le regarder.
Ce qu’elle change concrètement sur le terrain
Concrètement, sa présence modifie l’ambiance. Les files d’attente sont plus détendues. Les câlins, plus nombreux. Les ados, d’habitude si difficiles à impressionner, se laissent prendre au jeu. J’ai vu un grand gaillard de seize ans rougir quand elle lui a dit « Toi aussi, écoute un peu ta mère de temps en temps, hein ! ».
Elle parle plusieurs langues, distribue des bonbons, pose pour les photos sans jamais sembler pressée. Et surtout, elle incarne une douceur qu’on n’associe pas toujours au personnage principal en rouge. C’est complémentaire. C’est équilibré. C’est… logique, en fait.
« On ne remplace pas le Père Noël. On l’accompagne. Et franchement, il a l’air ravi de partager la scène. »
– Une organisatrice d’événements festifs
Et les réactions des adultes dans tout ça ?
Les papys traditionalistes haussent parfois un sourcil. « De mon temps, on n’avait pas tout ça… » Mais même eux finissent souvent par sourire quand elle leur lance un clin d’œil complice. Parce qu’au fond, qui pourrait être contre un peu plus de chaleur humaine en décembre ? Personne.
Les mamans, elles, sont souvent les premières à dégainer leur téléphone. Certaines me confient que ça leur fait un bien fou de voir une femme prendre autant de place dans cet imaginaire. Pas en rivalité, pas en opposition. Juste en présence.
Un modèle qui dépasse largement le cadre festif
L’aspect le plus intéressant, c’est peut-être celui qu’on ne voit pas tout de suite. En donnant enfin de la visibilité à la Mère Noël, on offre aux enfants – et surtout aux petites filles – un modèle différent. Une femme qui n’est pas juste « l’épouse de », mais une héroïne à part entière de l’histoire de Noël.
Elle n’a pas besoin de traineau pour exister. Elle n’a pas besoin de distribuer tous les cadeaux pour compter. Elle est là, tout simplement. Et parfois, c’est exactement de ça dont on a besoin : des figures féminines fortes, bienveillantes, visibles.
Je ne dis pas que ça va changer le monde. Mais dans un coin de notre tête, quand on pensera à Noël l’année prochaine, on verra peut-être deux silhouettes en rouge au lieu d’une seule. Et ça, déjà, c’est énorme.
Vers un Noël plus inclusif ?
L’évolution ne s’arrête pas là. Certains marchés commencent déjà à proposer des duos : le Père et la Mère Noël côte à côte, main dans la main. D’autres imaginent des spectacles où elle prend la parole, raconte ses propres aventures, explique comment elle gère l’atelier quand son mari est en livraison.
On est encore loin d’une parité parfaite – le barbu reste la star incontestée – mais le chemin est tracé. Et il est plutôt joyeux.
Alors cette année, si vous passez dans un marché de Noël et que vous croisez une dame en rouge qui vous sourit avec des yeux pétillants, arrêtez-vous deux minutes. Prenez la photo. Laissez vos enfants lui parler. Parce que mine de rien, vous serez en train d’assister à un petit bout d’histoire qui s’écrit.
Et qui sait ? Peut-être que dans dix ans, on se demandera comment on a pu passer autant de temps sans elle.
Joyeuses fêtes. Et bienvenue, enfin, à la Mère Noël.
