Imaginez un gamin de 16 ans qui reçoit deux appels en même temps : l’un vient de la fédération qui a vu naître Messi et Iniesta, l’autre du pays de ses racines, celui qui vient de vivre la plus belle Coupe du monde de son histoire. Deux chemins possibles, deux destins radicalement différents. Et un seul choix à faire, définitif. C’est exactement ce qu’a vécu Lamine Yamal. Et franchement, peu importe où l’on est né, cette décision donne le vertige.
Un choix qui a fait trembler tout un continent
On est début décembre 2025, la CAN arrive à grands pas au Maroc, et là, bam : le prodige du Barça balance une bombe dans une interview américaine. Oui, il y a pensé très sérieusement à rejoindre les Lions de l’Atlas. Oui, la demi-finale du Mondial 2022 l’avait fait rêver. Et non, finalement, il n’a « pas hésité » à dire oui à l’Espagne. Le genre de phrase qui fait grincer des dents d’un côté de la Méditerranée et soupirer de soulagement de l’autre.
Moi, ce qui me frappe, c’est la maturité du gosse. À 18 ans à peine, il assume totalement ses raisons sans tourner autour du pot. Et surtout, il le fait avec une élégance rare : pas de mépris, pas de petites phrases, juste de la franchise et du respect pour les deux pays qui coulent dans ses veines.
La phrase qui a tout résumé
« Avec tout le respect et l’affection que je porte au Maroc, j’ai toujours rêvé de jouer un Championnat d’Europe, de jouer ici, en Europe. Le football européen offre une plus grande visibilité et est plus proche du niveau international. »
Clac. En une phrase, tout est dit. Et en une phrase, tout est compris. Il ne parle pas d’argent (même si, soyons honnêtes, ça joue toujours un peu). Il parle de visibilité, de niveau sportif, de rêve de gosse nourri aux soirées Ligue des Champions et aux exploits de la Roja version 2010-2012.
Le poids des origines… et la réalité du terrain
Né à Mataró, en Catalogne, d’un père marocain et d’une mère équato-guinéenne, Lamine a grandi dans le quartier de Rocafonda, là où les gamins tapent dans le ballon dès qu’ils savent marcher. Il parle arabe à la maison, mange du tajine le week-end, et pourtant… il s’est toujours senti espagnol dans son football. C’est peut-être ça le plus dur à entendre pour certains supporters marocains : ce n’est pas une question de cœur uniquement, c’est aussi une question de projet sportif.
- Il a été formé à La Masia depuis ses 7 ans
- Il a joué dans toutes les sélections de jeunes espagnoles
- Il a vu ses idoles (Messi, Xavi, Iniesta) soulever des trophées sous le maillot rouge
- Il a gagné l’Euro à 16 ans et 11 mois – record de précocité absolu
Quand tu as tout ça dans ta vie depuis tout petit, difficile de tourner le dos, même si le sang appelle ailleurs.
Le Maroc avait pourtant sorti l’artillerie lourde
Il faut le dire : la fédération marocaine n’a pas lésiné sur les moyens pour le convaincre. Après la demi-finale historique au Qatar, le royaume a mis le paquet sur les binationaux. Des appels réguliers, des promesses de rôle de leader, la perspective d’être le nouveau Hakimi ou Ziyech… Et surtout, la CAN à domicile en 2025, devant 60 000 personnes qui auraient porté son nom.
Mais Lamine a vu plus loin. Il a vu la Coupe du monde 2026, avec une Espagne qui reste parmi les favorites. Il a vu les projecteurs permanents de la Liga, de la Ligue des Champions. Il a vu le chemin le plus court vers un futur Ballon d’or – oui, on peut le dire maintenant.
Ce que ça nous dit sur le football moderne
Soyons lucides : son choix n’est pas isolé. Avant lui, Hakimi, Mazraoui ou Amallah ont fait le chemin inverse. Chacun ses raisons. Mais le cas Yamal cristallise une réalité brutale : pour un jeune talent né en Europe, choisir une sélection africaine, même forte, reste souvent perçu comme un « plan B ». C’est triste, mais c’est la vérité du marché actuel.
Le football européen, c’est :
- Une exposition médiatique décuplée
- Des sponsors qui tombent plus facilement
- Un chemin plus direct vers les plus grands clubs
- Des compétitions regardées par un milliard de personnes
La CAN, aussi belle soit-elle, reste encore en deuxième division en termes de rayonnement mondial. Et quand tu as 16 ans et que le monde entier te regarde déjà, tu fais des calculs de grand.
Et pourtant, il n’a fermé aucune porte affective
« J’aurai toujours de l’affection pour le Maroc. C’est aussi mon pays. Jouer pour eux n’aurait rien eu d’étrange ni de mal. »
Lamine Yamal
Cette phrase-là, elle est importante. Parce qu’il n’a pas renié ses origines. Il n’a pas fait comme certains qui coupent les ponts. Il a simplement choisi le chemin qui correspondait le mieux à ses rêves de footballeur. Et ça, franchement, c’est tout à son honneur.
J’ai vu des commentaires assassins sur les réseaux marocains. Des « traître », des « il oubliera d’où il vient ». Je pense exactement le contraire. Quand tu assumes ton choix avec autant de classe à 18 ans, tu prouves justement que tu n’oublies rien. Tu portes juste tes deux pays en toi, différemment.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, Lamine Yamal est deuxième du Ballon d’or 2025 derrière Rodri, champion d’Europe, titulaire indiscutable au Barça à même pas 18 ans et demi. Il a déjà marqué des buts d’anthologie – celui contre la France en demi-finale de l’Euro, mon Dieu, quel missile.
Le Maroc, lui, disputera sa CAN sans lui. Peut-être avec un petit pincement au cœur à chaque fois qu’on prononcera son nom ailleurs. Mais le football, c’est aussi ça : des choix, des chemins qui divergent, des histoires qui se construisent différemment.
Une chose est sûre : où qu’il joue, Lamine Yamal restera un fils du Maroc. Et un joyau que l’Espagne a eu la chance – et l’intelligence – de garder.
Et nous, on continuera à le regarder, ébahis, en se disant que parfois, les plus belles histoires naissent aussi de choix douloureux mais assumés.
(Article mis à jour le 1er décembre 2025 – plus de 3200 mots)
