Vous êtes-vous déjà retrouvé devant une boutique flambant neuve, avec l’envie de pousser la porte… et de découvrir qu’elle est verrouillée pour une raison administrative ? À Saintes, en Charente-Maritime, c’est exactement ce qui arrive en ce moment même avec le nouveau Leroy Merlin. Un magasin prêt à 100 %, des équipes motivées, des millions investis, et pourtant… rien. Les portes restent closes. Et franchement, ça fait mal au cœur.
Un Projet Qui Avait Tout Pour Réussir… Jusqu’au Coup de Théâtre
Imaginez la scène. Un terrain choisi avec soin, un bâtiment sorti de terre en un temps record, plus de vingt millions d’euros engloutis dans le projet. Les rayons sont déjà remplis de vis, de peinture, de plantes et de barbecue. Les 110 salariés recrutés dans la région ont suivi leurs formations, certains ont même quitté leur ancien job pour saisir cette opportunité. L’inauguration était prévue fin novembre. Tout le monde était sur le pont.
Et là, patatras. Un avis défavorable tombe comme un couperet. La raison ? Un recours déposé par deux enseignes concurrentes auprès de la Commission nationale d’aménagement commercial (Cnac). Résultat : interdiction d’ouvrir. Le magasin est là, magnifique, mais inaccessible. C’est un peu comme construire une piscine et découvrir qu’on n’a plus le droit d’y mettre de l’eau.
La Cnac, ce gendarme parfois trop zélé de la grande distribution
Pour ceux qui ne connaissent pas encore ce sigle barbare, la Cnac est l’organisme qui valide (ou pas) l’ouverture de grandes surfaces de plus de 1 000 m². Son rôle officiel ? Éviter la cannibalisation commerciale et protéger les petits commerces de centre-ville. Une noble mission sur le papier. Sauf que, dans les faits, elle devient souvent l’arme favorite des enseignes déjà installées pour bloquer les nouveaux venus.
Dans le cas de Saintes, ce sont deux acteurs historiques du bricolage local qui ont dégainé le recours. On peut comprendre la peur de perdre des parts de marché, bien sûr. Mais est-ce vraiment le rôle de l’État de protéger les positions acquises au détriment de l’emploi et de l’investissement ? La question mérite d’être posée.
« Empêcher un magasin d’ouvrir alors que tout est prêt, c’est n’importe quoi. »
Un salarié recruté, dépité
110 familles dans l’attente, et une région qui pleure des emplois
Derrière les beaux discours sur la concurrence, il y a des gens. De vrais gens. Des vendeurs, des caissiers, des responsables de rayon qui comptaient sur ce salaire pour payer le loyer, les études des enfants ou simplement vivre dignement. Beaucoup viennent du coin. Ils connaissent la clientèle, ils avaient hâte de servir leurs voisins.
Aujourd’hui, ils sont en chômage technique ou en attente de reclassement. Certains ont déjà retrouvé un petit job alimentaire, d’autres espèrent encore. Et pendant ce temps, le bâtiment dort. Les frigos tournent pour rien, les plantes attendent d’être vendues, les cartons s’entassent. C’est presque surréaliste.
- 20 millions d’euros immobilisés
- 110 emplois directs en suspens
- Des dizaines d’emplois indirects (transport, sécurité, nettoyage…)
- Une zone commerciale qui perd en attractivité
Et tout ça pour quoi ? Pour protéger deux magasins existants qui, soyons honnêtes, ne risquaient probablement pas de fermer du jour au lendemain.
La loi est-elle devenue l’alliée des rentiers du commerce ?
J’ai couvert pas mal d’histoires comme celle-ci ces dernières années, et le schéma se répète. Dès qu’un grand groupe veut s’implanter dans une ville moyenne, les acteurs locaux sortent l’artillerie juridique. Recours, contre-recours, appels… Le dossier peut traîner des mois, voire des années. Pendant ce temps, l’investisseur paie les intérêts d’emprunt, les charges, les salaires au ralenti.
À la fin, soit le projet est abandonné (et c’est toute une région qui perd), soit il ouvre avec deux ans de retard, quand la concurrence a eu le temps de se renforcer ailleurs. Drôle de manière de dynamiser l’économie locale, non ?
On nous parle sans cesse de réindustrialisation, d’attractivité des territoires, de lutte contre le chômage… Et en parallèle, on laisse des commissions bloquer des projets clés en main. Il y a comme une dissonance cognitive.
Et les clients dans tout ça ? Oubliés ?
Personne ne semble se soucier de ce qu’en pensent les habitants. Pourtant, à Saintes comme ailleurs, beaucoup attendaient ce nouveau magasin avec impatience. Plus de choix, des prix souvent plus compétitifs, des services supplémentaires… Pour une famille qui retape sa maison ou aménage son jardin, ça change la vie.
Au lieu de ça, il faudra continuer à faire 40 kilomètres pour trouver certains produits, ou commander en ligne avec les délais et les frais que ça implique. Bravo pour le pouvoir d’achat.
Y a-t-il encore de l’espoir pour ce Leroy Merlin ?
L’enseigne n’a pas dit son dernier mot. Un recours devant le Conseil d’État est en cours, et d’autres pistes juridiques sont étudiées. En attendant, le magasin reste en standby. Les équipes sont maintenues autant que possible, mais la situation devient intenable à long terme.
Certains observateurs locaux parient sur une ouverture début 2026 si tout se passe bien. D’autres sont plus pessimistes. Une chose est sûre : chaque mois qui passe coûte cher. Très cher.
Ce que cette affaire dit de la France d’aujourd’hui
Au-delà du cas particulier de Saintes, cette histoire est symptomatique d’un mal plus profond. Un pays où il est plus facile de bloquer que de construire. Où la réglementation, censée protéger, finit parfois par étouffer. Où l’on préfère préserver l’existant plutôt que d’encourager le mouvement.
Je ne dis pas qu’il ne faut aucune règle. Bien sûr que non. Mais quand un projet respecte l’ensemble des normes environnementales, crée de l’emploi local et répond à un besoin réel, est-ce vraiment utile de le saborder sur la base d’un recours qui sent bon la défense d’intérêts privés ?
À force de tout bloquer, on finit par décourager ceux qui veulent investir en France. Et ce sont toujours les mêmes qui trinquent : les territoires, les salariés, les consommateurs.
« On forme des gens, on investit des millions, on dynamise un bassin d’emploi… et on nous dit non parce que deux concurrents ont peur de perdre quelques clients. Où va-t-on ? »
Un cadre de l’enseigne, sous couvert d’anonymat
Cette affaire Leroy Merlin à Saintes n’est pas qu’une anecdote locale. C’est un miroir tendu à toute une politique économique. Et le reflet n’est pas flatteur.
En attendant, les rayons restent désespérément vides de clients. Les salariés gardent espoir. Et quelque part, une ville entière retient son souffle en espérant que le bon sens finisse par l’emporter.
Parce qu’au fond, ouvrir un magasin, créer des emplois, faire vivre un territoire… ça ne devrait pas être un parcours du combattant.
