Vous souvenez-vous de ces rentrées scolaires où l’on ne parlait que de polémiques autour des tenues, des prières ou des refus de cours ? Moi oui, très bien. Et pourtant, en cette fin d’année 2025, un chiffre commence à circuler et à faire du bruit : –10 %. Dix pour cent de moins d’atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires depuis septembre. Pas une petite baisse anecdotique, mais une tendance confirmée sur plusieurs mois. Franchement, ça mérite qu’on s’y arrête deux minutes.
Parce que, soyons honnêtes, on avait presque fini par croire que le sujet était ingérable. Entre les affaires d’abayas, les incidents lors des minutes de silence et les débats sans fin, la laïcité semblait parfois devenir le grand malade de l’école républicaine. Et voilà qu’on nous annonce que ça va mieux. Vraiment mieux ? Ou juste un peu moins pire ? C’est ce que j’ai voulu creuser.
Une baisse qui ne date pas d’hier
Ce qui frappe d’abord, c’est que cette diminution n’est pas sortie de nulle part. Depuis deux ans déjà, les chiffres descendent doucement mais sûrement. On parle aujourd’hui d’environ 1 300 signalements depuis la rentrée, toutes catégories confondues. C’est large, très large même : ça va du port de signes religieux ostentatoires jusqu’aux provocations verbales en passant par les refus de participer à certains cours. Mais même en prenant cette définition maximaliste, on reste 10 % en dessous de l’année précédente à la même période.
Et 10 %, ce n’est pas rien quand on sait le niveau où on était partis. Je me souviens encore des 500 incidents par mois annoncés il y a quelques années. Là, on est clairement sur une autre dynamique.
« La laïcité est la plus forte et les chiffres le confirment. »
Le ministre de l’Éducation nationale, décembre 2025
Des hommages plus apaisés, un signe qui ne trompe pas
Un détail m’a particulièrement marqué : les perturbations lors des hommages à Samuel Paty et Dominique Bernard. L’an dernier, on comptait encore 174 incidents lors de ces minutes de silence. Cette année ? 66. C’est plus que divisé par deux. Quand on sait le symbole que représentent ces deux professeurs assassinés pour avoir simplement fait leur métier, on mesure la portée du chemin parcouru.
Dans certaines classes, ces moments étaient devenus de véritables épreuves pour les enseignants. Des élèves qui quittaient la salle, d’autres qui contestaient, parfois même des insultes. Voir ce chiffre fondre aussi nettement, c’est presque émouvant.
Qu’est-ce qui explique ce recul ?
Alors évidemment, la question à 100 balles : pourquoi maintenant ? Plusieurs pistes se dessinent, et elles sont complémentaires plutôt qu’opposées.
- Une application plus ferme et plus homogène des règles. Les circulaires successives sur les tenues, les signalements obligatoires, les formations des chefs d’établissement : tout ça commence à porter ses fruits.
- Une lassitude, aussi, du côté de ceux qui testaient les limites. Quand on voit que les sanctions tombent systématiquement, l’envie de jouer diminue.
- Le travail de fond sur l’éducation à la laïcité. Plus de cours d’EMC (éducation morale et civique) vraiment faits, des interventions plus régulières, des projets pédagogiques qui prennent.
- Et peut-être, simplement, une forme de normalisation. Les nouvelles générations arrivent avec des codes un peu différents.
Je discutais récemment avec une professeure de collège en Seine-Saint-Denis – département souvent montré du doigt – et elle me disait : « Cette année, j’ai l’impression qu’on respire enfin. Les gamins savent où est la ligne rouge, et la plupart ne la franchissent plus par provocation. » C’est une phrase toute simple, mais elle pèse lourd.
La laïcité, bouc émissaire ou bouclier ?
Il y a quand même un discours qu’on entend encore trop souvent : « La laïcité, c’est contre les religions. » C’est faux, archi-faux, et c’est précisément là que le principe français est génial. Il ne demande à personne de renier ce qu’il est. Il demande juste que, le temps de la classe, on mette tout ça entre parenthèses pour être simplement des élèves.
Un ministre l’a redit récemment devant des collégiens : « Vos professeurs ne voient pas un musulman, un chrétien, un juif, un athée… Ils voient des enfants de la République. » C’est beau, c’est vrai, et c’est exactement ce que la loi de 1905 a voulu installer il y a 120 ans pile.
« À l’école, on respecte vos convictions, on vous met à l’abri du prosélytisme. »
Cette phrase résume tout. La laïcité n’est pas l’ennemie de la foi, elle est le rempart qui permet à toutes les fois (et à l’absence de foi) de coexister pacifiquement.
Attention, le danger n’a pas disparu
Ce serait mentir de dire que tout est réglé. Les radicalités existent toujours. Elles ont d’ailleurs un nom clairement identifié : l’islamisme politique. C’est lui qui a armé les assassins de Samuel Paty et de Dominique Bernard. C’est lui qui, parfois, souffle encore sur certaines braises dans les cours de récréation ou sur les réseaux sociaux.
Mais – et c’est peut-être le plus intéressant – ces radicalités semblent de plus en plus isolées. Elles font moins d’écho. Les élèves qui, il y a quelques années, auraient suivi le mouvement par conformisme ou par peur du groupe, sont aujourd’hui plus nombreux à rester à distance. C’est une victoire silencieuse, mais immense.
Et demain ?
Rien n’est jamais acquis, surtout pas la laïcité. Elle demande une vigilance de tous les instants. Mais pour la première fois depuis longtemps, j’ai l’impression qu’on est en train de gagner la bataille culturelle. Pas à coup de grandes déclarations, mais dans le quotidien des classes, dans les gestes du matin, dans les discussions entre élèves.
Quand on voit des gamins de toutes origines accrocher le mot « laïcité » traduit en 120 langues sur des panneaux bleu-blanc-rouge, ou chanter ensemble « même si dans la vie tout nous sépare », on se dit que quelque chose de profond est en train de se jouer.
Alors oui, 10 % de moins, ce n’est qu’un chiffre. Mais c’est aussi la preuve que, quand on tient bon sur les principes sans renoncer à la pédagogie, les choses peuvent bouger. Vraiment bouger.
Et vous, dans votre entourage, vous ressentez ce changement ? Ou reste-t-il encore des zones de tension ? J’ai envie de savoir ce que vous en pensez, parce que la laïcité, finalement, ça nous concerne tous.
(Article écrit en décembre 2025 – les chiffres mentionnés couvrent la période de la rentrée scolaire 2025 jusqu’à début décembre)
