Vous souvenez-vous de ces moments où une vidéo ancienne refait surface et vous cloue sur place ? C’est exactement ce qui arrive à des milliers d’internautes ces derniers jours. Une séquence datant de 2013, tirée d’une émission de divertissement très populaire, montre une jeune femme de 21 ans se faire embrasser de force, en direct, devant des millions de téléspectateurs. Tout le plateau rit. Elle tente de sourire. Douze ans plus tard, cette jeune femme – aujourd’hui âgée de 34 ans – prend la parole publiquement. Et son message est glaçant.
Ce n’est pas juste une histoire people. C’est le reflet brutal d’une époque où le consentement n’était même pas un mot prononcé à l’antenne.
Quand une simple story Instagram fait trembler les souvenirs
À l’origine de tout : une vidéo qui tourne à nouveau en boucle sur les réseaux. On y voit une ancienne Miss France, fraîchement couronnée deux ans plus tôt, invitée sur un plateau entouré de personnalités connues. L’ambiance est détendue, les blagues fusent. Puis, soudain, un comédien bien plus âgé l’attrape par la nuque et l’embrasse longuement sur la bouche. Elle se débat doucement, tente de reculer, mais le baiser dure. Le public hurle de rire. Les autres invités applaudissent. Elle, elle finit par sourire. Parce qu’il faut bien faire bonne figure, non ?
Ce jour-là, elle avait 21 ans. Elle était la gentille Miss qui fait rêver la France entière. Dire non, créer un malaise, risquer de passer pour la rabat-joie de service ? Impensable.
« Je redécouvre ces images 14 ans après. J’avais 20 ans, j’en ai aujourd’hui 34 mais le traumatisme est intact. À l’époque j’avais honte, je me sentais humiliée, objetisée, impuissante… »
Ses mots, publiés dans une story Instagram, ont immédiatement été repris partout. Et pour cause : ils résument à eux seuls ce que tant de femmes ont vécu en silence pendant des décennies.
Le consentement, ce grand absent des années 2000-2010
Revenons un peu en arrière. En 2013, le mouvement #MeToo n’existe pas encore. Le mot consentement est à peine employé hors des cercles militants. Sur les plateaux télé, la « blague » qui dérape, le comique qui « pousse le bouchon », c’est presque une tradition. On appelle ça du « second degré ». On rit jaune, ou on rit tout court, mais on rit.
La jeune femme, elle, n’a pas le choix. Refuser fermement aurait fait d’elle la trouble-fête. Accepter en souriant, c’était préserver l’image lisse qu’on attend d’une Miss. Entre les deux, il n’y avait pas de place pour dire : « Non, lâchez-moi, je ne veux pas. »
Aujourd’hui, elle l’écrit noir sur blanc : elle n’a jamais consenti. Elle a ri pour ne pas pleurer. Elle a encaissé pour ne pas faire de vagues. Et pendant des années, elle a porté ça seule.
Pourquoi parler maintenant ? La force des réseaux et du temps
On pourrait se demander : pourquoi attendre aussi longtemps ? La réponse est dans sa story même. Il y a encore quelques années, dire « j’ai été victime d’un baiser forcé à 21 ans en direct à la télé » aurait probablement valu des moqueries, des « c’était pour rire », des « faut te détendre ». Aujourd’hui, la société a (un peu) changé. La parole se libère. Les témoignages s’accumulent. Et surtout, les femmes ne veulent plus porter la honte à la place de ceux qui les ont mises mal à l’aise.
- La vidéo ressurgit régulièrement depuis plusieurs années, notamment lors d’épisodes judiciaires impliquant le comédien.
- Mais cette fois, c’est différent : elle décide de prendre la parole elle-même, avant que d’autres ne parlent à sa place.
- Elle refuse d’être réduite à une « anecdote drôle » d’une ancienne émission.
En publiant son message, elle transforme une humiliation passée en acte de libération collective. Elle parle pour elle, mais aussi « au nom de toutes celles qui n’ont pas pu faire entendre leurs voix ».
Le traumatisme ne s’efface pas avec les années
Ce qui frappe le plus dans son témoignage, c’est cette phrase : « le traumatisme est intact ». On pourrait penser qu’un « simple » baiser forcé, même en public, même filmé, même humiliant, finit par s’estomper. Eh bien non. Le corps se souvient. La gorge se serre encore en revoyant les images. La honte, la sidération, l’impression d’avoir été réduite à un objet pour faire rire la galerie : tout est là, intact.
Et c’est peut-être l’aspect le plus bouleversant. Ce n’était pas une agression dans une ruelle sombre. C’était en pleine lumière, applaudi, encouragé. Le genre de situation où la victime se sent doublement coupable : d’avoir vécu ça, et de ne pas avoir su réagir « correctement ».
« À l’époque je n’ai rien dit, par peur, par honte. Parce que le consentement, il y a 14 ans, on n’en parlait pas. »
– Son message, brut et sincère
Une prise de parole qui dépasse le cas personnel
Ce témoignage arrive dans un contexte où la question du consentement est enfin prise au sérieux. Des lois évoluent. Des campagnes de sensibilisation se multiplient. Des émissions entières sont consacrées au sujet. Et pourtant, des vidéos comme celle-ci nous rappellent à quel point la route est encore longue.
Car si une Miss France, en direct sur une grande chaîne, n’osait pas dire non en 2013… qu’en était-il pour la caissière, l’étudiante, l’employée de bureau, la lycéenne ? Combien de gestes déplacés, de « blagues » lourdes, de contacts non désirés ont été tus par peur du ridicule ou des représailles ?
En parlant aujourd’hui, elle participe à un mouvement plus large : celui de la parole libérée. Celui où l’on cesse de minimiser. Où un baiser forcé n’est plus « une anecdote marrante » mais bien une atteinte à l’intégrité d’une personne.
Et demain ? Vers une télévision vraiment respectueuse ?
On aimerait croire que ce genre de séquence ne pourrait plus exister aujourd’hui. Et pourtant… Des dérapages, il y en a encore. Moins nombreux, peut-être. Moins tolérés, espérons-le. Mais la vigilance reste de mise.
Les chaînes de télévision, les producteurs, les animateurs ont une responsabilité énorme. Le divertissement ne doit jamais être synonyme d’humiliation. Le rire ne doit jamais se faire au détriment du respect le plus élémentaire.
Le témoignage de cette femme, par sa force et sa dignité, est une piqûre de rappel. Il nous oblige à regarder en face ce que nous trouvions « normal » il y a encore dix ans. Et à nous demander : qu’est-ce qu’on accepterait encore aujourd’hui sans broncher ?
Un message d’espoir dans la douleur
Ce qui est beau, au milieu de tout ça, c’est qu’elle conclut son message sur une note de solidarité. Elle ne souhaite à personne de vivre ce qu’elle a vécu. Mais en parlant, elle transforme sa douleur en force pour les autres.
C’est tout le paradoxe des témoignages de ce genre : ils naissent d’une souffrance, mais ils participent à la guérison collective. Chaque femme qui parle rend le chemin un peu plus facile pour la suivante.
Et quelque part, c’est une immense victoire. Pas encore la fin du combat – loin de là – mais une étape. Une de plus.
Alors oui, cette vidéo fait mal à voir. Elle met mal à l’aise. Elle gêne. Tant mieux. C’est précisément pour ça qu’il fallait qu’elle resurgisse. Pour qu’on arrête de rire de ce qui n’a jamais été drôle. Pour qu’on apprenne, enfin, à respecter un non qui n’a même pas besoin d’être prononcé pour exister.
Merci à elle d’avoir eu le courage de parler. Vraiment.
