Imaginez une athlète capable de tout rafler, du VTT aux classiques pavées, en passant par un Tour de France féminin remporté haut la main. Et pourtant, derrière cette machine à victoires, il y a un petit monde très fermé, presque secret. Pauline Ferrand-Prévôt, élue championne des championnes françaises en 2025, ne laisse entrer que très peu de personnes dans sa bulle. Mais celles et ceux qui y sont jouent un rôle absolument déterminant. J’ai toujours trouvé fascinant de voir comment les plus grands champions construisent autour d’eux un cocon protecteur. Chez elle, c’est particulièrement marqué.
Le cercle intime d’une championne hors norme
Ce qui frappe d’abord, c’est la place prépondérante de la famille. Dans un sport aussi exigeant que le cyclisme de haut niveau, où les saisons s’enchaînent sans vrai répit, avoir des repères solides change tout. Pauline l’a bien compris. Elle répète souvent que ses proches sont là dans les moments fastes comme dans les tempêtes. Et franchement, quand on regarde son parcours ces dernières années, on comprend pourquoi elle tient tant à ce bouclier humain.
Ses parents, le roc inébranlable
Sylviane et Dany Dubau, ses parents, forment clairement la base de tout. Anciens coureurs eux-mêmes, ils savent exactement ce que vit leur fille. Sylviane, qui a roulé à très bon niveau, a même dirigé le club où Pauline a fait ses premiers tours de roue à cinq ans seulement. L’histoire est presque trop belle : la petite qui bat déjà les garçons, qui fait baisser la tête aux autres gamins quand la voiture familiale arrive sur les courses départementales.
Aujourd’hui installés dans le Var, ils n’hésitent pas à tout plaquer pour suivre les grandes échéances. L’achat d’un camping-car il y a quelques mois n’est pas anodin. Ils l’ont pris précisément pour pouvoir accompagner leur fille plus souvent. Sur le dernier Tour de France féminin, ils étaient là, discrets aux départs d’étape, prêts à tendre un bidon dans le col décisif. Le jour où elle a pris le maillot jaune, c’est eux qui étaient dans la montée. Et le lendemain, l’étreinte finale sur la ligne d’arrivée… Ces images-là, elles valent tous les discours.
Ce sont les personnes les plus importantes pour moi, présentes dans les bons comme dans les moins bons moments.
On sent que cette présence constante, sans pression excessive, lui permet de rester concentrée sur l’essentiel : performer. Parce que dans le cyclisme moderne, avec la médiatisation qui explose, garder la tête froide devient un défi presque aussi grand que la course elle-même.
Evan et Axelle, le frère et la sœur complices
Dans la fratrie, l’esprit de compétition a toujours été là. Evan, l’aîné de 35 ans, gendarme de profession, raconte avec amusement comment Pauline faisait déjà la grimace quand elle n’avait pas sa roue devant. Avec Axelle, la cadette de 28 ans, c’était pareil. Ils roulaient ensemble, Axelle dans la remorque, et Pauline refusait de se faire dépasser, même par ses parents.
Evan vient encourager quand son planning le permet, souvent avec sa femme et leurs deux petites filles. Lors du titre olympique, il était déguisé en licorne géante – l’anecdote est trop bonne pour ne pas la raconter. Il promet déjà d’avoir un nouveau costume prêt pour un éventuel prochain sacre sur le Tour. Le groupe WhatsApp familial doit être une vraie cour de récré, avec des chambrages qui fusent dans tous les sens. Le père avoue d’ailleurs être souvent la cible préférée.
Axelle, elle, a pris le virus du vélo à son tour. Championne de France de VTT marathon cette année, elle vit sa passion en parallèle. Ce mélange de soutien inconditionnel et de rivalité fraternelle saine, ça forge un caractère. Et ça explique aussi pourquoi Pauline reste si attachée à ces racines.
Dylan Van Baarle, le fiancé qui partage la passion
Depuis plus de trois ans, Pauline partage sa vie avec Dylan Van Baarle, le coureur néerlandais vainqueur de Paris-Roubaix en 2022. Ils se sont fiancés récemment, fin septembre. Deux champions du pavé dans le même couple, ça force le respect. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’ils vivent leurs carrières de manière très indépendante.
Lui chez Visma l’an passé, puis chez Soudal-Quick Step désormais. Elle chez Visma aussi, mais avec des programmes parfois différents. Pendant le Tour de France féminin, il était en stage d’altitude pour préparer son propre objectif. Il n’a fait qu’une brève apparition à l’hôtel de l’équipe, le matin d’une étape cruciale. Ils ont discuté de tout et de rien, un peu de la course, puis chacun est reparti vers son destin.
Aux Mondiaux il y a deux ans, il était venu la féliciter après son titre, mais sans franchir les barrières. Une discrétion qui en dit long sur leur façon de fonctionner. Ils partagent la même passion, les mêmes sacrifices, mais respectent l’espace de l’autre. Dans un milieu où les couples de coureurs sont rares, leur équilibre semble particulièrement sain.
Élodie Lantelme, la confidente précieuse
Parmi les amis, une figure se détache nettement : Élodie Lantelme. Ancienne journaliste reconvertie dans le yoga et la gestion d’une auberge en Haute-Savoie, elle est devenue au fil du temps la personne de confiance absolue. Quand les sollicitations médiatiques explosent, c’est souvent elle qui fait tampon.
Pauline n’a jamais été très à l’aise avec l’exposition. Elle préfère largement s’entraîner seule, dans son coin, plutôt que de multiplier les interviews. Élodie connaît ça par cœur. Elle était là lors des grands moments : dans le public pour un titre mondial, sur la butte olympique, en bord de route lors de la dernière étape du Tour. Un soutien constant, mais toujours en retrait.
Je me sens mieux quand je suis seule.
Pauline Ferrand-Prévôt
Cette phrase revient souvent. Et pourtant, elle a su s’entourer de quelques rares personnes qui comprennent parfaitement ce besoin d’isolement tout en étant là quand il le faut. Élodie incarne parfaitement ce rôle.
Yvan Clolus, le sélectionneur devenu proche
Dans le domaine purement sportif, Yvan Clolus occupe une place particulière. Sélectionneur national de VTT depuis huit ans, il a accompagné Pauline dans sa période la plus folle, celle où elle courait sur toutes les disciplines à la fois. Cinq titres mondiaux sous son ère, un record.
Le tempérament de feu de la championne n’a pas toujours rendu les choses faciles. Il a fallu gérer les coups de chaud, les périodes de doute. Mais le Breton, installé dans le Jura, a su trouver les mots. Même maintenant que les objectifs route ont pris le dessus, le lien reste fort. Il fait partie de ces rares figures du staff technique qui transcendent le simple rôle professionnel.
L’équipe Visma, un nouveau chapitre collectif
Depuis son arrivée chez Visma-Lease a Bike, Pauline a découvert un environnement différent. Rutger Tijssen, le manager de l’équipe féminine, est bien plus qu’un dirigeant. Il analyse avec elle les forces et les faiblesses selon le calendrier, ajuste la préparation en fonction de ses ressentis. Une collaboration très poussée.
- Il dialogue constamment avec elle sur les adaptations nécessaires
- Il connaît parfaitement ses atouts sur chaque type de course
- Il anticipe les moments où il faudra peut-être lever le pied
Elle a aussi noué des liens solides avec Marianne Vos, la légende néerlandaise, et avec la jeune Marion Bunel. Un mélange d’expérience et de fraîcheur qui semble lui convenir. Et puis il y a Leandra Bisschops, responsable médias, qui gère l’afflux de demandes tout en respectant le besoin de tranquillité de Pauline. Parce que oui, même avec un maillot jaune sur les épaules, elle reste fidèle à elle-même : pas fan des projecteurs.
Ce qui est passionnant, c’est de voir comment elle a su reconstituer un cercle de confiance dans cette nouvelle équipe. Après des années où elle fonctionnait beaucoup en solo, elle accepte désormais un peu plus l’aspect collectif. Sans pour autant renier sa nature profonde.
En observant tout ça de plus près, on réalise à quel point la réussite au plus haut niveau dépend souvent de ces détails humains. Les entraînements, la nutrition, la récupération, tout ça c’est fondamental. Mais sans un entourage qui comprend vraiment les enjeux émotionnels, c’est beaucoup plus dur.
Pauline Ferrand-Prévôt a choisi la discrétion comme arme. Pas de grande communication, pas de stories Instagram à tout va. Juste quelques personnes triées sur le volet, qui connaissent ses failles et ses forces. Et qui sont là, tout simplement. Peut-être que c’est ça, finalement, le vrai secret de sa longévité au sommet.
Parce qu’à 33 ans, elle semble encore loin d’avoir tout gagné. Les objectifs futurs font rêver : défendre son titre olympique ? Visiter les plus grands monuments ? Continuer à écrire l’histoire du cyclisme féminin français ? Avec ce cocon autour d’elle, rien ne semble impossible.
Ce qui me touche particulièrement, c’est cette fidélité aux racines. Dans un sport qui pousse souvent à l’individualisme extrême, elle garde ses parents, son frère, sa sœur comme boussole. Elle intègre de nouvelles figures, mais sans jamais renier les anciennes. C’est rare. Et c’est probablement une des clés de son équilibre.
Alors la prochaine fois que vous verrez Pauline Ferrand-Prévôt franchir une ligne d’arrivée en levant les bras, pensez à tous ces visages dans l’ombre. Ceux qui étaient là avant les médailles, pendant les doutes, et qui seront encore là demain. Parce que derrière chaque grande championne, il y a toujours un petit monde qui tourne autour d’elle. Et dans son cas, ce monde-là est particulièrement solide.
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