Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez le 9 décembre 2005 ? Moi, j’étais au collège et on nous avait fait une petite cérémonie pour les 100 ans de la loi de 1905. Vingt ans plus tard, le 9 décembre 2025, le sujet est revenu sur le devant de la scène, mais l’ambiance n’a plus rien de festif. Elle est grave, presque solennelle. Parce que défendre la laïcité aujourd’hui, ce n’est plus seulement célébrer un anniversaire : c’est répondre à une urgence.
La laïcité n’est pas un héritage figé, c’est un combat vivant
Quand le président de la République prend la parole en ce jour symbolique, il ne se contente pas de sortir les vieux discours poussiéreux. Il tape du poing sur la table – métaphoriquement – et rappelle une évidence que certains aimeraient oublier : la foi, quelle qu’elle soit, ne saurait être placée au-dessus de la loi. Point final.
Cette phrase, apparemment simple, résume pourtant tout l’enjeu des 120 ans de la loi du 9 décembre 1905. Cette loi, portée à l’époque par Aristide Briand et Jean Jaurès (deux socialistes, rappelons-le au passage), a mis fin à des siècles de guerre religieuse en posant un principe révolutionnaire : l’État ne reconnaît aucun culte, ne le salarie pas, ne le subventionne pas… mais il garantit à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire.
« Il nous faut défendre la laïcité, la loi de 1905 et l’école de la nation pour rester libres de nos choix dans la cité comme en notre for intérieur. »
Emmanuel Macron, 9 décembre 2025
Samuel Paty et Dominique Bernard, les visages d’un combat qui ne s’éteint pas
Je ne sais pas vous, mais moi, chaque fois qu’on prononce leurs noms, j’ai la gorge qui se serre. Samuel Paty, décapité en 2020 pour avoir montré des caricatures en classe. Dominique Bernard, poignardé en 2023 devant son lycée à Arras. Deux professeurs. Deux hommes ordinaires qui faisaient simplement leur métier : transmettre.
Le président les a cités tous les deux. Pas comme des « victimes collatérales », mais comme des exemples éclairant notre chemin. Et il a raison. Parce que ces drames ne sont pas des faits divers isolés. Ils sont l’expression la plus brutale d’une idéologie qui refuse la règle commune et veut imposer sa norme religieuse par la violence.
Quand on assassine un enseignant parce qu’il a montré une caricature de Mahomet, ce n’est pas seulement un professeur qu’on tue. C’est la liberté d’enseigner, la liberté de penser, la liberté de rire aussi. Tout ce que la loi de 1905 protège depuis 120 ans.
L’école, sanctuaire laïque ou terrain de conquête ?
Emmanuel Macron l’a redit avec force : l’école publique est indissociable de la laïcité. C’est même son bras armé, si je puis dire. Gratuite, obligatoire, laïque : voilà la sainte trinité républicaine héritée de Jules Ferry et consolidée par la loi de 1905.
Mais aujourd’hui, cette école est attaquée de toutes parts. Pas seulement par le terrorisme. Aussi par des pressions plus insidieuses : refus de certaines parties du programme d’histoire, contestation de l’enseignement de la Shoah ou de l’évolution, port de signes religieux ostentatoires, absentéisme lors des fêtes religieuses… La liste est longue, et elle fait mal.
- Des parents qui exigent que leurs enfants ne mangent pas de porc à la cantine ? Acceptable dans une certaine mesure.
- Des parents qui refusent que leur fille suive un cours de natation avec les garçons ? Là, on franchit une ligne.
- Des élèves qui contestent un cours parce qu’il « blasphème » ? On n’est plus dans l’école de la République.
Le président a rendu hommage aux générations d’instituteurs et de professeurs qui, depuis 150 ans, « guident les consciences des jeunesses successives sur les voies de l’émancipation ». Je trouve cette formule magnifique. Parce qu’elle dit tout : l’école n’est pas là pour formater, mais pour libérer.
La loi de 1905 : un texte d’équilibre, pas de combat antireligieux
On entend parfois que la laïcité française serait « agressive » ou « antireligieuse ». C’est faux, et c’est même l’inverse. Relisons le texte :
- La République assure la liberté de conscience.
- Elle garantit le libre exercice des cultes.
- Mais elle ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
C’est un équilibre génial. L’État sort du champ religieux, mais il protège chaque citoyen dans sa pratique spirituelle tant qu’elle ne trouble pas l’ordre public. En 1905, on sortait du concordat napoléonien et des guerres de religion. On voulait la paix. On l’a eue, grâce à ce texte.
Aujourd’hui, certains voudraient le remettre en cause. Soit en demandant des financements publics pour leurs écoles ou leurs lieux de culte, soit en réclamant des droits spécifiques au nom de leur religion. Les deux attitudes sont contraires à l’esprit de 1905.
Et demain ? Une laïcité toujours en danger ?
Personnellement, je suis partagé. D’un côté, je sens que la majorité des Français reste profondément attachée à la laïcité – les sondages le montrent année après année. De l’autre, je vois monter des discours communautaristes qui gagnent du terrain, notamment sur les réseaux sociaux.
Le risque, c’est l’effet cliquet : on cède un peu à peu, par peur de « stigmatiser », par souci d’apaisement, et un jour on se réveille avec une société où la loi religieuse prime sur la loi civile dans certains quartiers. Ce scénario n’est pas de la science-fiction. Il existe déjà ailleurs.
Alors oui, le discours présidentiel était nécessaire. Mais il faudra plus que des mots. Il faudra du courage politique pour appliquer fermement la loi, former massivement les fonctionnaires, soutenir les professeurs menacés, et surtout ne jamais transiger sur les principes.
« Cette loi est l’accomplissement de la Révolution française. Elle a accouché de la laïcité comme fille naturelle de la République. »
Cette phrase résonne particulièrement aujourd’hui. Parce que 120 après, la bataille pour la liberté de penser n’est toujours pas terminée. Elle a simplement changé de visage.
Alors, en ce 9 décembre 2025, prenons un instant pour relire la loi de 1905. Pas comme un texte ancien, mais comme un bouclier. Un bouclier dont nous avons plus que jamais besoin pour protéger cette chose si fragile et si précieuse : notre liberté d’être soi, ensemble.
Et vous, comment vivez-vous la laïcité au quotidien ? Dans votre ville, votre entreprise, votre école ? Les commentaires sont ouverts. Parce que ce débat nous concerne tous.
