Vous arrivez parfois à un moment où l’espoir et la peur se regardent dans le blanc des yeux. Ce 4 décembre 2025, c’est exactement ce qui se passe à la frontière libano-israélienne. D’un côté, on annonce des discussions « positives » et une prochaine réunion fixée au 19 décembre. De l’autre, les sirènes hurlent encore dans les villages du sud et la fumée monte des cratères tout frais. Franchement, on se demande si on assiste à une vraie désescalade ou simplement à un répit avant la prochaine tempête.
Un cessez-le-feu qui vacille mais ne rompt pas (pour l’instant)
Il y a un an, après trente-quatre jours d’une guerre destructrice, un cessez-le-feu avait été arraché sous l’égide des États-Unis et de l’ONU. Tout le monde savait que ce n’était qu’un pansement sur une plaie ouverte. Douze mois plus tard, le pansement tient toujours, à peine. Les incidents se multiplient, les accusations volent des deux côtés, et pourtant, chose incroyable, des civils libanais et israéliens ont recommencé à parler directement. Pas par Zoom interposé, non : en face à face, dans la base de Naqoura, sous le regard des casques bleus.
Et là, petite révolution : pour la première fois depuis des décennies, ce ne sont plus seulement des officiers en uniforme qui siègent autour de la table, mais aussi des représentants civils. C’est énorme. Symboliquement, c’est un pas de géant. Concrètement… eh bien, on verra.
Ce qui s’est réellement dit (ou pas) lors de la première réunion
Mercredi dernier, la salle était pleine. D’un côté, des hauts fonctionnaires libanais. De l’autre, des délégués israéliens. Au milieu, Américains, Français et ONU pour arbitrer. L’ambiance ? Apparemment « positive », selon les deux parties – ce qui, dans le jargon diplomatique moyen-oriental, veut souvent dire « personne ne s’est levé en claquant la porte ».
« Il est naturel que la première session n’ait pas été très productive, mais elle a ouvert la voie aux prochaines. »
– Le président libanais, juste après le Conseil des ministres
Traduction : on a posé les bases, on a écouté les griefs habituels, et on a programmé la suite pour le 19 décembre. Objectif affiché des Libanais : obtenir le retrait total des dernières positions encore occupées par l’armée israélienne au sud de la Ligne bleue. Objectif affiché des Israéliens : s’assurer que le Hezbollah ne reconstitue pas son arsenal sous le nez de la FINUL.
Pendant ce temps, dans le sud, la vie continue… sous les bombes
Jeudi matin, à peine vingt-quatre heures après les sourires de circonstance, l’armée israélienne larguait de nouveaux avertissements par SMS et tracts : « Évacuez immédiatement Mahrouna et Jbaa ». Quelques heures plus tard, les explosions. Une maison de trois étages pulvérisée à Jbaa, des entrepôts soi-disant pleins d’armes à Mahrouna. Résultat : pas de victimes déclarées, mais des familles terrifiées et des quartiers entiers sans vitres.
Du côté israélien, on répète le même refrain : « Nous avons frappé des stocks d’armes du Hezbollah cachés parmi les civils. » Du côté libanais, les habitants répondent : « Il n’y avait que des familles ici. » Comme toujours, la vérité se situe quelque part entre les deux versions, mais une chose est sûre : ces frappes empêchent toute normalisation de la vie dans le sud.
- Des villages entiers restent à moitié déserts depuis un an
- Les agriculteurs ne peuvent plus accéder à leurs champs près de la frontière
- Les écoles rouvrent par intermittence, selon le niveau d’alerte
- Le tourisme, qui commençait à renaître dans le Sud, est de nouveau à l’arrêt
Le nœud gordien : le désarmement du Hezbollah
Disons-le clairement : tant que cette question ne sera pas réglée, aucune paix durable n’est possible. Israël pose le désarmement (ou au minimum le déplacement au nord du Litani) comme condition sine qua non. Le Liban, lui, répète que c’est une affaire interne et que l’État libanais doit reprendre le contrôle progressivement.
Mais tout le monde sait que l’État libanais, fragilisé économiquement et politiquement, n’a ni les moyens ni forcément la volonté politique d’affronter frontalement le Hezbollah. Résultat : on tourne en rond. Les réunions se multiplient, les communiqués pleuvent, mais sur le terrain, les missiles continuent d’arriver – discrètement – et les drones israéliens survolent le ciel nuit et jour.
Coopération économique : carotte ou illusion ?
Il y a eu un moment, mercredi, où certains ont cru rêver. Des sources ont parlé d’« idées pour promouvoir une éventuelle coopération économique » entre les deux pays. Gaz offshore, routes commerciales, tourisme… Tout y est passé en quelques minutes.
« Les relations économiques viendront à la toute fin du processus de normalisation, qui doit venir après la paix. Elles ne peuvent pas précéder la paix. »
– Le Premier ministre libanais, histoire de calmer le jeu
En clair : ne vendons pas la peau de l’ours. Le Liban refuse catégoriquement toute normalisation à la sauce émiratie ou bahreïnie tant qu’il n’y aura pas de règlement global, Palestine comprise. Et même si certains milieux d’affaires à Beyrouth commencent à saliver à l’idée d’un marché israélien ouvert, la rue, elle, reste vent debout.
Et la communauté internationale dans tout ça ?
Les États-Unis poussent, la France suit de près (on se souvient du rôle joué par Paris lors de la résolution 1701 renforcée), l’ONU tente de maintenir la FINUL en vie malgré les restrictions israéliennes. Mais soyons honnêtes : personne n’a vraiment de levier sur le Hezbollah, hormis l’Iran. Et Téhéran, pour l’instant, observe sans bouger.
Quant à l’Europe, elle se contente souvent de communiqués appelant à la « retenue » – ce qui, dans le contexte, ressemble furieusement à un vœu pieux.
Ce qui pourrait tout faire basculer (dans un sens ou dans l’autre)
- Un incident grave avec victimes civiles côté libanais → risque de riposte du Hezbollah
- Une avancée concrète sur le retrait israélien des cinq points contestés → crédit énorme pour le gouvernement libanais
- Une percée sur le tracé définitif de la frontière terrestre (les 13 points litigieux) → déblocage possible
- Une nouvelle guerre à Gaza ou en Cisjordanie → contamination quasi certaine au Liban
Pour l’instant, le scénario le plus probable reste celui d’une tension chronique mais maîtrisée. Ni guerre totale, ni paix véritable. Un entre-deux épuisant pour les populations des deux côtés de la frontière.
Et nous, que faut-il en retenir ?
Personnellement, ce qui me frappe le plus, c’est la résilience des gens ordinaires. À Jbaa, à Mahrouna, à Avivim ou Metula, on continue de vivre, de cultiver, d’élever les enfants malgré le bruit des drones et l’odeur de la poudre. On se parle parfois par-dessus la clôture, on échange des fruits, on se prévient quand les bombardements approchent. C’est ça, aussi, le Proche-Orient : une capacité incroyable à maintenir un semblant d’humanité au milieu du chaos.
Le 19 décembre approche. Une nouvelle réunion. Peut-être un petit pas de plus. Peut-être un retour en arrière. Mais une chose est sûre : tant que les armes parleront plus fort que les mots, la paix restera un mirage dans le désert.
À suivre, donc. De très près.
