Il y a des moments en sport où l’on sent que quelque chose vient de basculer pour toujours. Ce dimanche 7 décembre 2025, sous les lumières artificielles du circuit de Yas Marina, j’ai eu la chair de poule en voyant Lando Norris couper la ligne d’arrivée et rester muet plusieurs secondes dans la radio. Pas de cri de joie tonitruant, pas de « yes yes yes » à la Verstappen. Juste un souffle tremblant, presque un sanglot. Et puis cette phrase, toute simple, qui a fait fondre le paddock : « Arf, j’ai un peu l’air d’un loser là ».
Loser ? Lui ? Le gamin qui vient de battre le grand Max à deux points près ? Parfois, la Formule 1 nous offre des champions qui ressemblent à des héros de série Netflix, et Lando, avec son sourire timide et sa façon de rougir quand on le taquine, en est le parfait exemple.
Lando Norris, enfin sacré à 26 ans
Sept victoires, huit deuxièmes places, une régularité de métronome : les chiffres de la saison 2025 parlent d’eux-mêmes. Pourtant, pendant longtemps, on a cru que le Britannique resterait éternellement « le talent qui n’y arrive pas ». Souvenez-vous : des dizaines de podiums, des poles magnifiques… mais jamais la plus haute marche. Les réseaux sociaux l’avaient même rebaptisé Lando « No-Wins ». Cruel, mais tellement vrai jusqu’à cette année.
Et puis tout a changé. McLaren a retrouvé des couleurs papaya éclatantes, l’équipe a su transformer une monoplace parfois capricieuse en machine à gagner, et Lando a enfin appris à transformer ses « presque » en « enfin ».
Le gamin de Bristol qui rêvait en karting
Né le 13 novembre 1999 à Bristol, Lando grandit dans une famille aisée – son père est l’un des hommes les plus riches du Royaume-Uni – mais ça n’a jamais été un sujet pour lui. Dès l’âge de sept ans, il passe ses week-ends sur les circuits de karting, casque trop grand, regard déjà ultra concentré. À 11 ans, il est champion du monde cadet. À 17 ans, il gagne la Formula 3 européenne. McLaren le repère, le place dans son programme jeunes pilotes, et le propulse en F1 à seulement 19 ans.
Le voilà en 2019, plus jeune pilote britannique de l’histoire à ses côtés chez McLaren. On le compare déjà à Hamilton, on parle de « futur champion ». Sauf que la route va être longue, très longue.
Les années galère et la pression monstre
Entre 2019 et 2023, Lando collectionne les podiums (plus de vingt) sans jamais gagner. Il y a ce Grand Prix de Russie 2021 où il perd la victoire sur une erreur d’appréciation sous la pluie. Il y a Silverstone 2022 où il termine 3e derrière un Carlos Sainz intouchable. Il y a surtout cette étiquette « meilleur pilote sans victoire » qui commence à peser lourd, très lourd.
« Je me mets une pression énorme tout seul. Je veux tellement gagner que parfois je me sabote »
Lando Norris, après Sotchi 2021
Et puis il y a les haters sur les réseaux. À chaque erreur, c’est la curée. On moque son côté « trop gentil », ses lives Twitch où il joue à Call of Duty jusqu’à pas d’heure, ses blagues un peu potaches. On oublie que derrière le gamin qui fait des blagues, il y a un compétiteur féroce qui bosse comme un dingue.
2024-2025 : la métamorphose
La première victoire arrive enfin à Miami en mai 2024. Le soulagement est immense. Les larmes coulent dans le parc fermé. Il en gagnera trois autres cette année-là. Mais c’est vraiment en 2025 que tout bascule.
McLaren domine une grande partie de la saison. Lando enchaîne les poles, les victoires, les meilleurs tours. Il prend la tête du championnat dès le mois de juin. Et puis arrive la deuxième partie de saison : Verstappen revient fort, Piastri joue les trouble-fêtes, Ferrari n’est jamais loin. Chaque week-end devient un bras de fer psychologique.
- Sept victoires (un record personnel)
- Huit deuxièmes places (personne n’a fait mieux)
- Seulement trois abandons
- Deux petits points d’avance finale sur Verstappen
Franchement, quand on regarde la saison dans son ensemble, on se dit que ce titre, il le mérite dix fois.
Abou Dhabi 2025 : le jour où tout a basculé
Avant le dernier Grand Prix, deux points seulement séraient Lando de Max. Piastri peut encore mathématiquement être champion. La tension est insoutenable.
Départ chaotique, dépassement limite sur Tsunoda (enquête, pas de pénalité), gestion parfaite des pneus, stratégie osée à deux arrêts… Lando fait une course quasi-parfaite. Il termine derrière Verstappen, mais devant Piastri. Les calculs tombent : il est champion.
Et là, dans le tour de décélération, il craque. Vraiment. On entend ses sanglots dans la radio d’équipe. Zak Brown, le boss McLaren, a les larmes aux yeux. Même les mécaniciens pleurent sur le muret.
Pourquoi on l’aime autant (moi le premier)
Lando, c’est le champion qu’on a envie de prendre dans ses bras. Il n’a pas le charisme froid d’un Verstappen ou l’aura intouchable d’un Hamilton. Lui, il est comme nous. Il doute, il rit, il fait des blagues nulles, il est pote avec tout le monde.
Il stream encore sur Twitch le mardi soir après les Grands Prix. Il fait des dons énormes à des associations sans en faire toute une histoire. Il parle ouvertement de santé mentale – chose rare en F1 il y a quelques années. Il assume d’être émotif, de pleurer, de dire merci à tout le monde.
« Je suis juste un mec normal qui réalise un rêve de gosse. Merci à tous ceux qui m’ont soutenu même quand c’était dur »
Lando Norris, sur le podium d’Abou Dhabi
Et ça, ça touche. Parce qu’au milieu des egos surdimensionnés et des pilotes parfois formatés robot, Lando reste profondément humain.
Et maintenant ?
À 26 ans, il est le troisième plus jeune champion du monde de l’histoire derrière Vettel et Hamilton. Il entre dans le club très fermé des pilotes titrés. Mais surtout, il ouvre une nouvelle ère.
Avec Leclerc, Russell, lui, et peut-être Piastri dans les années à venir, la F1 a trouvé sa nouvelle génération dorée. Des pilotes talentueux, charismatiques, connectés à leur public. Et Lando, avec son cœur tendre et son casque orange, risque bien d’être celui qu’on aimera le plus.
Alors oui, il a pleuré comme un gosse sur le toit de sa voiture. Oui, il a dit qu’il avait l’air d’un loser. Mais pour moi, ce 7 décembre 2025, Lando Norris est devenu le plus beau champion du monde qu’on ait vu depuis longtemps.
Et quelque part, on a tous pleuré avec lui.
(Article écrit avec le cœur, un peu comme Lando court – à fond, mais avec l’émotion en prime.)
