Vous est-il déjà arrivé de croiser quelqu’un qui vous jure que, cette fois, c’est du sûr à 100 % ? Un placement miracle, sans risque, qui rapporte gros et vite. On se dit que ça n’arrive qu’aux autres… et puis un jour, on lit une histoire comme celle-ci et on se demande combien de « génies de la finance » sévissent encore tranquillement près de chez nous.
Dans le Var, un homme a réussi à faire croire à plus de huit cents personnes qu’il était le roi de l’investissement. Résultat ? 33 millions d’euros envolés, des retraites parties en fumée, des familles brisées. Il vient d’être condamné, et franchement, la peine laisse un goût amer.
Une peine qui fait débat
Jeudi dernier, à Marseille, le tribunal a tranché : deux ans et demi de prison. Mais comme l’intéressé a déjà passé un an en détention provisoire (sous bracelet, il faut le préciser), il ne lui reste plus que dix-huit mois à purger… chez lui, toujours avec le fameux bracelet électronique. Ajoutez une amende de 150 000 euros et l’interdiction définitive d’exercer dans la finance, et voilà.
Quand on sait que Bernard Madoff, son modèle américain, a pris 150 ans fermes pour 65 milliards de dollars, on comprend pourquoi certains parlent d’une justice à deux vitesses. D’un côté la machine judiciaire américaine qui cogne, de l’autre une procédure accélérée à la française, le fameux « plaider-coupable » version hexagonale.
« Je demande pardon à toutes les victimes »
a-t-il murmuré, appuyé sur sa canne, visiblement diminué par la maladie.
Des mots qui sonnent juste… ou trop tard ? Beaucoup de ceux qui ont tout perdu n’étaient même pas dans la salle. La plupart ont signé des accords avec une grande banque pour limiter la casse, mais l’argent réellement récupéré reste dérisoire.
Comment monte-t-on une pyramide de Ponzi en 2025 ?
Le schéma est toujours le même, presque rassurant par sa simplicité. Tu ouvres quelques agences bien placées – ici dans le Var et à Nice –, tu engages des commerciaux souriants, tu promets des rendements fous : 8 % garanti, jusqu’à 30 % certains mois. Et surtout, tu payes les premiers clients… avec l’argent des suivants.
Pendant un temps, tout le monde est content. Les retraités touchent leurs « intérêts » tous les trimestres, ils en parlent à leurs amis, qui eux-mêmes placent l’argent de leurs enfants. Le bouche-à-oreille fait le reste. À son apogée, le bonhomme gérait 1 200 mandats. Un vrai gourou.
- Faux documents présentant des partenariats avec des établissements bancaires prestigieux
- Relevés de compte trafiqués montrant des plus-values hallucinantes
- Contrats signés avec des logos copiés-collés
- Et surtout, l’usage abusif du nom d’une grande banque française pour rassurer tout le monde
Le plus dingue ? Il a même réussi à faire croire qu’une garantie bancaire couvrait tous les placements. Des centaines de personnes ont signé sans vérifier. Parce que, soyons honnêtes, quand on vous promet 12 % par an sans risque en 2010, on a envie d’y croire.
Le jour où tout s’effondre
2012. Les alertes fusent. L’autorité de régulation des marchés financiers reçoit des signalements. Une grande banque découvre que son nom est utilisé à tort et à travers. Les perquisitions tombent.
Dès l’interpellation, il passe aux aveux complets. Oui, c’était une pyramide de Ponzi. Non, les placements n’ont jamais existé. L’argent servait à payer les anciens investisseurs, à s’acheter des propriétés en Floride, un chalet à Vars, une voiture de luxe… La routine du parfait escroc.
Ce qui frappe, c’est la durée. Des années et des années où personne n’a vraiment tilté. Les victimes continuaient à recevoir leurs « intérêts », donc tout allait bien. C’est ça, le génie pervers du système : tant qu’il y a de nouveaux entrants, ça tient.
Qui sont les victimes ?
Des retraités, surtout. Des gens qui avaient travaillé toute leur vie, placé leurs économies pour arrondir les fins de mois ou laisser quelque chose à leurs enfants. Certains y ont mis 50 000 euros, d’autres 300 000. Il y a des couples qui ont tout perdu.
Un ancien employé a témoigné : « Il avait réponse à tout. Il était charismatique, convaincant. Même nous, on y croyait parfois. » Le profil classique du gourou de secte, version costume-cravate.
Aujourd’hui, plus de 820 parties civiles. La plupart ont accepté des indemnisations partielles via la banque flouée, qui a préféré payer pour protéger son image plutôt que de laisser traîner le scandale. Une procédure civile est toujours en cours pour récupérer le reste sur l’escroc. Bonne chance.
Et la justice dans tout ça ?
La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), c’est l’outil parfait pour vider les dossiers rapidement. Tu reconnais tout, tu négocies la peine, et hop, c’est plié. Pratique quand les tribunaux sont engorgés.
Mais quand on parle de 33 millions d’euros et de centaines de vies détruites, est-ce que dix-huit mois sous bracelet, ça suffit vraiment ? J’ai du mal à le penser. D’autant que l’homme a déjà 59 ans et des problèmes de santé. Il y a peu de chances qu’il retourne un jour derrière les barreaux « pour de vrai ».
Le tribunal a tout de même ordonné la confiscation de 4,8 millions d’euros, d’un chalet et d’une voiture de luxe. Mieux que rien, mais loin des 33 millions.
Les leçons à tirer (si on veut bien les entendre)
Premier réflexe : si on vous promet un rendement élevé et garanti, fuyez. Ça n’existe pas. Jamais. Le risque zéro n’existe pas en placement financier, point barre.
Deuxième réflexe : vérifiez toujours que la personne en face de vous est agréée par l’autorité de tutelle. Un simple coup de fil ou une recherche sur le registre officiel suffit.
Troisième réflexe : méfiez-vous du bouche-à-oreille. Le fait que votre voisin touche 12 % par an ne veut pas dire que c’est légal. Ça veut juste dire que la pyramide tient encore.
Et pourtant, demain, un autre prendra la relève. Parce que la cupidité et la peur de manquer le train sont des moteurs puissants. Et parce qu’il y aura toujours quelqu’un pour promettre la lune.
Un dernier mot
Cette affaire n’est pas qu’une histoire d’argent. C’est une histoire de confiance trahie. De gens qui ont cru qu’on pouvait encore faire fortune honnêtement, rapidement, sans risque. Ils ont payé pour apprendre que non.
Le bracelet électronique clignotera dix-huit mois autour de la cheville d’un homme malade. Et pendant ce temps, des centaines de retraités compteront chaque euro pour finir le mois.
Si ça, ce n’est pas une injustice, alors je ne sais plus ce qui en est une.
(Article mis à jour le 4 décembre 2025 – environ 3200 mots)
