Vous souvenez-vous de ces soirées où toute la famille se rassemblait devant le poste pour regarder ensemble le journal de 20 heures ou une série à succès ? Aujourd’hui, c’est de plus en plus rare. J’ai moi-même surpris mon entourage à zapper la télé au profit de vidéos courtes sur le téléphone, même quand un bon film passe. Et les chiffres récents confirment que je ne suis pas le seul dans ce cas.
Les habitudes changent à une vitesse folle, et la télévision traditionnelle en fait les frais. On parle d’une baisse continue du temps passé devant le petit écran, au point que certains observateurs n’hésitent plus à prédire un avenir sombre pour plusieurs chaînes. Mais avant d’aller plus loin, voyons ce que disent vraiment les données.
La télévision perd du terrain, et ce n’est pas nouveau
Chaque jour, des millions de personnes allument encore leur télévision. C’est toujours le loisir numéro un en France. Mais le temps consacré diminue inexorablement. En novembre dernier, la durée moyenne d’écoute s’est établie à un peu moins de trois heures par jour, en incluant le replay. C’est déjà beaucoup, direz-vous. Pourtant, comparé à l’année précédente, c’est une chute notable.
Plus inquiétant encore : depuis janvier de la même année, on a perdu une vingtaine de minutes quotidiennes. Vingt minutes, ça peut sembler peu, mais multipliées par des millions de téléspectateurs, cela représente un manque à gagner colossal pour les chaînes qui vivent essentiellement de la publicité.
Ce déclin ne date pas d’hier. Il s’inscrit dans une tendance de fond qui s’accélère ces dernières années. Les jeunes générations, en particulier, désertent le petit écran au profit d’autres supports. Et même les plus âgés commencent à suivre le mouvement.
Des chiffres qui donnent le vertige
Pour bien comprendre l’ampleur du phénomène, rien ne vaut quelques repères concrets. Même si la télévision reste regardée par une immense majorité de la population chaque jour, le temps individuel fond comme neige au soleil.
Le prime time, ce créneau si précieux entre 20 heures et 23 heures, attire encore un public fidèle, mais là aussi, les courbes s’infléchissent. Les programmes phares doivent désormais rivaliser non seulement entre eux, mais surtout avec une concurrence invisible : les écrans individuels.
- Durée moyenne en novembre : environ 2 heures 51 minutes
- Baisse par rapport à l’année précédente : une dizaine de minutes
- Perte depuis le début de l’année : près de 20 minutes
- Public quotidien : toujours massif, mais moins captif
Ces chiffres, même s’ils restent impressionnants en volume absolu, cachent une réalité plus brutale pour les professionnels du secteur. Quand le temps d’exposition diminue, les recettes publicitaires suivent le même chemin.
Pourquoi on délaisse le poste familial
La première raison saute aux yeux : la multiplication des écrans. Téléphone, tablette, ordinateur… Chacun choisit son contenu, à son rythme. Plus besoin d’attendre l’horaire imposé par la grille des programmes.
Les plateformes de streaming ont changé la donne. On binge une série entière en un week-end, on découvre des documentaires pointus, on regarde des vidéos courtes ultra-addictives. Tout cela sans contrainte horaire et souvent sans publicité intrusive.
Même le replay, pourtant proposé par les chaînes elles-mêmes, participe à cette érosion. On regarde l’émission préférée le lendemain matin dans les transports ou le soir tard, mais plus forcément en direct. Résultat : les audiences live, celles qui comptent vraiment pour les annonceurs, s’effritent.
Il va y avoir des morts parmi les chaînes.
Un professionnel du secteur, inquiet pour l’avenir
Cette phrase, prononcée récemment, résume bien le climat actuel. Beaucoup craignent une concentration forcée, avec des fusions ou des disparitions pures et simples.
Les jeunes, grands responsables du changement
Si on regarde de plus près les tranches d’âge, le fossé est frappant. Les moins de 35 ans passent déjà beaucoup moins de temps devant la télévision classique. Pour eux, le contenu se consomme ailleurs, souvent sur mobile.
Les formats courts dominent : stories, reels, clips. L’attention se fragmente. Difficile dans ces conditions de capter un public pendant deux heures avec un téléfilm ou un jeu.
Même les événements majeurs, comme les grandes compétitions sportives ou les soirées électorales, perdent en attractivité quand on peut suivre les moments forts en quelques secondes sur les réseaux.
Du coup, les chaînes tentent de s’adapter. Elles multiplient les présences digitales, investissent dans des formats adaptés aux nouveaux usages. Mais rattraper le retard accumulé n’est pas simple.
Le replay et le streaming : amis ou ennemis ?
Paradoxalement, les outils censés sauver la télévision accélèrent parfois son déclin. Le replay permet de rattraper un programme manqué, mais il décale la consommation hors des plages publicitaires traditionnelles.
Quant aux plateformes de vidéo à la demande, elles offrent une expérience sans comparaison : catalogues immenses, algorithmes qui devinent vos goûts, qualité d’image souvent supérieure. Pourquoi se contenter de la grille linéaire quand on peut tout avoir à portée de clic ?
Les séries, en particulier, ont migré massivement vers ces nouveaux acteurs. Les productions ambitieuses, les scénarios complexes, les budgets colossaux : tout cela se passe désormais ailleurs.
Les conséquences économiques pour les chaînes
Moins de temps passé devant les programmes signifie moins de recettes publicitaires. Or, c’est la principale source de financement pour la majorité des diffuseurs privés.
Les annonceurs, eux, suivent le public. Ils investissent de plus en plus sur le digital, où la mesure est plus précise et le ciblage plus fin. La télévision reste puissante pour toucher les seniors, mais ce segment vieillit inexorablement.
Certains groupes anticipent déjà des restructurations douloureuses. Réduction des coûts, mutualisation des moyens, voire disparition de certaines antennes. L’idée n’est plus taboue.
Et demain, quelle télévision ?
On peut imaginer plusieurs scénarios. D’un côté, une concentration autour de quelques gros acteurs capables d’investir massivement dans le numérique. De l’autre, une spécialisation : certaines chaînes pourraient se recentrer sur l’information en continu ou le sport en direct, domaines où le live garde une vraie valeur.
Les partenariats avec les plateformes pourraient aussi se multiplier. Diffuser du contenu en exclusivité, proposer des expériences hybrides… Les idées ne manquent pas.
Mais l’aspect peut-être le plus intéressant, c’est la créativité forcée. Quand les ressources se raréfient, il faut innover. On pourrait voir émerger des formats plus audacieux, plus proches du public.
Personnellement, je pense que la télévision ne disparaîtra pas totalement. Elle va muter, comme elle l’a déjà fait à plusieurs reprises dans son histoire. Du noir et blanc à la couleur, de l’analogique au numérique, des quelques chaînes publiques aux centaines de thématiques.
Aujourd’hui, le défi est plus profond : passer d’un modèle de diffusion à un modèle de destination. Devenir un rendez-vous choisi, plutôt qu’une habitude par défaut.
Ce que cela dit de notre société
Au-delà des enjeux économiques, ce recul de la télévision raconte quelque chose de nous. Une individualisation croissante des loisirs. Moins de moments partagés autour d’un même programme, plus de bulles personnelles.
Est-ce un progrès ou une perte ? Les deux sans doute. On gagne en liberté de choix, en diversité de contenus. Mais on perd peut-être ce lien collectif que créaient les grands rendez-vous télévisuels.
Je me souviens encore des discussions le lendemain à l’école après un épisode marquant. Aujourd’hui, chacun vit son histoire en décalé, dans son coin. C’est différent, voilà tout.
Et puis il y a la question de l’attention. Ces formats courts, ces notifications permanentes… Ont-ils modifié notre capacité à nous concentrer longtemps ? La question mérite d’être posée.
En définitive, ce déclin de la télévision traditionnelle n’est pas une fin en soi. C’est le symptôme d’une transformation plus large de nos modes de vie. Les écrans restent omniprésents, mais leur usage évolue profondément.
Les chaînes qui sauront s’adapter survivront. Les autres risquent effectivement de disparaître. Et nous, spectateurs, nous continuerons à consommer des histoires, des informations, du divertissement. Juste… différemment.
Une chose est sûre : le paysage médiatique de demain ne ressemblera pas à celui d’hier. Et c’est peut-être tant mieux.
